Le bateau volant de Jean-Marie Le Bris
Il y a eu le Bateau ivre de Rimbaud. Il y a eu aussi le bateau volant de Jean-Marie Le Bris, le premier homme à voler dans les airs à bord d’un appareil plus lourd que l’air. C’est ce breton, marin de son état, qui, un beau matin de décembre 1856, fit décoller sa barque qu’il avait dotée d’une charrette en guise d’ailes et qu’il fit tracter par un cheval. Ne souriez pas, c’est du sérieux ! Plus que la réalisation du rêve d’Icare : une avancée technologique mémorable en fait. Mais la vérité historique a-t-elle été respectée ?
Seulement voilà, d’autres nous disent désormais que des éléments nouveaux auraient surgi qui viendraient contredire la thèse officielle : la date donnée, 1856, serait erronée. C’est pour en discuter que de doctes spécialistes se réuniront à Quimper au Musée départemental breton le samedi 18 avril, à 15h. Il y aura Noël Le Henaff, président de l’association "la Barque ailée" et Michel Mazeas, historien et ancien maire de Douarnenez. Une conférence sur Jean-Marie Le Bris verra se disputer les deux camps (entrée libre).
Tout ce qu’on espère, c’est qu’un anglais ou un américain, voire un allemand, ne viendra pas déclasser notre français lequel n’a vraiment pas démérité. En effet, le capitaine Le Bris a su déployer en son temps beaucoup d’ingéniosité. Son bateau ailé, construit de bois et de toile, était inspiré de l’albatros, dont le vol prestigieux avait inspiré aussi le poète Charles Baudelaire. Sauf que le breton décida, lui, de mettre en pratique son rêve plutôt que de rêvasser et d’écrire des vers. Il réalisa ainsi le premier vol contrôlé d’un homme à bord d’un appareil plus lourd que l’air.
Jean-Marie Le Bris inspira aussi un autre grand rêveur : Jules Verne ("Robur le conquérant", 1886).
La question se pose aujourd’hui de savoir si l’historien Yves Peslin, auteur de l’ouvrage "Jean-Marie Le Bris - marin breton, précurseur de l’aviation" (éditions Les Ailes, Paris, 1944), n’a pas embelli la réalité et en particulier indiqué une date antérieure à la date réelle de l’évènement.
Wikipedia met en doute l’envol si joliment raconté par Peslin. L’expérience n’aurait selon l’encyclopédie en ligne "certainement pas" eu lieu en décembre 1856 comme malheureusement cela est très souvent écrit" mais quelque part entre 1858 et 1861. Wikipedia enfonce le clou, sans toutefois étayer sa thèse du "complot" (pardon, en Bretagne, on dit "légende" !) : "L’anecdote, trop souvent rapportée, d’un coché soulevé par la corde de traction du planeur, est une pure fiction extraite d’un roman publié après la mort du pionnier ("Les Grandes amours" par La Landelle en 1878) et devenue légende."
L’auteur de l’article sur paru sur Wikipedia poursuit sur sa lancée en mettant en cause de façon bien imprudente l’inspiration même de l’albatros : "En réalité, cet engin ne rappelle en rien l’oiseau de mer aux ailes bien plus allongées." Manifestement, Wikipedia a un parti pris dans cette histoire et c’est dommage. Pour se faire une idée plus exacte et surtout plus argumentée, il faut se rendre sur le site bretagne-aviation.fr et bien entendu suivre la conférence des éminents spécialistes samedi 18 avril à Quimper ou à défaut lire leurs écrits.
En attendant, il est encore permis de rêver en regardant voler l’Albatros, le second appareil de Jean-Marie Le Bris, reconstitué à l’occasion du 150ème anniversaire supposé de l’exploit. En 2006 donc. Cet engin fut construit en 1867 dans le port de Brest, avec l’aide de la Marine (mais la légende entretenait le mythe d’un constructeur solitaire...).
L’Histoire retiendra les engins volants qui prendront leur envol quelques années plus tard, oubliant l’Albatros. Mais l’honneur du capitaine Le Bris fut sauf grâce à Gabriel de la Landelle qui le sortit de l’oubli. C’est en faisant la première synthèse des travaux sur le vol de Le Bris de 1856 que ce théoricien de l’aéronautique put inventer en 1863 le mot "aviation".
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON