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Commentaire de Christophe

sur À Douai, le droit a été remis à l'endroit !


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Christophe Christophe 18 novembre 2008 18:34

@Léon,

Sur votre première observation, oui, l’opinion publique s’est émue d’un sujet qui devient problématique dans notre société : le statut que des populations le plus souvent d’origine immigrée accordent à la femme, en contradiction avec les efforts difficiles et pas toujours couronnés de succès qui ont été accomplis en France depuis le début du siècle précédent.

Sur ce point, nous sommes d’accord qu’il existe des problèmes, mais le jugement de Lille n’entre absolument pas dans le cadre que mettez en avant. Le jugement se prononce sur un mensonge concernant un point considéré comme important par les deux paries en présence. Cela n’a strictement rien à voir avec une vision patrircale ou matriarcale des relations entre les êtres.

Vous prétendez qu’il y a des décisions d’annulation de mariage pour le motif que l’un des époux aurait caché sa condition de divorcé à l’autre. Je ne connais pas ces décisions : de quand datent-elles ? Et quand bien même : sommes nous en présence de « qualités substantielles » du même ordre ? Pas sûr, car dans le cas du divorce il s’agit de qualités parfaitement symétriques applicables au mari comme à la femme, ce qui n’est pas le cas de l’exigence de virginité qui est, elle, à sens unique et toujours associé à un statut discriminatoire de la femme.

Pas tout à fait Léon. La qualité de virginité est totalement symétrique, c’est la capacité à en faire la preuve qui ne l’est pas, et encore, l’inexistance de l’hymen à un instant t ne signifie pas la non virginité.

Par contre concernant les annulations pour cause de divorce préalable, je vous met le PV du tribunal de cassation sans y mettre les noms :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Noël X..., en cassation d’un arrêt rendu le 5 décembre 1994 par la cour d’appel d’Angers (1re chambre civile, section B), au profit de Mme Bernadette Y..., défenderesse à la cassation ;

Mme Y... a déposé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 28 octobre 1997, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Durieux, conseiller rapporteur, M. Grégoire, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Durieux, conseiller, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. X..., de Me Garaud, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Angers, 5 décembre 1994) d’avoir prononcé l’annulation de son mariage avec Mme Y..., célébré le 18 août 1973, sans rechercher si l’erreur sur une qualité essentielle de la personne aurait été déterminante pour n’importe qui d’autre que Mme Y... et non pas seulement par l’effet d’une disposition d’esprit particulière à celle-ci, de sorte que la cour d’appel n’aurait pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 180, alinéa 2, du Code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel a retenu, à bon droit, que le fait pour M. X... d’avoir caché à son épouse qu’il avait contracté un premier mariage religieux et qu’il était divorcé, avait entraîné pour son conjoint une erreur sur des qualités essentielles de la personne ;

qu’elle a souverainement estimé que cette circonstance était déterminante de son consentement pour Mme Y... qui, désirant contracter un mariage religieux, entendait, par là même, épouser une personne non divorcée ;

qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de Mme Y... :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.

En 1997, donc, dans ce cas, un mariage a été annulé car le marié a menti à la mariée qui voulait avoir un mariage religieux. Dans cette impossibilité, compte tenu des convictions religieuses de la mariée et du mensonge de son mari, le mariage a été annulé. Un exemple parmi d’autres, je vous rassure. Mais là, aucun tollé, je vous rassure aussi.

Votre deuxième observation est surréaliste : d’où croyez-vous que tombent les règles de droit, du ciel ? Les juges, certes, dans un système de séparation des pouvoirs ne font pas les lois ni les règlements mais ils suivent en permanence l’évolution des mœurs et de la société à travers la jurisprudence, c’est tout le contraire de ce que vous qualifiez de « tribunaux populaires »… Bien souvent c’est la loi qui vient définitivement fixer une évolution jurisprudentielle et non le contraire… Je me rappelle par exemple, que sur la question de l’usage, pour une femme divorcée, du nom de son ex-époux, elle a précédé la loi.

Nous sommes d’accord que la jurisprudence tend à faire évoluer la loi. Mais la jurisprudence ne peut contredire les lois applicables sous prétexte que la loi ne correspond pas à la pensée même majoritaire. C’est une adaptation à la marge de la loi, cette dernière ne pouvant être exhaustive a priori.

Sur votre troisième point, là non plus je ne vois pas. Il y a, même dans les contrats de gré à gré, des prescriptions d’ordre public et je ne vois pas au nom de quoi le mariage devrait constituer une exception. Vous pouvez ne pas être d’accord avec telle ou telle, mais rejeter par principe l’intrusion du droit dans l’intime n’a aucun sens .

Le mariage est un contrat civil qui repose sur un contrat moral entre deux êtres. La justice peut statuer sur les clauses du contrat civil mais ne peut juger le contrat moral qui les lie, c’est la porte ouverture au terrorisme de la vertu. Si cela est nécessaire, il faut rappeler que la justice ne statut pas, comme l’a fait le tribunal de Lille, sur la moralité des deux parties, mais sur le mensonge ou non sur une valeur jugée essentielle par les deux parties dans notre cas, et cela sans que l’un fasse pression sur l’autre.

Et il faut être sérieux, interdire aux hommes de maltraiter les femmes ce n’est pas obliger ces dernières à être féministes ! Légitimer le comportement de victime, c’est légitimer celui du bourreau… Et j’espère bien que jamais une loi ne fournira des outils pour permettre, en France, qu’un époux répudie sa femme pour non-virginité !

Soyez sérieux et relisez ce que j’ai écrit. Cela n’a strictement rien à voir avec la maltraitance d’un homme envers une femme, de grâce, pas d’amalgame de la sorte. Sur ce point, au moins sommes-nous d’accord qu’il faut interdire aux hommes la maltraitance envers les femmes. Cela n’empêchera pas une femme de vouloir se laisser dominer par un homme. Mais comme dans notre cas, l’homme n’a pas imposé ses vues, puisque la femme pouvait très bien lui dire d’aller se faire voir ailleurs avant le mariage, elle a préféré mentir pour parvenir à ses fins. C’est cela qui a été jugé, et rien d’autre.

Quant au fait que la pression médiatique aurait guidé seule la décision de la cour d’Appel, c’est totalement invraisemblable justement à cause de l’indépendance des juges. Selon moi elle a correctement jugé et à juste titre annulé une décision indéfendable en droit et sur le principe. Il y a tous les jours des arrêts de cours d’appel qui annulent des jugements antérieurs.

Le seul jugement pour lequel il n’y a pas eu de pression médiatique est celui de Lille qui a jugé en toute indépendance et conformément à la loi. Sans le tapage médiatique et politique, il n’y aurait jamais eu appel ; c’est même la ministre de la justice qui a demandé le pourvoi. Votre argument ne repose que sur le fait que le jugement de Douai correspond à votre interprétation de cette affaire.

Personne n’oblige ces personnes à rester mariées, le divorce par requête conjointe est fait pour cela.

Le mode de séparation ne concerne que les parties concernées, ni vous, ni moi d’ailleurs. Si la loi permet d’annuler le mariage, pourquoi s’en priveraient-ils ? Un divorce n’est pas perçu à l’identique d’un point de vue religieux ; si les parties ont des convictions religieuses, il leur est sans doute préférable d’annuler le mariage. Sur ce point non plus, vous n’avez, comme tous ceux qui ne sont pas partie prenante de ce mariage (ils ne sont que deux), aucun droit de les forcer à faire un autre choix.


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