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Commentaire de J. GRAU

sur Qui se cache derrière la burqa ?


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Jordi Grau J. GRAU 30 juin 2009 19:47

Cette affaire de burqa est complexe. A mon avis, il y a trois questions qu’il faut se poser :

1. La burqa est-elle un obstacle à la liberté des femmes qui la porte ?
2. S’il faut répondre oui à la question 1, cela signifie-t-il qu’il faut interdire le port de la burqa ?
3. Pourquoi au fond tout ce débat sur la burqa ?

A la question 1, je réponds : oui, sans aucun doute. D’une part, il est clair que ce vêtement est une véritable prison, qui isole de l’extérieur et gêne les mouvements. D’autre part, c’est un symbole d’asservissement, et en particulier d’une asymétrie scandaleuse entre hommes et femmes. Bien entendu, cela ne veut pas dire que toutes les femmes sont contraintes physiquement de porter un vêtement dont elle ne veulent pas. Beaucoup d’entre elles le choisissent « librement », sans doute parce qu’elles ont été éduquées dans l’idée que c’était normal, voire bon pour elles. Depuis Etienne de la Boétie au moins, nous savons qu’il y a une servitude volontaire. Les rapports de domination ne reposent pas tant sur la force que sur la soumission des dominés.

Question 2 : faut-il légiférer ? Je n’en suis pas du tout sûr. La loi pourrait peut-être avoir un effet bénéfique pour celles qui sont contraintes physiquement, mais pour les autres ? Ne risquent-on pas de braquer les gens lorsqu’on veut les forcer à être libres ? Dans un précédent message, Alchimie écrivait :

"Il y a environ un demi-siècle, la majorité des femmes françaises choisissaient « librement » d’être entièrement dévouées à leur mari et de faire passer le devoir de maîtresse de maison avant leur vie de femme.

Malheureusement ... pour les hommes, les choses ont mal tourné : les femmes sont toujours libres, mais aujourd’hui elles ne sont plus formatées à être inférieures.

Bref votre soi-disant liberté de mettre ou pas la Burqa c’est pas très convaincant"

Cette comparaison est assez éclairante. Car si les femmes européennes sont plus libres qu’il y a cinquante ans (même si les rapports de domination sont loin d’avoir disparu), ce n’est pas uniquement à cause des lois. On ne peut pas contraindre par la loi une femme à s’émanciper de son mari, à trouver un travail, à cesser de faire toutes les tâches ménagères, etc. Tout ce qu’on pouvait faire, d’un point de vue légal, c’était donner un statut juridique égal aux hommes et aux femmes, et créer les conditions de l’émancipation (par exemple en instaurant des congés parentaux...). C’est seulement ainsi qu’on pourra faire changer les mentalités : en rendant attractive (par la loi et par des moyens non coercitifs) l’égalité réelle de l’homme et de la femme.

Troisième question : pourquoi ce débat ? A mon sens, c’est en grande partie un vieux truc politique, comme le remarquait Le Gus. Il s’agit d’agiter le pays avec un débat dont on sait qu’il suscite des passions. Pendant ce temps, on ne parle pas de problèmes peut-être plus importants, en tout cas qui touchent plus de monde : crise économique, précarité, renforcement des privilèges des riches, diparition progressive des libertés publiques et individuelles. On agite le drapeau de la liberté (contre les infames fondamentalistes musulmans) tout en instaurant une démocratie policière, où tout le monde est fiché, contrôlé, où l’ADN de n’importe qui peut-être répertorié, etc. En plus, on brandit le spectre du choc des civilisations. Divisons pour mieux régner : cette maxime a toujours marché et elle a encore de beaux jours devant elle.


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