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Commentaire de Zeugma

sur Moi, ingénieur, 10 ans d'expérience, 1500 euros par mois...


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Zeugma 16 octobre 2011 10:48

 Bonjour à tous, et merci d’avoir répondu et abondamment commenté mon premier article je ne m’attendais pas à un tel succès. A ceux qui s’étonnent de mon silence je tiens à rappeler que mon article n’a été publié qu’hier matin, je n’ai donc pas eu la possibilité pour des raisons de temps d’ajouter de commentaires pour le moment mais seulement celle de suivre via mon téléphone la discussion qui s’était engagée.

 Mon témoignage est véridique, j’ai seulement synthétisé ce que j’ai vu durant les dix dernières années dans les différentes entreprises que j’ai traversé pour tenter, comme tout le monde, de gagner une vie meilleure.

 C’est mon premier article sur Agoravox, car habituellement je ne fais que lire les articles sur les sites d’information sans les commenter. Ces commentaires étant déjà pléthoriques et variés sur des sujets divers, il ne m’est jamais apparu nécessaire d’y ajouter le mien. Habituellement hors de mon travail dans l’industrie je n’écris dans mon coin que des nouvelles ou des bouts de romans, pas des articles, et je ne suis publié chez aucun éditeur.

 J’ai donc lu attentivement ce que vous écriviez et je vais essayer d’en faire une synthèse commentée.

 J’ai lu certains témoignages montrant que je n’étais pas le seul à avoir constaté les mutations qui s’opèrent dans nos entreprises. Nous sommes donc d’accord sur ce triste constat, je n’ai rien à ajouter.

 D’autres témoignages ont montré la spécificité de la France dans ce domaine, par rapport au Canada ou à la Suisse par exemple. L’expatriation est une possibilité que j’envisage très sérieusement en ce moment, tant elle semble la seule façon d’obtenir une forme d’ascension sociale qui permet au moins de sortir la tête hors de l’eau.

 D’autres encore ont eu des témoignages caricaturaux, me prêtant un idéal petit bourgeois de possession de TV grand écran, de pavillon et de grosse voiture. Ce n’est pas totalement faux, tant nous sommes formatés dès l’enfance à désirer ce type de chose, mais cette vision réductrice n’est en aucun cas pour moi une vision de bonheur. Vous avez je crois volontairement omis que l’argent permet un accès à la culture en général, c’est-à-dire l’achat de livres, de voyages, de spectacles ou tout simplement le fait de pouvoir aller voir un film (ce que je peux de moins en moins me permettre).

 Sur le sujet du bonheur relatif par rapport au reste de l’humanité (dans le monde actuel comme dans le passé) dont il faudrait se contenter en remerciant le ciel de ne pas souffrir de la famine ou d’un quelconque fléau, je trouve votre discours un peu aveuglant, voir hypnotique ou décérébrant. Il me rappelle en fait le fameux « les derniers seront les premiers » qui promettait aux pauvres dans les siècles passés de profiter de la vie une fois dans l’au-delà. Je crois que ce type de discours fait surtout le bonheur de ceux qui sont en train de s’approprier toutes les richesses du monde en ce moment.

 D’autres encore ont dit que 1500 euros ce n’était pas la misère et que l’avenir était dans une forme d’égalité forcée. Je suis en total désaccord avec ça. Les humains naissent libres et égaux en droit, mais après il doit exister obligatoirement une différentiation entre les êtres sur la base des capacités individuelles, sous peine de retourner vers un système totalitaire où chaque être est normalisé socialement.

 Certains témoignages sont en total contresens avec ce que j’ai dit, à ceux-là je conseille de relire mon texte attentivement. Comment pourrais-je, par exemple, être un « troll de droite » et citer en négatif les aventures ubuesques de Jean Sarkozy ?

 D’autres ont semblé se réjouir de la baisse des salaires des autres, ou m’ont conseillé de devenir plombier. Ceux-là font à mon avis le jeu des puissants, et leurs témoignages me paraît contestable car il s’agit alors d’applaudir un système qui tend à dissuader les classes populaires de tenter de s’approcher d’un quelconque métier de réflexion, et à les convaincre de retourner docilement vers des métiers manuels ou sans réflexion aucune (je dis bien « ou » : les métiers artisanaux ne sont en aucun cas pour moi sans réflexion).

 Concernant l’élitisme à la française je souhaiterais citer Pierre Bourdieu qui disait : « l’école transforme ceux qui héritent en ceux qui méritent ». Je crois que 50% des diplômés de Polytechnique viennent de Louis-le-Grand, situé dans un quartier dans lequel louer un petit studio coûte 800€ par mois soit presque le salaire d’un smicard. Tout est dit sur l’illusion méritocratique qui, je le répète, il y a un peu plus de dix ans dans un contexte de croissance économique forte était tout à fait crédible.

 Petit repère financier : à 18 ans j’avais en tout et pour tout 20000 francs (3000€) sur mon compte en banque. Cela représentait 18 ans d’économie, vous comprendrez donc pourquoi les classes populaires ne contractent pas de « prêt sur l’honneur » de 75000€.

 A ceux qui considèrent qu’être resté dans le domaine de la mécanique est une preuve de bêtise, je répondrais que l’on touche là à la notion d’accomplissement qui est subjective et relative à ce que chacun veut faire de sa vie. J’ai choisi ce métier car il me plaisait, car c’était pour moi un métier de création. Si j’avais suivi la voie purement lucrative de l’opportunisme ou du carriérisme à outrance, je serais devenu trader ou vendeur d’immobilier. Ce n’est pas être stupide que de faire ce qui nous plaît, je crois.

 Voilà, j’espère que je n’ai oublié personne, et en conclusion je pourrais résumer mon article en deux points qui synthétisent ce que j’ai vu durant dix ans :
1. J’observe une disparition inquiétante des compétences dans nos entreprises, ce qui nous désarme face à une concurrence internationale croissante et bien armée.
2. Les masses salariales se déplacent sans raison valable vers le haut de l’organigramme, occupé trop souvent par des gens n’ayant pas mérité leur places, et laissant exsangue la base exécutante sur maintenant plusieurs niveaux hiérarchiques,

 

  


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