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Commentaire de J. GRAU

sur Les immigrants doivent-ils s'intégrer ?


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Jordi Grau J. GRAU 17 août 2010 11:49

Je me souviens d’avoir entendu il y a quelques années un historien très intéressant sur France Cul. Dommage que j’ai oublié son nom. Ce que disait ce gars, c’est que le mot « intégration » est presque toujours pris dans un sens réducteur. On entend par là l’adaptation d’un groupe ethnique minoritaire aux lois et aux coutumes du groupe dominant. Mais l’intégration est aussi quelque chose de social. Et c’est peut-être là le vrai problème, celui dont on parle peu parce qu’on n’a pas envie de critiquer radicalement le système économique. Si les immigrants (ou leurs enfants) sont différents, ce n’est pas seulement à cause de leur langue ou de leurs coutumes : c’est aussi parce qu’ils sont défavorisés socialement (en matière de travail ou de logement).

Prenons un exemple simple : celui de l’immigration italienne dans la France d’il y a un siècle. A l’époque, on ne disait pas : ces gens sont des Européens, ils sont de culture chrétienne, ils sont comme nous des Latins. Non : on disait plutôt qu’ils étaient bruyants, qu’ils puaient l’ail et la friture, et qu’ils étaient TROP catholiques... A l’époque, le bruit et l’odeur et les problèmes religieux, ce n’étaient pas d’abord dirigés contre les Maghrébins, parce que ceux-ci étaient peu présents en France métropolitaine. A noter que la haine de l’Italien a pris parfois des proportions tragiques, notamment dans le sud de la France, où des morts ont été déplorées.

Vous me direz que les conflits entre « Français de souche » et Italiens ont fini par se tasser et que les fils et petit-fils de ses derniers se sont parfaitement intégrés, alors qu’il y a des conflits entre « Français de souche » et « Maghrébins », 40 après la grande vague d’immigration maghrébine en France. Oui, mais il y a une grande différence entre les deux cas. La crise économique qui sévissait à la fin du XIXème siècle a fini par se tasser. Or, c’est cette crise qui était la cause principale du sentiment anti-italiens, les nouveaux immigrants étant perçus comme des concurrents sur le marché du travail. Tandis que nous vivons depuis le milieu des années 70 dans un marasme économique et social dont nous ne nous sommes jamais remis. Le chômage de masse n’a jamais disparu, les travailleurs se sont retrouvés comme jamais en concurrence les uns vis à vis des autres et le mouvement ouvrier, jadis très puissant, s’est essoufflé. Les causes sociales et économiques de conflits n’ont donc pas disparu.

L’historien faisait d’ailleurs remarquer que les sentiments racistes augmentent en période de crise (fin XIXème, années 30, années 80 jusqu’à aujourd’hui) et diminuent en période de prospérité économique.

Ceci m’amène à une dernière chose : on se représente souvent l’intégration comme une tâche à accomplir par les groupes ethniques minoritaires. On oublie que cet effort doit être fait dans les deux sens. Enfin, encore une fois, cette intégration doit d’abord être pensé sous un angle social et économique. Si nous partagions un peu plus équitablement les richesses et le temps de travail, je suis convaincu que les frictions ethniques ou religieuses s’atténueraient considérablement. Mais l’explication de ce point nécessiterait sans doute un long développement...


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