@Julien Esquié
Bonsoir et merci pour votre visite.Je lis avec intérêt votre commentaire à l’attention de Ch. Labrune.Etant offert au public, je prends la liberté d’y apporter deux indications complémentaires
A propos de l’étudiant italien « disparu » en Egypte, une note intéressante de J-P. Filiu :
A propos de Morsi, sa situation risque de de devenir compliquée s’il ne tire pas très rapidement des ressources financières considérables des gigantesques gisements de gaz découverts au large du delta du Nil. Il a sur les bras 25 millions de bouches à nourrir qui sont très réceptives aux Frères musulmans, même si ceux-ci sont pour le moment en difficulté.
A propos de l’arrivée au pouvoir de Hitler, il est exact que Hindenburg et von Papen ont cru qu’ils le manipuleraient aisément.
Ci-après, extrait d’un entretien avec l’historien britannique Ian Kershaw (juillet 2013) dont on trouvera la source in fine :
"De l’échec du putsch à la crise de 1929, la droite n’a plus du tout
besoin de Hitler. Il a quasi disparu du paysage politique. La République
de Weimar ayant réussi à stabiliser la situation économique et sociale
du pays, le NSDAP ne récolte que 2,6% des voix aux élections
législatives de 1928. Mais, après le krach de Wall Street et la montée
exponentielle du chômage, le mouvement de Hitler en rafe huit fois plus
en 1930 (18,3%). Et deux ans plus tard, après une campagne électorale
extrêmement efficace, il devient le premier parti du Parlement avec
37,4% des suffrages. Au début de l’été 1932, Hitler se retrouve donc
chef du mouvement le plus important au Reichstag.
Devait-il automatiquement devenir chancelier ?
- Non, la Constitution ne stipule rien de tel. C’est au chef de l’État, le maréchal Hindenburg, de désigner le chancelier de son choix.
D’ailleurs, le 13 août 1932, au cours d’une rencontre très tendue avec
le chef nazi, le vieux président propose à Hitler un poste de ministre,
mais refuse catégoriquement de le nommer au poste suprême. D’après les
notes de son secrétaire, le maréchal ne veut pas prendre le risque,
« devant Dieu et les Allemands », de donner tous les pouvoirs à un
dirigeant et à un parti aussi intolérants. Il choisit un autre
chancelier, pariant sur le fait que le NSDAP a fait le plein des voix et
qu’il est condamné à refluer.
Et c’est ce qui va se passer ?
- Effectivement. En novembre 1932, après de nouvelles élections
anticipées, le parti nazi ne recueille plus « que » 33% des voix. En six
mois, il a perdu 2 millions de suffrages, surtout parmi les classes
moyennes, qui commencent à le déserter. Pourtant, un groupe composé
d’hommes politiques, de militaires et de propriétaires fonciers décide
de faire alliance avec lui. Lassés par la démocratie, ils veulent
imposer le retour à un autoritarisme « traditionnel », cher à la haute
société allemande.
C’est un aristocrate ambitieux, époux de la fille d’un important
industriel, Franz von Papen, qui négocie avec Hitler : le chef nazi sera
chancelier, von Papen vice-chancelier, et la plupart des ministres
seront issus de la droite traditionnelle. Hitler accepte le marché. Aidé
par la camarilla qui gravite autour de Hindenburg et par le fils de
celui-ci, von Papen convainc le vieux maréchal de passer outre ses
réticences et de nommer Hitler à la chancellerie. L’aristocrate assure
qu’il ne faut pas s’inquiéter de la prise du pouvoir par ce
petit-bourgeois de Hitler : « Il est sous notre coupe », dit-il, sûr de
son fait. Ce fut l’une des plus grandes erreurs de l’histoire. Six mois
après sa nomination, Hitler aura installé une dictature totale. Il aura
emprisonné des milliers d’opposants, supprimé les libertés publiques et
réduit von Papen au rôle de potiche qui lui était réservé...
D’autres solutions étaient-elles possibles ?
- Bien sûr ! Certes, la démocratie était condamnée. Les deux tiers
des Allemands n’en voulaient plus. L’avènement d’un régime autoritaire
était à peu près inéluctable. Mais pas le nazisme, avec son cortège
d’horreurs et de folies ! Si Hindenburg avait résisté une fois de plus,
il y a fort à parier que le NSDAP aurait continué à perdre de
l’influence. Ses caisses étaient vides, il ne faisait plus le plein dans
ses meetings et il était de plus en plus miné par les divisions. Et
puis l’économie commençait à repartir. Autrement dit, si les élites
n’avaient pas fait ce pari insensé en janvier 1933, Hitler et son parti
seraient probablement tombés dans les oubliettes de l’histoire."
Propos recueillis par Vincent Jauvert - « Le Nouvel Observateur »
Source : https://www.nouvelobs.com/le-dossier-de-l-obs/20130726.OBS1194/hitler-n-aurait-pu-prendre-le-pouvoir-sans-la-complicite-d-elites-bourgeoises.html
Bien à vous,
Renaud Bouchard