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Commentaire de microf

sur Foi et raison : l'éternel dilemme des temps modernes


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microf 9 février 2021 12:42

Suite : La Foi et la Raison de Jean-Paul II

Chapitre II - Credo ut intellegam« La sagesse sait et comprend tout » (Sg (9, 11))

Le pape commence par dire que « La profondeur du lien entre la connaissance par la foi et la connaissance par la raison est déjà exprimée dans la Sainte Écriture en des termes d’une clarté étonnante. » Et « Ce qui frappe dans la lecture faite sans préjugés de ces pages de l’Écriture est le fait que dans ces textes se trouvent contenus non seulement la foi d’Israël, mais aussi le trésor de civilisations et de cultures maintenant disparues. Pour ainsi dire, dans un dessein déterminé, l’Égypte et la Mésopotamie font entendre de nouveau leur voix et font revivre certains traits communs des cultures de l’Orient ancien dans ces pages riches d’intuitions particulièrement profondes. »

« Ce n’est pas un hasard si, au moment où l’auteur sacré veut décrire l’homme sage, il le dépeint comme celui qui aime et recherche la vérité : « Heureux l’homme qui médite sur la sagesse et qui raisonne avec intelligence, qui réfléchit dans son cœur sur les voies de la sagesse et qui s’applique à ses secrets. Il la poursuit comme le chasseur, il est aux aguets sur sa piste ; il se penche à ses fenêtres et écoute à ses portes ; il se poste tout près de sa demeure et fixe un pieu dans ses murailles ; il dresse sa tente à proximité et s’établit dans une retraite de bonheur ; il place ses enfants sous sa protection et sous ses rameaux il trouve un abri ; sous son ombre il est protégé de la chaleur et il s’établit dans sa gloire » »

« Il ne peut donc exister aucune compétitivité entre la raison et la foi : l’une s’intègre à l’autre, et chacune a son propre champ d’action. C’est encore le livre des Proverbes qui oriente dans cette direction quand il s’exclame : « C’est la gloire de Dieu de celer une chose, c’est la gloire des rois de la scruter » »

« Nous pouvons donc dire que, par sa réflexion, Israël a su ouvrir à la raison la voie vers le mystère. » Et « À partir de cette forme plus profonde de connaissance, le peuple élu a compris que la raison doit respecter certaines règles fondamentales pour pouvoir exprimer au mieux sa nature. Une première règle consiste à tenir compte du fait que la connaissance de l’homme est un chemin qui n’a aucun répit ; la deuxième naît de la conscience que l’on ne peut s’engager sur une telle route avec l’orgueil de celui qui pense que tout est le fruit d’une conquête personnelle ; une troisième règle est fondée sur la « crainte de Dieu », dont la raison doit reconnaître la souveraine transcendance et en même temps l’amour prévoyant dans le gouvernement du monde. »

« Quand il s’éloigne de ces règles, l’homme s’expose au risque de l’échec et finit par se trouver dans la condition de l’« insensé ». Dans la Bible, cette stupidité comporte une menace pour la vie ; l’insensé en effet s’imagine connaître beaucoup de choses, mais en réalité il n’est pas capable de fixer son regard sur ce qui est essentiel. »

« Acquiers la sagesse, acquiers l’intelligence » (Pr 4, 5)

Jean-Paul II commence par dire : « La connaissance, pour l’Ancien Testament, ne se fonde pas seulement sur une observation attentive de l’homme, du monde et de l’histoire. Elle suppose nécessairement un rapport avec la foi et avec le contenu de la Révélation. » Plus loin : « En réfléchissant sur sa condition, l’homme biblique a découvert qu’il ne pouvait pas se comprendre sinon comme un « être en relation » : avec lui-même, avec le peuple, avec le monde et avec Dieu. Cette ouverture au mystère, qui lui venait de la Révélation, a finalement été pour lui la source d’une vraie connaissance, qui a permis à sa raison de s’engager dans des domaines infinis, ce qui lui donnait une possibilité de compréhension jusqu’alors inespérée. »

