Cela fait des années qu’on agite l’épouvantail de la dette de l’État pour justifier une casse des services publics et une stagnation ou une baisse des revenus des salariés (et maintenant, une baisse des pensions....). Déjà Fillon tenait le même discours, sous Sarkozy. Naomi Klein, dans La stratégie du choc, écrit que la même propagande a sévi au Canada dans les années 90 pour justifier un démantèlement de l’État Providence.
A cette propagande, il faut répondre trois choses :
- Le déficit public est-il si abyssal que cela ? L’Union européenne impose une limite de 3 %. Mais cette limite est en grande partie arbitraire. Est-ce que 3,2 % constituent une catastrophe absolue ?
- N’y a-t-il pas d’autres moyens de diminuer la dette induite par les déficits publics, comme s’attaquer vraiment sérieusement au problème de la fraude fiscale et de l’évasion fiscale, ou augmenter les impôts des plus riches (et pas seulement des plus riches salariés) ? Pourquoi est-ce toujours aux pauvres et aux classes moyennes de souffrir ?
- Une politique d’austérité va - au moins dans un premier temps - ralentir l’activité économique, ce qui entraîne une diminution des recettes de l’État et un accroissement de la dette. Ne faudrait-il pas, pour éviter une spirale infernale, faire exactement le contraire de la politique préconisée par Philippe et consort ?
Pour aller plus loin, je vous transmets des extraits d’un article de Romaric Godin, lu sur Mediapart :
"Pourquoi un tel branle-bas de combat ? Parce que l’institution de la rue Cambon a annoncé un déficit public de 3,2 % du PIB.
Certes, le niveau est bien supérieur aux 2,8 % du PIB, mais seulement
de 0,2 point de PIB au-dessus du niveau des 3 % contenu dans le pacte de
stabilité et de croissance. Et surtout, contrairement à ce qu’affirme
Édouard Philippe, ce niveau ne traduit pas une « augmentation continue du déficit », puisque c’est une baisse par rapport aux 3,4 % du PIB de 2016… [...]
Il y a donc une « surdramatisation » d’un dépassement des 3 % du PIB de
déficit public. Une stratégie qui, en outre, s’autorise quelques
approximations factuelles. Par exemple, lorsque Édouard Philippe affirme
que « nous sommes les derniers » à ne pas avoir « redressé nos comptes ».
En réalité, tous les pays de la zone euro ont réduit leurs déficits ces
dernières années, y compris la France. L’Espagne a encore un déficit
supérieur à celui de la France malgré, d’ailleurs, une baisse drastique
des dépenses publiques (ce qui affaiblit l’obsession de la Cour des
comptes et du gouvernement pour la baisse des dépenses publiques).
Mais cette baisse des déficits s’est aussi accompagnée dans la majorité
des cas d’un gonflement de la dette par le jeu des multiplicateurs, donc
de l’effet négatif de cette baisse sur la croissance. Ce n’est que
lorsque l’austérité s’est affaiblie et que la croissance est revenue que
la dette a commencé à reculer. Mais le gouvernement préfère simplifier
la situation pour imposer ses solutions. [...]
Pour réduire le ratio d’endettement de la dette, il existe évidemment
une autre voie : celle de la croissance ou de l’inflation. Avec un
déficit de 3 % du PIB, la dette française se serait en effet alors
stabilisée avec un taux de croissance nominale de 3,23 %, soit un point
de plus que celui enregistré. Un point que l’on peut obtenir par une
hausse du PIB réel ou par une hausse de l’inflation. Contrairement à ce
que prétend Édouard Philippe, il existe donc une politique alternative à
celle qu’il propose, alternative qui n’est, du reste, pas forcément
« keynésienne ». Elle consisterait à stimuler l’activité, y compris par
les moyens « libéraux » défendus par le gouvernement. Si les
« réformes structurelles » sont bonnes pour la croissance, comme
l’exécutif le prétend, il serait plus judicieux de les laisser agir,
renforcer la croissance et l’inflation, sans casser cette dynamique par
de la rigueur budgétaire. Dès lors, la question du déficit ne se
poserait pas : non seulement la croissance du PIB nominal le réduirait
mécaniquement, mais le niveau nécessaire à la stabilisation de la dette
serait plus faible. On pourrait également passer par des investissements
publics permettant de renforcer la croissance potentielle du pays, par
exemple dans l’éducation, la formation ou la recherche. En bref : pour
réduire la dette, la croissance est plus efficace que l’austérité. Mais
pour cela, il faut abandonner le fétichisme des 3 %. L’attachement à cet
objectif en France n’est qu’une suite d’échecs dont le gouvernement
refuse de tirer les conséquences."