Chère Julie,
Ton témoignage est à la fois touchant et rageant. Touchant
car les vies accidentées le sont et rageant car on lit l’incompréhension totale
du fonctionnement de cette société (bon ou mauvais, ce n’est pas la question)
et plus généralement des hommes et des femmes.
Ce que je vais te livrer est mon intuition, ne cherche pas à
savoir si c’est vrai ou faux, c’est une intuition basée sur ce tes dires,
forcément incomplète et imprécise, à prendre telle quelle.
Nous ne sommes pas égaux à la naissance, nous devons faire
avec ce que l’on a, parfois on né avec beaucoup, parfois avec très peu. Mais
heureusement jamais sans rien. L’éducation que nous avons est toute aussi
importante, des parents impliqués dans l’instruction donneront de meilleurs
résultats que des parents préférant laisser cette charge à la TV.
D’après les commentaires précédents, tu as de nombreuses
pistes de réflexion qui te sont proposées, je vais essayer d’en synthétiser quelques-unes.
Ton libre arbitre prendra ensuite le relai.
Parcours scolaire : visiblement bien adapté aux
conditions scolaires, tu as suivi à la lettre tous les bons conseils de l’éducation
nationale. Malheureusement personne ne te dis clairement qu’il faut se poser
cette question : quel métier que je veux faire en fonction de mes envies
et possibilités mais également en fonction de travail disponible ? Bref en
fonction de ce désastreux « marché de l’emploi ». Qui veut me payer
pour ce que je sais faire ? Où est mon équilibre entre aimer mon travail
et manger à la fin du mois ?
Relations humaines : La difficulté des relations a été
évoquée avec justesse par d’autres commentateurs. Une capacité de réflexion
puissante permet d’arriver à des conclusions plus rapidement que la moyenne.
Cette capacité effraie la plupart du temps. L’exemple de la directrice du CDD
est significatif, à avoir trop de bonnes idées on effraie l’autre qui ne
comprend pas. Sa conclusion du « trop intellectuelle » dit simplement
que tu faisais plus que ce que l’on te demande. En d’autres termes, tu
débordais dans tes responsabilités et elle a vu une concurrente potentielle.
Déracinement : il est très difficile d’affronter (oui
c’est un combat) ce monde seul. Nous avons tous des hauts et des bas. Les
périodes de doutes se déroulent plus facilement avec le soutien de ses proches.
Est-il justifié de sacrifier tes amis, ta famille, ton milieu, ta vie pour un
contrat de travail à 300km ? Comment peser les avantages, les
inconvénients ? Sur quelle durée ?
Société : La relation avec les fonctionnaires d’état
(RSA, CAF, Pole emploi etc.) ne t’a pas semblé satisfaisante. Humainement les
personnes qui t’aident ne peuvent pas s’investir autant que tu le souhaiterais.
Gardons à l’esprit qu’ils n’ont quasiment que des accidentés de la vie à gérer.
S’ils font plus, ils y laissent des plumes émotionnellement parlant. Alors leur
première protection c’est les décisions des directions : plus de crédit
disponible, nous avons des gens dans une pire situation (sans diplôme), etc.
Il y aurait bien entendu beaucoup plus à dire, mais la force
d’Internet est d’avoir à disposition un brainstorming mondial, chacun donnant
ses vérités sans fioriture. L’inconvénient c’est que le temps se
raccourcissant, les esprits repartent rapidement sur autre chose.
A la fin de la lecture de ton témoignage une citation m’est
naturellement venue, et je terminerai par ça. Discours de JFK lors de son
investiture le 20 janvier 1961 : « ne demandez pas ce que votre pays
peut faire pour vous, mais bien ce que vous pouvez faire pour votre pays. »