Logoscience, une nouvelle manière de faire de la science dans un contexte de révolution culturelle

Nul n’a entendu parler de la logoscience. C’est normal, ce concept est tout nouveau, je viens de l’inventer. Cela dit, le risque d’enfoncer des portes ouvertes est présent et probablement, des scientifiques ont déjà fait de la logoscience sans s’en réclamer. Notamment des physiciens qui comme Schrödinger, Bohm, Trinh Xuan Thuan ou Mioara Mugür-Schachter, ont tenté de fournir une image du réel tirée à partir des théories quantiques. On l’aura deviné, la logoscience se présente comme une sorte de métascience et si le mot n’était pas galvaudé par de mauvais usages sémantiques, on pourrait même parler d’une métaphysique. Ou plutôt d’une nouvelle ontologie. L’objectif de la logoscience n’est pas de fournir une théorie de ce qui apparaît dans la nature, ce qui se meut dans l’espace-temps, ce qui réagit dans un tube à essai, ce qui pousse dans une étuve, ce qui est extrait d’une cellule, mais de concevoir l’objet scientifique, autrement dit, de livrer l’idée ou le concept de ce qu’est cette chose étudiée par les instruments scientifiques ou même directement. La logoscience ne s’identifie ni avec la recherche fondamentale, ni avec l’épistémologie, cette spécialité qui étudie le fonctionnement de la science et les procédures scientifiques. Si elle se rapproche de la philosophie des sciences, son objectif est précis. Fournir une conception des choses qui sont et qui deviennent. La logoscience est donc une nouvelle ontologie qui partage avec l’ontologie classique les fins mais s’en distingue par les moyens qu’elle utilise, ces moyens étant la somme des données fournie par les spécialités scientifiques modernes.
La technoscience a pour méthode un triptyque rationnel : mesurer, assembler, calculer. Le fonctionnement est simple dans son principe. L’« assembler » permet d’élaborer des dispositifs d’observation, des technologies de pointe, des interfaces permettant de pénétrer au cœur de la matière et de récolter des données chiffrées, ce qui fournit la mesure qui sera alors introduite dans le calculateur, lequel fournira en retour d’autres chiffres servant de comparaison, de test, de supports numériques pouvant le cas échéant être cybernétiquement insérés dans la procédure technoscientifique pour poursuivre l’expérience, voire la réajuster. La technoscience finit par confondre la chose étudiée avec la chose réelle et par croire que l’élucidation complète de la chose n’est qu’une question de temps et de progrès technologique ; elle suppose une ontologie mécaniste sans être en mesure de la justifier.
La logoscience postule qu’une partie du réel reste inaccessible à l’investigation scientifique. Autrement dit, des processus internes à la chose sont hors de l’observation, soit pour des raisons de structure de la matière, soit parce que ces processus disparaissent lorsque le système est étudié. On pensera notamment aux systèmes vivants qui, pour être analysés finement, nécessitent d’être décomposés en éléments soumis à l’expérience. En recomposant les mécanismes, on n’obtient pas alors le concept du système mais une approximation qui peut se révéler assez trompeuse, bien qu’elle puisse se prévaloir d’une efficacité opératoire certaine. Les mécanismes biologiques sont-ils comme le temps mesuré, une pure forme extérieure à la vie ? Ou à défaut une cartographie incomplète de l’incroyable complexité moléculaire et des processus qui parviennent à les coordonner ? Il suffit de lire un traité universitaire de biologie pour se délecter de ces schémas moléculaires faisant office de cartographie imagée d’un système vivant en ordre de marche, mais comme la carte n’est pas le territoire, on dira que le mécanisme complexe n’est pas la vie. Et que la matière ne ressemble pas à une formule de mécanique quantique ou bien à un hiéroglyphe relativiste. Mais qu’est-ce cette matière étudiée par les physiciens et cette vie analysée par les biologistes ? Ces questions relèvent du domaine de la logoscience. Aucun acharnement empirique, technologique ou numérique ne pourra livrer la réponse. Seule, une manière de penser, de concevoir, de mettre en ordre les données disponibles et de spéculer sur l’essence du réel, pourra avancer sur la voie de la compréhension des choses et de l’essence de l’existence.
La technoscience dit comment faire, opérer, transformer, la logoscience explique ce qui est, ce qui se passe, advient, dans le réel. Les méthodes de la technoscience sont balisées, formatées, si bien agencées qu’elles ne demandent plus que l’homme pense mais qu’il soit au service d’un système dont les fins lui échappent. A l’inverse, la logoscience est fondée sur les choix, les options, la réflexion, la capacité à comprendre, débattre, exposer le concept des choses. La technoscience permet de comprendre le fonctionnement des choses et enseigne à utiliser le monde. La logoscience aide à se situer dans le monde et à y vivre en relation cognitive, voire gnostique, avec une nature qui n’est plus cette masse étendue, mécanique et aveugle, que la technique manipule mais une substance douée d’essence et de capacités à se finaliser, se situer, s’inventer. Bref, la logoscience nous invite à une révolution culturelle, pour connaître le monde, les êtres, et pour résister à cette technoscience qui réduit les hommes à d’infantiles gosses animés d’un fantasme de toute puissance et dont le seul horizon est de parvenir à des résultats et des gains matériels.
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