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Commentaire de Michael Texier

sur Sarkozy, ou le triomphe des passions tristes


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Michael Texier 11 mai 2007 18:57

Très bel article en apparence. Néanmoins, j’aimerais contester à l’auteur certains de ses arguments :

- Premier paragraphe : Une partie de l’argumentation justifiant une supposée légitime honte associée à l’élection de Mr Sarkozy repose sur le fait qu’un certain nombre de soutiens « discutables » se soient manifestés en faveur de Mr Sarkozy. L’auteur semble suggérer implicitement que cela induise une sorte de réciprocité qui impliquerait un soutien en retour de Mr Sarkozy à l’égard de Mr Heider par exemple. A ce propos, il convient de rappeler qu’un électorat est varié et complexe, et de même les soutiens déclarés au cours d’une campagne électorale peuvent provenir de personnalités très diverses, parfois même en complète opposition. Pour être tout à fait honnête, je m’étonne que l’auteur ait omis de mentionner les soutiens de Mme Veil, de Mr Glucksmann, et de bien d’autres dont on aura quelques difficultés à faire le lien avec Mme Rice pour ne citer qu’elle... En outre, je ne saisis pas bien le but du passage concernant les vacances de Mr Sarkozy, invité sur le bateau de Mr Bolloré. Je n’ai pas pour habitude d’indiquer le prix sur la bouteille de vin lorsque j’invite un ami pour un repas et donc je devine que l’auteur ne précise le coût d’une semaine de croisière que pour justifier le fait que les vacances d’un président ne sont pas celles de Mr « tout le monde ». Ce n’est pas un scoop, me semble-t-il. Il suffit de se référer à celles de ses prédécesseurs ou de la candidate à l’élection présidentielle. J’entends d’ici les critiques de ceux qui considèrent qu’on ne peut pas décemment parler aux ouvriers en ayant la vie (durant 48 heures) d’un milliardaire, mais dans ce cas, il faudrait donc adopter le mode de vie de Diogène pour prétendre résoudre les difficultés des plus démunis ? Drôle de conception...
- Spinoza n’aurait pas voté Sarkozy : Ici l’auteur argue sans vergogne que la campagne de Mr Sarkozy aurait reposée sur l’exploitation des « passions tristes » du peuple, terme désignant ainsi les aigreurs suscitées par les injustices et les maux réels ou supposés de notre société. Ce thème aurait pu être exploité avantageusement en disséquant par exemple l’origine des ces « passions tristes », en identifiant les populations sujettes à ces égarements (puisque l’auteur semble considérer que rien ne les justifie). Au lieu de cela, ce paragraphe se résume à une liste de clichés, de bribes de discours, de raccourcis mis entre guillemets, qui hors de leur contexte n’expriment rien de plus qu’une ébauche de caricature. Une étrange similarité de ton avec les slogans lus dans les tracts d’extrême-gauche trahissent ici une volonté de réduire le discours de Mr Sarkozy à quelques mots « choc ». Dommage, le titre du paragraphe laisser augurer une meilleure approche...
- Le dégout des autres : Ici le sujet est la haine. La haine que Mr Sarkozy exploite voire entretien selon l’auteur. La haine est ici parfaitement illustrée par les formules employées (« stigmatisation », « dénonciation », « exaltation presque délirante »...etc) par l’auteur qui ne cache pas sa propre haine de la haine qu’il entend dénoncer (ou de Mr Sarkozy peut-être...). Ce paragraphe ne laisse pas la place à la demi-mesure : la critique de la repentance est tout simplement traduite en négation des erreurs passées. Je crains que l’auteur n’ait pas complètement compris le discours de Mr Sarkozy. Ce qu’évoque Mr Sarkozy dans plusieurs de ses discours, c’est précisément ce à quoi conclue ce paragraphe : « entre la flagellation perpétuelle et l’oubli, il y a une marge ».
- Singer le grand loup blanc : Là, le masque tombe. Après le discours partisan camouflé sous l’analyse aux accents philosophiques, l’auteur choisit de poursuivre le discours sous la forme de la caricature. Mr Sarkozy aurait pris modèle sur Mr Le Pen... Le fameux slogan (la similarité avec les affiches des groupes d’extrême gauche devient de plus en plus évidente). J’aimerais beaucoup que l’on m’explique sur ce point les justifications de cette affirmation extraordinairement lourde de conséquences. Est-ce parce que Mr Sarkozy ose enfin se réapproprier les thèmes abandonnés au FN depuis 25 ans ? Thèmes par ailleurs pour certains également repris par Mme royal ou Mr Bayrou durant la campagne ? Certains sujets devraient-ils être abandonnés dès lors que d’autres se les sont appropriés et déversent depuis des années leurs solutions haineuses ? Quels sujets sont devenus imprononçables ? Alors jetons nous à l’eau, au risque de froisser les âmes bien pensantes... L’immigration ? L’immigration n’est pas un sujet tabou car l’immigration n’est pas un problème. L’immigration est une chance lorsqu’elle est synonyme d’intégration. Elle ne devient un problème que lorsqu’elle produit