Ensuite : « Pour l’auteur sacré, l’effort de la recherche n’était pas exempt de la peine due à l’affrontement aux limites de la raison. » Et : « Cependant, malgré la peine, le croyant ne cède pas. La force pour continuer son chemin vers la vérité lui vient de la certitude que Dieu l’a créé comme un « explorateur » (cf. Qo 1, 13), dont la mission est de ne renoncer à aucune recherche, malgré la tentation continuelle du doute. En s’appuyant sur Dieu, il reste tourné, toujours et partout, vers ce qui est beau, bon et vrai. »

Le Pape explique que « Saint Paul, dans le premier chapitre de sa Lettre aux Romains, nous aide à mieux apprécier à quel point la réflexion des Livres sapientiaux est pénétrante. Développant une argumentation philosophique dans un langage populaire, l’Apôtre exprime une vérité profonde : à travers le créé, les « yeux de l’esprit » peuvent arriver à connaître Dieu. Celui-ci en effet, par l’intermédiaire des créatures, laisse pressentir sa « puissance » et sa « divinité » à la raison (cf. Rm 1, 20). On reconnaît donc à la raison de l’homme une capacité qui semble presque dépasser ses propres limites naturelles : non seulement elle n’est pas confinée dans la connaissance sensorielle, puisqu’elle peut y réfléchir de manière critique, mais, en argumentant sur les données des sens, elle peut aussi atteindre la cause qui est à l’origine de toute réalité sensible. Dans une terminologie philosophique, on pourrait dire que cet important texte paulinien affirme la capacité métaphysique de l’homme. » Et que « Selon l’Apôtre, dans le projet originel de la création était prévue la capacité de la raison de dépasser facilement le donné sensible, de façon à atteindre l’origine même de toute chose, le Créateur. À la suite de la désobéissance par laquelle l’homme a choisi de se placer lui-même en pleine et absolue autonomie par rapport à Celui qui l’avait créé, la possibilité de remonter facilement à Dieu créateur a disparu. » Puis que « Le Livre de la Genèse décrit de manière très expressive cette condition de l’homme, quand il relate que Dieu le plaça dans le jardin d’Eden, au centre duquel était situé « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (2, 17). »

Le pape avertit : « Par conséquent, le rapport du chrétien avec la philosophie demande un discernement radical. Dans le Nouveau Testament, surtout dans les Lettres de saint Paul, un point ressort avec une grande clarté : l’opposition entre « la sagesse de ce monde » et la sagesse de Dieu révélée en Jésus Christ. La profondeur de la sagesse révélée rompt le cercle de nos schémas habituels de réflexion, qui ne sont pas du tout en mesure de l’exprimer de façon appropriée. » Puis vient la réflexion sur le sacré et le profane : « Le commencement de la première Lettre aux Corinthiens pose radicalement ce dilemme. Le Fils de Dieu crucifié est l’événement historique contre lequel se brise toute tentative de l’esprit pour construire sur des argumentations seulement humaines une justification suffisante du sens de l’existence. Le vrai point central, qui défie toute philosophie, est la mort en croix de Jésus Christ. Ici, en effet, toute tentative de réduire le plan salvifique du Père à une pure logique humaine est vouée à l’échec. « Où est-il, le sage ? Où est-il, l’homme cultivé ? Où est-il, le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde ? » (1 Co 1, 20), se demande l’Apôtre avec emphase. Pour ce que Dieu veut réaliser, la seule sagesse de l’homme sage n’est plus suffisante ; c’est un passage décisif vers l’accueil d’une nouveauté radicale qui est demandé : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; [...] ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est » (1 Co 1, 27-28). La sagesse de l’homme refuse de voir dans sa faiblesse la condition de sa force ; mais saint Paul n’hésite pas à affirmer : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 10). L’homme ne réussit pas à comprendre comment la mort peut être source de vie et d’amour, mais, pour révéler le mystère de son dessein de salut, Dieu a choisi justement ce que la raison considère comme « folie » et « scandale ». Paul, parlant le langage des philosophes ses contemporains, atteint le sommet de son enseignement ainsi que du paradoxe qu’il veut exprimer : Dieu a choisi dans le monde ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est (cf. 1 Co 1, 28). » Et Jean-Paul II de rajouter : « La raison ne peut pas vider le mystère d’amour que la Croix représente, tandis que la Croix peut donner à la raison la réponse ultime qu’elle cherche. »


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