LA GRÈCE PEUT ÊTRE CONJUGÉE AVEC L’ITALIE SUR L’UE :
La dette italienne, bientôt un actif pourri mais
tout va bien
La nouvelle est passée presque inaperçue alors qu’elle
mériterait la une des journaux : la dette publique de l’Italie
n’est plus qu’à un cran de la catégorie spéculative !
L’agence Standard & & Poor’s l’a dégradé vendredi
dernier d’un cran à BBB-, soit la dernière note pour la qualifier
encore comme un « investissement ». Ensuite on passe à la
catégorie appelée littéralement « non-investment », un
produit spéculatif, ou pourri si l’on préfère. Bientôt une junk
bond donc. Il s’agit tout de même de la plus importante dette
publique de la zone euro (2168 milliards d’euros), la troisième
dans le monde en volume (après les Etats-Unis et le Japon) et
également la troisième en pourcentage du PIB (133% du PIB, derrière
le Japon à 243% du PIB et la Grèce à 174% du PIB). Les autres pays
notés BBB- par S&P sont l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, l’Inde,
le Maroc, la Roumanie et l’Uruguay.
Pour S&P, cette dégradation de la note italienne "reflète
la faiblesse récurrente des performances du produit intérieur brut,
tant en termes réels que nominaux, qui sapent sa capacité à faire
face à sa dette publique." La croissance ne repart pas et la
dette ne peut que continuer à augmenter dans les années qui
viennent, et à peser encore plus sur les comptes publics. Une
situation intenable à long terme. Le chômage a atteint un niveau
record en octobre à 13,2% de la population active (et 44% chez les
jeunes), l’économie semble à l’arrêt. Le chef du gouvernement
Matteo Renzi parle beaucoup, fait des annonces, défend des réformes,
mais pour l’instant peu de choses ont changé concrètement et la
Commission européenne commence à s’impatienter.
L’élément remarquable est la totale indifférence avec
laquelle les marchés ont accueilli la nouvelle. Le taux à 10 ans de
la dette italienne baisse régulièrement sur l’année 2014 et
vient de passer sous les 2%. Aucun affolement n’a accompagné la
dégradation de S&P. S’il faut illustrer la bulle obligataire
qui sévit dans le monde, le cas de l’Italie s’avère l’un des
plus révélateurs.
La déconnexion entre les prix de marché et la réalité
économique atteint des sommets, celui qui achète aujourd’hui un
bon du Trésor italien à 10 ans possédera bientôt un actif noté
en catégorie spéculative, dans ces conditions accepter une
rémunération de 2% l’an seulement représente une sacrée prise
de risque, une aberration même. Mais les investisseurs se disent que
la Banque Centrale Européenne interviendra pour sauver leur mise.
L’aléa moral est à son maximum : prenons des risques
inconsidérés puisque, de toute façon, la BCE fera le nécessaire
pour éviter une banqueroute. Il est vrai que la dette italienne est
« too big to fail », comme celle de la France, de l’Espagne,
comme les grandes banques européennes, et en conséquence tous ces
acteurs bénéficient d’excellentes conditions de financement. Donc
finalement tout va bien, c’est la Dolce Vita !
On vit plutôt ici une sorte d’hallucination collective, les
autorités monétaires ne peuvent pas tout faire, il suffit de voir
le mal qu’elles se donnent pour la Grèce, qui continue de sombrer,
une crise de la dette italienne serait évidemment d’une toute
autre ampleur. La zone euro peut-elle survivre si sa dette publique
la plus importante est notée comme un actif pourri ? Voici la
question à se poser et la réponse ne va pas de soi.