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Commentaire de crazycaze

sur L'enfance, la jeunesse et l'éducation


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crazycaze 28 janvier 2012 00:55

Votre article me laisse perplexe parce que s’y côtoie des remarques justes, des poncifs et des méconnaissances, surtout quand vous utilisez des notions telles que caractères ou personnalité, ou le rôle du jeu dans la construction de l’enfant, qui ne recouvrent pas les mêmes sens selon une utilisation commune ou en psychologie.

Il est vrai qu’une certaine psychologie davantage versée dans la croyance que dans l’analyse et l’observation a contribué à faire adopter par certains parents des principes éducatifs erronés. Il est aussi vrai que mots et attitudes parentales peuvent faire davantage de dégâts qu’une gifle, même si ce recours n’est pas forcément une preuve de bonne éducation.

Il serait trop long ici de reprendre un à un certains éléments de votre argumentaire qui sont très discutables, voire faux. Je me limiterai donc à quelques réflexions.

Tout d’abord, le développement de l’enfant ne s’arrête pas aux seules relations parentales, pas plus que les problématiques sociales, culturelles et économiques ne s’arrêtent à la porte des établissements scolaires. Notre construction individuelle est le fruit d’interrelations permanentes entre des données biologiques et des contextes environnementaux qui sont la famille, le groupe de pairs (les camarades), le quartier dans lequel on vit, l’établissement scolaire et ses acteurs, le milieu professionnel des parents, les relations que les parents entretiennent avec l’école et les professionnels éducatifs, etc. jusqu’aux données culturelles.

Ainsi, les interventions et préventions de la violence en milieu scolaire ont plus de chance d’aboutir à de bons résultats quand elles concernent à la fois l’enfant, ses camarades de jeu et les personnels éducatifs, comme dans le programme l’Allié mis en place au Québec, que quand elles ne s’adressent qu’à l’un ou l’autre de ces aspects.

Pour ce qui est des incidences des pratiques éducatives sur le développement de l’enfant, certains chercheurs ont mis en évidence quatre styles résumant assez bien leur diversité : autoritaire, permissif, désengagé et démocratique. Le style autoritaire se caractérise par des pratiques coercitives, beaucoup d’exigences et peu d’affect ; le style permissif par l’absence de contrainte, peu d’exigences et beaucoup d’affect, le désengagé par une inconsistance dans les pratiques éducatives, tantôt très autoritaires, tantôt permissives, et le style démocratique par le contrôle, un niveau d’exigence raisonnable et beaucoup d’affect. Les conséquences les plus néfastes pour l’adaptation de l’enfant sont le fait en premier lieu du style désengagé. L’enfant ne peut anticiper les réponses parentales car trop changeantes, ce qui est très déstructurant, ensuite le style permissif, car aucune limite n’est posée, ce qui peut se révéler dangereux pour lui et ne l’aide pas à s’adapter dans une société où contraintes et interdits existent, puis le style autoritaire, car l’enfant manque d’affection, moteur du développement, et entraîne souvent une mauvaise estime de soi. Le style démocratique est le plus adapté car il permet à l’enfant de se situer dans le contexte, de connaître ses limites, tout en bénéficiant du soutien affectif. Toutefois, ces appréciations n’ont de valeur que dans notre culture, et il existe bien d’autres cultures sur notre planète dans lesquelles ces pratiques parentales n’auraient pas les mêmes effets.

L’éducation consiste à préparer l’enfant à s’adapter à la société dans laquelle il va évoluer. L’appréciation d’un modèle éducatif ne peut donc faire l’économie des contingences sociales et culturelles dans laquelle l’enfant grandit. Il suffit de regarder « La guerre des boutons » - le premier - pour comprendre. Oui, à l’époque, les enfant faisaient également des conneries, et prenaient une raclée quand les parents l’apprenaient. En même temps, les mêmes faits appréciés aujourd’hui auraient d’autres conséquences et seraient jugés par la société différemment. La justice s’en mêlerait, certains seraient taxés de délinquants, de violents, et encoureraient des peines de prison - voir le livre « Lebrac, trois mois de prison ».

Quant aux conditions d’exercice de l’enseignement, là encore il y aurait beaucoup à dire, qu’il s’agisse de la formation initiale des enseignants, dans laquelle pédagogie et psychologie de l’enfant sont quasiment absentes, classes surchargées, démultiplication des problématiques socio-économiques et de la misère culturelle dans certains quartiers ghettoïsés, familles monparentales, absence de perspective de réussite par la scolarité - il suffit de voir le statut occupé par certains crétins médiatisés qui affichent leur réussite financière pour comprendre - etc.

L’enfant se construit bien vite davantage au travers des relations avec ses pairs qu’en regard des valeurs parentales, et se construit ainsi une culture générationnelle, un ensemble de valeurs et de représentations partagées. Si vous grandissez dans un quartier sans problèmes majeurs, vous ne vous construisez pas de la même façon que si autour de vous les conditions sont très défavorables. Si être plutôt conforme aux attentes sociales vous confère des bénéfices dans le premier contexte, être violent, commettre des délits, faire les gros bras est mieux reconnu et vous attire davantage de bénéfices dans le second.

Il y aurait beaucoup de choses encore à dire, mais ce serait bien trop long...


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