Et ce n’est là que la partie visible de l‘iceberg : il faut ajouter le
shadow banking, le système souterrain dans lequel des entités non
réglementées, situées dans des paradis fiscaux, émettent des produits
dérivés dont la description nécessite des volumes entiers de formules
mathématiques, et dont le but allégué est de gérer les risques des
titres publics et privés sous-jacents. Le plus beau, dans ces produits,
c’est que, selon leurs inventeurs, ils permettaient d’augmenter les
performances en diminuant le risque. Or c’est le contraire qui s’est
passé : lesdites entités augmentent le risque, parce qu’elles ont
transféré les risques à un nombre limité de grands acteurs qui dominent
le marché – et qui par conséquent concentrent tous les risques.
Petits exemples.
La Slovénie, sans la moindre faute, a été frappée de plein fouet par la
crise de l’Italie et sa dette publique ne trouve pas d’acheteurs si ce
n’est à des prix prohibitifs. La Hongrie s’attend à une aggravation du
rating de sa dette, à laquelle succédera une dévaluation de la monnaie
nationale, ce qui produira une augmentation du coût de son endettement,
avec en plus, un autre engagement aux banques européennes qui en Hongrie
ont trop prêté. Unicredit et les banques autrichiennes sont en première
ligne du risque hongrois et peuvent s’effondrer d’un seul coup. Pour
les banques françaises, surchargées de titres des PIIGS (3), nous savons
déjà ce qu’il en est. Les banques allemandes ne se portent pas mieux,
au contraire moins bien. Et toutes les banques européennes opèrent avec
un levier de 26 à 1 (pour chaque euro, elles en ont 26 en prêt), bien
plus élevé que les banques américaines.
Les délégués de Goldman Sachs Europe sont donc toujours en retard d’un mouvement (comme l’est aussi l’UE).
Ils se démènent autour de la Grèce et de l’Italie, mais désormais c’est
l’Europe dans son ensemble qui est dans la ligne de mire des marchés.
Un jour, si nous avons un avenir, les historiens se demanderont comment
on a pu en arriver à l’implosion quand le remède pour la conjurer était
si évident : interdire purement et simplement les paris sur les
fluctuations des prix en prohibant l’usage de produits dérivés sans
couverture. Ou bien, l’autre remède : l’effacement, au moins partiel
mais substantiel, de la dette désormais inestimable (qui aurait aussi
l’avantage de ne pas obliger Goldman Sachs à honorer ses CDS, en ce que
la remise est volontaire).
Mais non ! Nos patrons actuels ne voient pas et ne veulent pas de ces
remèdes. Ils veulent prélever à jamais leur péage sur les peuples,
jusqu’à les rendre exsangues. Dans la recherche du profit monétaire
comme fin ultime, dans l’avidité démesurée du prendre sans jamais donner
(typique des usuriers,), ils se sont mis dans la situation du risque
systémique prévue par la théorie du chaos : le vol d’un papillon à
Budapest qui provoque un tremblement de terre en Chine. (…)