de l’exclusion. C’est l’idée défendue par Mr Sarkozy. Ce n’est pas celle défendue par Mr Le Pen. L’identité nationale ? Est-ce le terme identité ou le terme national qui pose problème ? Qui peut nier qu’un pays comme le notre a acquis au fil des siècles une identité, une vision commune, héritée des combats pour les libertés, pour le respect des autres à travers le principe de laïcité par exemple, ou nourrie des errements de notre pays à ses heures sombres ? Tout cela est une richesse. Le souligner, c’est justement ne pas oublier notre histoire sous ses bons et moins bons aspects. C’est aussi préparer notre avenir en instruisant les générations futures par l’expérience du passé. C’est tout simplement l’inverse de la négation, l’inverse de la repentance... Le travail ? Encore un terme qu’on a abandonné par peur sans doute qu’il ne soit associé à « Famille » et « Patrie » et aux souvenirs douloureux que cela évoque. L’erreur est justement de taire ces mots-là qui ne sont pas des insultes, mais des valeurs que l’on doit se réapproprier. C’est en évoquant ces sujets que l’on combat Le Pen. Mr Sarkozy ne copie pas Mr Le Pen, il le démasque et il est le seul pendant que les autres se contentent de le condamner (sans effet depuis 25 ans...)
- Moi je dis les choses comme je pense : Pour se prémunir contre l’accusation, mieux vaut la dénoncer soi-même. L’auteur cite donc Mr Sarkozy pour se défendre contre l’accusation de pensée unique, de la censure. En somme, il réfute l’argument que j’évoquais précédemment concernant les sujets tabous. De cette façon, l’auteur se dispense de justifier son affirmation selon laquelle Mr Sarkozy « singerait » Mr Le Pen. On tourne en rond. L’auteur en profite pour dénoncer le « parler vrai ». Ainsi, Mr Sarkozy aurait rompu avec l’habitude tellement appréciée des français de l’usage de la langue de ministre, parfois désignée par langue de bois. Cette tendance prononcée pour l’utilisation du langage « des gens » est dénoncée notamment parce qu’elle serait feinte, calculée et méprisante. En dehors du procès d’intention non-dissimulé que révèlent ces propos, il est curieux de constater que l’auteur suggère que l’usage de la langue « des gens » soit méprisante... Serait-il honteux de parler le langage du peuple ? Chacun en conclura ce qu’il voudra... La polémique autour de la part de l’inné et de l’acquis trouve naturellement sa place dans ce paragraphe articulé autour du procès d’intentions non déclarées, mais que l’auteur par son immense sens critique a su mettre à jour. Alors naturellement, l’auteur critique la légitimité des opinions de Mr Sarkozy sur de tels sujets. Il oublie cependant de s’interroger sur la réponse qu’il aurait lui-même donné si on lui avait présenté, à travers une question, la pédophilie comme « une orientation sexuelle au même titre que l’hétérosexualité ou l’homosexualité ». Pour ma part, je m’étonne que l’indignation de certains concerne d’avantage la réponse que la question...
- N’ayez pas peur, j’arrive : belle démonstration de ce que l’auteur désigne par le fait de « dresser les français contre d’autres français ». En effet, après avoir exprimé sa révolte inspirée par le fait que Mr Sarkozy ait évoqué son émotion face à certaines situations dramatiques, l’auteur déclare « Certains, manifestement majoritaires aujourd’hui, apprécient ce genre de discours ; d’autres, peut-être minoritaires, continuent de ressentir un profond dégoût face à une telle manipulation émotionnelle de l’opinion. » Certains seraient donc manipulés, ou tout simplement abrutis, tandis que d’autres seraient moins manipulables (et probablement plus humains ?). Quelle estime de l’auteur pour les 53% qui ne partagent pas son opinion...
- Pour une contre-révolution morale : Cette fois-ci, l’auteur appelle en renfort l’article d’un historien (publié dans Libération) pour démonter l’argument selon lequel mai 68 aurait structuré certains des repères de notre société. Nul doute que le plaidoyer opposé à celui cité pourrait être trouvé dans une revue orientée dans une autre direction politique. Sur ce sujet comme sur d’autres les historiens ne sont pas unanimes. Néanmoins, qui pourrait nier honnêtement que la révolte de 68 n’a pas changé notre vision de l’éducation par exemple, et de la place de l’élève dans le système éducatif ? Qui peut être convaincu que ces bouleversements sont toujours été sources de progrès ? C’est cela que Mr Sarkozy condamne. Il faut savoir faire la critique de ce que l’on pensait parfois à tort être une évolution et qui parfois a été source d’échec. Il faut tirer les leçons des 40 ans qui se sont écoulées depuis. Faute de temps, je ne peux poursuivre ma critique jusqu’au bout. Je renouvelle mes réserves sur la justesse des critiques formulées dans cet article. Néanmoins, comme il certains l’ont déjà mentionné, la démocratie se nourrit de l’échange et du débat. Et pour cela au moins, je salue l’auteur de cet article.


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