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Commentaire de Philippe VERGNES

sur Droits, devoirs, responsabilité et nouveau paradigme


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Philippe VERGNES 1er octobre 2014 14:37

Bonjour Hervé,

Je ne vais pas pouvoir entrer correctement dans les détails, surtout que je n’ai pas encore lu le texte auquel tu renvoies en introduction de ton analyse (ce que je ne saurais tarder à faire).

Le problème que tu évoques ici m’était apparu en débattant sur le thème de notre constitution au sein d’une association citoyenne. Je n’ai pas creusé les choses comme tu as pu le faire ici, mais j’avais bien noté l’absence de devoirs dans notre DDHC de 1789 à tel point que je m’étais promis d’effectuer un travail de recherche pour comprendre d’où venait cet oubli dans l’élaboration de nos textes de loi.

Par manque de temps, je n’ai pas pu approfondir, mais j’ai tout de même trouvé que parmi toutes les constitutions (il y en a eu 15 au total depuis française) il avait bel et bien existé une Déclaration des Droits et des Devoirs de l’Homme et des Citoyens reproduit ci-dessous à titre purement informationnel (j’élude ici la partie droits de cette charte que je t’invite à lire en entier sur le lien indiqué - tu vas adorer la perversion des mots tel que depuis dévoyé) :

DEVOIRS

Article 1. - des droits contient les obligations des législateurs : le maintien de la société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs devoirs.

Article 2. - Tous les devoirs de l’homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs : - Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît. - Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir.

Article 3. - Les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois, et à respecter ceux qui en sont les organes.

Article 4. - Nul n’est bon citoyen, s’il n’est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux.

Article 5. - Nul n’est homme de bien, s’il n’est franchement et religieusement observateur des lois.

Article 6. - Celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre avec la société.

Article 7. - Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous : il se rend indigne de leur bienveillance et de leur estime.

Article 8. - C’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et tout l’ordre social.

Article 9. - Tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l’égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l’appelle à les défendre.

À l’analyse, il ressort que droits et devoirs sont indissociables, et l’absence de l’un implique nécessairement la tyrannie de l’autre. Je ne peux ici reproduire en entier l’analyse que j’avais alors proposée, mais de manière schématique, droits du peuple et droits des gouvernants s’opposent, tout comme si opposeraient devoirs du peuple et devoirs des gouvernants (sauf que cette configuration nous est inconnue).

En supprimant les devoirs, cela mène nécessairement à des conflits qui ne pourront que s’exacerber entre le peuple et ses dirigeants.

Et comme tu le décris très bien, c’est bien l’absence des devoirs des élus envers le peuple qui amène la suppression de cette responsabilité.

C’est ce processus de déresponsabilisation qui est au cœur de la perversion narcissique que j’exprime dans mes articles, mais que je n’ai pas encore présentée. Du point de vue intrapsychique (qui permet de justifier cette déresponsabilisation au niveau du socius et donc de la société), cela s’exprime par le déni, le clivage, la projection et la paradoxalité. Autant de concepts psychanalytiques spécifiques qu’il me faudra préciser bientôt dans un futur article (ce qui est en projet depuis mon tout premier article sur le sujet paru sur ce site, mais il me reste encore d’autres aspects de cette problématique à préciser).

Je reviendrais cependant sur la notion de responsabilité que tu définis en introduction comme étant « la capacité à répondre de ses droits et devoirs envers autrui ». Cette définition me semble incomplète ou incorrecte. Je n’arrive pas encore à trop savoir comment la symboliser, mais selon moi, notre responsabilité est double : elle s’exprime d’une part 1) envers autrui et d’autre part 2) envers nous-mêmes (je tente une schématisation en même temps que je l’écris) :

1) Nous avons le devoir de respecter les droits d’autrui dans les actions que nous menons => c’est la responsabilité envers autrui qui est celle de répondre de nos actes ;

2) mais il est également de notre devoir de défendre nos droits lorsque ceux-ci sont bafoués par autrui => c’est la responsabilité envers soi-même qui est celle de se défendre du fait qu’autrui bafoue nos droits.

De cette double responsabilité, intérieure et extérieure, découle le principe de réciprocité dans un système quaternaire (droits et devoirs personnels Vs droits et devoirs d’autrui) et non plus duel (moi Vs autrui). Sans la réciprocité, il ne peut y avoir d’égalité, étant entendu ici qu’il s’agit d’une égalité en droit et en dignité et non pas une égalité de partage ou de condition qui nierait le principe de mérite ou de reconnaissance (terme qui a ma préférence) que tu présentes fort bien également.

J’avais représenté tout cela sous forme de schéma, mais il m’est impossible de pouvoir les coller dans un commentaire. Cette schématisation avait l’avantage de minimiser l’explication orale et ton article me fait penser qu’il serait peut-être utile de trouver le moyen de mettre en ligne un tel schéma (cinq en tout au total pour chacune des formes de gouvernements identifiées par PLATON dans ).

J’ai toutefois bien conscience que cette seconde responsabilité (envers soi-même) est méconnue, non majoritaire et quasi abandonnée. C’est d’ailleurs selon moi ce qui fait que nos exploiteurs en profitent un maximum à l’heure actuelle.

Je te l’ai fait en version courte sachant que tu sauras y faire. Je me suis commenté de préciser le seul point sur lequel je suis en désaccord étant entendu que je plussoie tout le reste de ton analyse que je trouve particulièrement aboutie.

Je trouve même dommage le désintérêt sur un tel sujet (avant mon vote il y a quelques jours, il était à 50/50 pour 6 votes, et c’est la seconde fois que je lis ton article pour être bien sûr d’avoir compris le fond de ta pensée et je n’ai pas encore eu le temps de lire la première partie). Néanmoins, peut-être est-ce dû à la complexité des notions que tu développes, brillamment certes, mais de façon complexe ce qui risque d’indisposer de nombreux lecteurs (tu me diras, je fais la même chose sur un autre plan… ce n’est donc pas une critique, seulement un constat qui explique la difficulté que certains ont peut-être à appréhender correctement le sujet que tu souhaites ici mettre en avant).

Bonne journée à plus, je dois m’absenter.

P. S. :

Cela n’a que peu à voir avec le sujet, mais je me suis souvenu d’un de tes billets (dont j’ai oublié le titre) sur le changement de paradigme nécessaire à l’évolution de notre société actuelle et j’ai pensé que cet article pourrait peut-être t’intéressait : OVNIS l’émergence d’un nouveau paradigme par Philippe SOLAL, agrégé de philosophie.


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