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Commentaire de Christian Labrune

sur Déclaration commune pour l'Aide Active à Mourir


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Christian Labrune Christian Labrune 6 mars 2018 14:50

Permettre aux gens de décider de se tuer est simplement l’expression de la volonté de la majorité.
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@bibou1324

Je ne pense pas que votre interlocuteur se soit prononcé contre le suicide. C’est une question entre soi et soi, et chacun est évidemment tout à fait libre de mettre fin à ses jours s’il considère que ce qui lui reste à vivre ne mérite pas d’être vécu.
Se suicider est une chose. Demander à quelqu’un d’autre de vous trucider, et par conséquent de devenir un tueur, c’est le comble de la lâcheté même s’il y a pas mal de pervers, y compris probablement dans le monde médical, qui sauteraient sur l’occasion. Comme ces gens, après la mort d’un Exécuteur des Hautes oeuvres de la république mort sans descendance, qui avaient écrit au Garde des Sceaux des lettres de motivation : ils aimaient bien tuer des animaux, ils faisaent ça très bien, ils présentaient toutes les dispositions souhaitables pour embrasser la carrière de bourreau.

En tout cas, ce sont là des sortes d’individus que je range au nombre des assassins et que je ne tolèrerais pas de rencontrer.

Par ailleurs, la question de la « dignité » n’a rien à voir avec la mort. On pouvait autrefois rêver de mourir sur les champs de bataille « navré d’une grand’plaie au bord de sa province », comme dit Ronsard, mais la mort naturelle au fond d’un lit, c’est toujours un peu répugnant, et je ne vois pas où serait la dignité d’un chien qui crève parce qu’on est en train de lui injecter un poison par intraveineuse. Or, le type de dignité que les psychopathes de la funeste association proposent, c’est celle du vieux chien qu’on pique. Crever « comme un chien », c’est quand même une drôle de promotion quand on est un homme et qu’on a été formé à l’école des stoïciens de l’antiquité, lesquels savaient mourir.

Asiaticus, comme d’autres, fut condamné par Néron à disparaître. Le soir où il a prévu de se suicider, raconte Tacite, il réunit une dernière fois ses amis pour un banquet. Avant cela, il va voir au fond du jardin le bûcher qu’on est en train d’édifier pour faire brûler son cadavre. Le bûcher est proche de très grands et très beaux arbres qui pourraient souffrir de la chaleur. On pourrait se dire : qu’est-ce que ça peut lui faire puisqu’il ne les verra plus. Eh bien non, il fait déplacer le bûcher, va dîner, puis se suicide. Pour moi, mourir dans la dignité, c’est ça.

Plus tard -c’est à chacun son tour !-, Néron voit arriver la fin de son règne. Il est pourchassé, il se réfugie dans une maison abandonnée, veut se suicider pour échapper à ce qui l’attend, mais il n’ose pas. Il demande à un esclave de le frapper, mais par derrière, parce qu’il a peur- Quel artiste le monde va perdre ! Il n’a pas même le courage d’Agrippine sa mère, échappée au naufrage qu’il lui avait fait préparer, retrouvée quelques heures plus tard par les soldats et qui leur dit à peu près (je cite de mémoire) : « frappez au ventre, soldats, c’est par là que doit mourir une mère ».

S’il y a un ars moriendi, il s’est bien perdu. Je ne vois dans ces sortes de débats que des naïfs terrorisés comme des nourrissons pris d’une rage de dent, crevant de trouille en face d’une échéance qui les terrifie et qu’ils n’ont jamais été capables d’envisager froidement.

On peut méditer sur sa mort et son éventuel suicide. La mort des autres, c’est pareillement leur affaire et cela ne nous regarde pas. Si on a peur de ne pas être capable de se suicider, il reste à vivre avec cette trouille de la manière la moins indigne, et à en supporter éventuellement les conséquences. Sur l’opportunité de la mort d’autrui, il n’y a rien à dire. La seule chose qu’on puisse faire en l’occurrence, c’est fermer sa gueule.


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