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Commentaire de Philippakos

sur Le quart de la planète peut aujourd'hui parler une même langue


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Philippakos Philippakos 30 novembre 2007 14:03

Merci pour ce long commentaire développé. Je crois qu’il existe un point de désaccord entre nous sur le phénomène linguistique, mais le cas ici est un peu spécial dans la mesure où il s’agit de langues de communication. Si l’anglais s’est imposé, cela ne s’est pas fait par décision. Le fait que les textes de loi aillent dans ce sens aujourd’hui est la simple conséquence d’une réalité. Quand on voyage, quand on s’intéresse à des choses scientifiques, quand on est dans la technique, l’aviation, etc, etc... n’est-il pas indispensable de parler anglais ? Un enfant, dans un contexte international, qui ne parlerait pas anglais aujourd’hui verrait nombre de portes se fermer devant lui. Tous les scientifiques que je connais qui n’ont pas fait d’anglais première langue le regrettent aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’idéologie mais de réalités.

Je n’ai jamais nié que l’idée de l’espéranto soit bonne, en théorie. La réalité est que cette langue n’est parlée que par une frange minime de la population et qu’en voyageant, elle n’est pas d’un grand secours, en étudiant encore moins. Il ne s’agit pas de reconnaître les vertus ou les défauts d’une langue, ce qui est un point de vue bien subjectif et donc forcément suspect, mais de coller à un monde qui a opté dans une direction. Et ce n’est pas nous qui allons le changer, même si ce constat peut paraître un renoncement. Cela rappelle un peu les Français qui résident à l’étranger et qui regrettent que les valeurs du pays d’accueil ne soient pas celles qu’ils ont quittées. C’est à eux de s’adapter, pas le contraire. Il faut qu’ils en prennent leur parti : les étrangers, dans leur propre pays, ne s’adapteront pas à eux.

Le respect des langues, lutter contre leur disparition, ce sont de belles idées que je respecte mais je crains qu’on ne puisse pas combattre le phénomène naturel linguistique, concernant aussi bien la disparition que l’évolution. Le phénomène de l’orthographe en France est significatif. Les Français perdent leur orthographe pour la simple raison que la langue écrite (figée ou presque) se sépare de la langue orale (constament évolutive). On ne va pas passer des siècles à pleurer sur la nullité de nos têtes blondes en orthographe. Il faut se demander pourquoi et tenter de faire évoluer la langue écrite... ou alors accepter, comme c’est le cas pour le chinois ou l’arabe, une dichotomie écrit/oral et modifier l’enseignement en profondeur.

Je pense qu’une langue de communication (ou langue « pont » comme vous l’appelez) ne peut pas être évolutive, ou seulement dans le sens de la simplification (cf. le latin) et c’est en cela que c’est davantage un code qu’une langue. Un code n’est modifiable qu’avec le consentement des utilisateurs, ce n’est pas le cas d’une langue vivante pour laquelle l’évolution se fait d’elle-même, sans concertation de bureaux linguistique ou autres instances dirigeantes. La différence est fondamentale. Les académies sont à la remorque de l’usage (avec plus ou moins de retard), pas l’inverse.

Il ya des injustices avec l’anglais, comme il y en aurait (peut-être moins, je vous l’accorde) avec l’espéranto dont vous admettez que la majorité du vocabulaire est indo-européen. Quant à la grammaire,reconnaissons à Zamenhof d’avoir fait un gros effort de logique, mais remarquons aussi que les grammaires ne sont pas des systèmes qu’on colle aux langues mais des formalisations intellectuelles à partir d’usages linguistiques. C’est peut-être une des raisons de la faible diffusion de l’espéranto : ne pas correspondre à un élan naturel d’expression qui est sûrement plus complexe que ce que les théories peuvent avancer (du moins dans l’état actuel de la linguistique). Comparer l’anglais à de l’esclavage est franchement exagéré. On peut souvent choisir une autre première langue à l’école (l’allemand pour tout l’Est de la France).

Pour finir, mon fils parle un anglais très courant (en plus du grec qui est une de ses deux langues maternelles avec le français)il s’en félicite chaque jour en surfant sur Internet, en allant au ciné sans lire les sous-titres, en comprenant les modes d’emploi de logiciels complexes. Il faut vivre dans un pays comme la Grèce à la langue peu diffusée pour comprendre qu’il n’y a pas de salut avec la langue grecque seule. Les livres techniques ne sont pas traduits, on ne peut plus communiquer en dehors des frontières, on ne lit même pas les panneaux publicitaires (est-ce un mal ?), les journaux étrangers etc, etc. C’est le constat d’une simple réalité. On ne peut pas traduire tout en 200 langues, il est nécessaire de posséder une base commune. Il se trouve que c’est l’anglais... la langue grecque ne disparaîtra pas pour autant mais les grecs ont, avec l’anglais, un moyen de communication avec le reste du monde. Ne pas perdre de vue que, dans le monde des langues, les Français ne sont pas les plus défavorisés. La preuve : ils ne se donnent souvent pas la peine d’apprendre correctement une autre langue (comme les Anglais et Américains d’ailleurs). Mitterrand ne parlait rien d’autre que le français. C’est inconcevable pour un homme politique d’un pays à la langue peu diffusée. Le français aussi se comporte comme une langue « impérialiste ».

Pour conclure, toutes les luttes pour des causes que l’on croit justes sont respectables et je respecte la vôtre pour l’espéranto. Je pense simplement que certaines choses échappent au contrôle de la raison et se forment sans qu’on en ait vraiment conscience. Les langues sont de celles-là.


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