• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Renaud Bouchard

sur Des Brumes du Quai à la clarté de la diplomatie de la Russie. Entre impasse conceptuelle et maîtrise géopolitique et diplomatique


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Renaud Bouchard Renaud Bouchard 25 octobre 2018 19:22
@Julien Esquié

Bonsoir et merci pour votre visite.Je lis avec intérêt votre commentaire à l’attention de Ch. Labrune.Etant offert au public, je prends la liberté d’y apporter deux indications complémentaires

A propos de l’étudiant italien « disparu » en Egypte, une note intéressante de J-P. Filiu :

http://filiu.blog.lemonde.fr/2016/02/09/giulio-regeni-torture-a-mort-au-caire-a-28-ans/

A propos de Morsi, sa situation risque de de devenir compliquée s’il ne tire pas très rapidement des ressources financières considérables des gigantesques gisements de gaz découverts au large du delta du Nil. Il a sur les bras 25 millions de bouches à nourrir qui sont très réceptives aux Frères musulmans, même si ceux-ci sont pour le moment en difficulté.

A propos de l’arrivée au pouvoir de Hitler, il est exact que Hindenburg et von Papen ont cru qu’ils le manipuleraient aisément.

Ci-après, extrait d’un entretien avec l’historien britannique Ian Kershaw (juillet 2013) dont on trouvera la source in fine :

"De l’échec du putsch à la crise de 1929, la droite n’a plus du tout besoin de Hitler. Il a quasi disparu du paysage politique. La République de Weimar ayant réussi à stabiliser la situation économique et sociale du pays, le NSDAP ne récolte que 2,6% des voix aux élections législatives de 1928. Mais, après le krach de Wall Street et la montée exponentielle du chômage, le mouvement de Hitler en rafe huit fois plus en 1930 (18,3%). Et deux ans plus tard, après une campagne électorale extrêmement efficace, il devient le premier parti du Parlement avec 37,4% des suffrages. Au début de l’été 1932, Hitler se retrouve donc chef du mouvement le plus important au Reichstag.

Devait-il automatiquement devenir chancelier ?

- Non, la Constitution ne stipule rien de tel. C’est au chef de l’État, le maréchal Hindenburg, de désigner le chancelier de son choix. D’ailleurs, le 13 août 1932, au cours d’une rencontre très tendue avec le chef nazi, le vieux président propose à Hitler un poste de ministre, mais refuse catégoriquement de le nommer au poste suprême. D’après les notes de son secrétaire, le maréchal ne veut pas prendre le risque, « devant Dieu et les Allemands », de donner tous les pouvoirs à un dirigeant et à un parti aussi intolérants. Il choisit un autre chancelier, pariant sur le fait que le NSDAP a fait le plein des voix et qu’il est condamné à refluer.

Et c’est ce qui va se passer ?

- Effectivement. En novembre 1932, après de nouvelles élections anticipées, le parti nazi ne recueille plus « que » 33% des voix. En six mois, il a perdu 2 millions de suffrages, surtout parmi les classes moyennes, qui commencent à le déserter. Pourtant, un groupe composé d’hommes politiques, de militaires et de propriétaires fonciers décide de faire alliance avec lui. Lassés par la démocratie, ils veulent imposer le retour à un autoritarisme « traditionnel », cher à la haute société allemande.

C’est un aristocrate ambitieux, époux de la fille d’un important industriel, Franz von Papen, qui négocie avec Hitler : le chef nazi sera chancelier, von Papen vice-chancelier, et la plupart des ministres seront issus de la droite traditionnelle. Hitler accepte le marché. Aidé par la camarilla qui gravite autour de Hindenburg et par le fils de celui-ci, von Papen convainc le vieux maréchal de passer outre ses réticences et de nommer Hitler à la chancellerie. L’aristocrate assure qu’il ne faut pas s’inquiéter de la prise du pouvoir par ce petit-bourgeois de Hitler : « Il est sous notre coupe », dit-il, sûr de son fait. Ce fut l’une des plus grandes erreurs de l’histoire. Six mois après sa nomination, Hitler aura installé une dictature totale. Il aura emprisonné des milliers d’opposants, supprimé les libertés publiques et réduit von Papen au rôle de potiche qui lui était réservé...

D’autres solutions étaient-elles possibles ?

- Bien sûr ! Certes, la démocratie était condamnée. Les deux tiers des Allemands n’en voulaient plus. L’avènement d’un régime autoritaire était à peu près inéluctable. Mais pas le nazisme, avec son cortège d’horreurs et de folies ! Si Hindenburg avait résisté une fois de plus, il y a fort à parier que le NSDAP aurait continué à perdre de l’influence. Ses caisses étaient vides, il ne faisait plus le plein dans ses meetings et il était de plus en plus miné par les divisions. Et puis l’économie commençait à repartir. Autrement dit, si les élites n’avaient pas fait ce pari insensé en janvier 1933, Hitler et son parti seraient probablement tombés dans les oubliettes de l’histoire."

Propos recueillis par Vincent Jauvert - « Le Nouvel Observateur »

Source : https://www.nouvelobs.com/le-dossier-de-l-obs/20130726.OBS1194/hitler-n-aurait-pu-prendre-le-pouvoir-sans-la-complicite-d-elites-bourgeoises.html

Bien à vous,

Renaud Bouchard


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès