En matière d’histoire, il faut se méfier des similitudes :
ce n’est pas parce qu’un koala ressemble à un ourson que c’est un ursidé.
L’histoire fourmille en effet d’exemples dans lesquels le
pouvoir entend dicter à la population ce qu’il faut penser ou croire pour
sélectionner les brebis galeuses et justifier la chasse aux sorcières ainsi
que le sacrifice expiatoire du bouc émissaire. La terreur entretenue maintient
la foule dans une stupéfaction permanente qui la tétanise et inhibe ses réactions
éventuelles. Ça, c’est la ressemblance. Mais la différence, c’est qu’il ne s’agit
pas toujours du même pouvoir.
L’inquisition ; qui entendait imposer à Galilée l’obligation
de reconnaitre que la terre était plate, était l’œuvre de l’église catholique,
héritière putative de l’administration romaine et de Sol Invictus, au service des rois, eux-mêmes représentants d’aristocraties
dont la richesse reposait principalement sur la propriété foncière et les
privilèges. Ce pouvoir là n’est toujours pas totalement éteint. Il sévit encore
largement en Amérique du Sud, par exemple.
Les procès staliniens qui étaient les corollaires de l’imposture
de Lyssenko reposaient sur la confiscation du pouvoir pas une classe sociale et
choyée : la bureaucratie, qui avait usurpé sa position au cours de guerres
intestines dans les courants politiques révolutionnaires russes. Ce pouvoir là
en a pris un coup avec l’implosion de l’URSS, mais il est toujours vivant, à l’état
larvaire dans de mouvements intellectuels sectaires.
La révolution culturelle chinoise menée par Jiang Qing, la
quatrième épouse Mao, avait pour but, en manipulant des collégiens et des
étudiants, de purger le Parti communiste chinois de ses éléments dits «
révisionnistes » et limiter les pouvoirs de la bureaucratie, tirant par là les
leçons de l’expérience du grand frère.
Pour les nazis, la « culture » était à l’origine la
simple transcription de la nature et la dénaturation était intervenue quand les
Sémites s’étaient installés en Grèce, quand l’évangélisation avait introduit le
judéo-christianisme, puis quand la Révolution française avait parachevé ces
constructions idéologiques absurdes. Pour sauver la race nordique-germanique,
il fallait retrouver le mode d’être des Anciens et faire à nouveau coïncider
culture et nature en refondant le droit et la morale, et en réécrivant l’histoire..
Aujourd’hui, le pouvoir n’est plus dans les mains de l’église,
ni des rois, ni même des états, même s’il reste des lambeaux des uns et des
autres ici ou là. Ce qui est nouveau c’est que le pouvoir est exercé
directement par les grands groupes transnationaux (« corporates »
pour Naomi Klein) qui ne se contentent pas d’utiliser les réincarnations de
Lyssenko ou de condamner les héritiers de Galilée : ils leur donnent le
scenario dont ils sont chargés de rédiger les dialogues et ils utilisent les
marionnettes politiques pour la mise en scène.