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Commentaire de Saï

sur En France, la jeunesse est-elle un naufrage ?


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Saï 7 janvier 2008 11:21

Bon article mais les conclusions du rapport sont discutables tant elles s’appuient sur des notions que guette l’excès de généralisation. La « confiance en l’avenir » est en elle-même un concept assez flou et ne saurait être examinée autrement que sous l’angle d’un pessimisme plus général lié à des facteurs conjoncturels : conscience de la perte d’influence de la France au niveau international, pouvoir d’achat en berne, chômage et perspectives de relance limitées, incertitudes sur l’avenir du pays dans un monde globalisé, voire recul de la visibilité de la culture française face à une culture de masse largement américanisée, qui entraîne notamment une évolution des modèles... les éléments sont nombreux. Gardons-nous donc d’en tirer des conclusions hâtives.

Pour ce qui est de la conscience, je n’y vois là que la traduction statistique de l’existence d’une société de la culpabilisation permanente. Les Français sont réputés peuple critique, la jeunesse n’échappe pas à la règle et en la matière, tout y passe, à longueur de temps : le gouvernement, les entreprises, le service public, l’Europe, le monde anglo-saxon, le monde arabe, la gauche, la droite, les extrêmes, les people, les sportifs, etc etc. Lieux communs, me direz-vous. Sans doute. Cependant, la critique a un prix, son émetteur se plaçant nécessairement dans une position morale supérieure et le récepteur dans une position de culpabilisation, avec tout ce qu’elle implique. C’est un sujet délicat qui mériterait de bien plus amples développements mais pour prendre un raccourci, l’existence d’une critique trop forte induit une culpabilisation dont on ne se débarrasse qu’au travers du regard apaisé d’autrui et de sa validation. C’est là la source de ce besoin de reconnaissance fort chez les jeunes Français, exemple appuyé de manière éclatante par celui du Japon, autre société de la culpabilisation en puissance dont les jeunes ressentent les effets et leurs conséquences de manière de plus en plus vive. A l’inverse, la conscience personnelle est plus saine dans des pays laissant davantage la place à l’initiative et à l’état d’esprit moins prompt à la critique : Etats-Unis bien sûr, Scandinavie...

Enfin, sur l’obéissance, attention aux effets statistiques, car il s’agit moins sur ce point de constats que d’aspirations. On est attiré par ce qu’on n’a pas. En l’occurrence, les jeunes Français aspirent à davantage de poids du facteur obéissance, discipline, par rapport au facteur indépendance, car pour affirmer que la jeunesse hexagonale se verrait davantage en troupeau de moutons dociles qu’en une meute de jeunes loups indépendants, il faudrait une certaine perte de contact avec la réalité. A l’inverse, les jeunes Chinois largement encadrés par les valeurs sociétales strictes du régime pékinois trouvent des motifs d’espoir dans la croissance galopante de leur pays et rêvent d’une indépendance accrue par rapport à la société de l’obéissance qu’ils connaissent. Comme vous le soulignez, il s’agit là de l’échec patent de Mai 68 et ses aspirations tout-libertaires, et de la réaction de la nouvelle génération par rapport à la dilution de valeurs qui s’en est suivie. Les futurs adultes que sont les jeunes d’aujourd’hui entendent probablement élever leurs enfants dans une société aux repères plus solides.

Je vous rejoins dans votre conclusion sur les revendications des libertés de vie bien peu accompagnées par le sens des responsabilités citoyennes. On revient au thème des droits et des devoirs cher à Nicolas Sarkozy, et force est de constater qu’indépendamment des contradictions de sa politique il n’a pas tort d’appuyer sur ce point, dont le développement est l’un des piliers de sa popularité. L’habitude de revendiquer le « droit » à tout a partiellement éclipsé la conscience des responsabilités qui accompagnent ce droit. Une société libertaire mais irresponsable est vouée à l’échec, comme la jeunesse française semble en prendre peu à peu conscience au travers des aspirations dont elle témoigne. Mais comme vous le soulignez ce n’est pas seulement à elle de prendre en main la sortie de ce relatif marasme moral.

Cordialement


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