140e anniversaire de la naissance de Francis Jammes
Le 2 décembre 2008 sera le 140e anniversaire de la naissance de Francis Jammes : il est probable qu’il aura peu d’écho, tant sa poésie, comme celle de Victor Hugo a été stérilisée par certains programmes scolaires, tant il est absent des anthologies récentes.
Et c’est bien dommage, car ce Béarnais participe de plusieurs patrimoines, en bon poète qu’il était.
Patrimoine géographique, d’abord : né à Tournay, Hautes-Pyrénées, il a passé la quasi-totalité de sa vie à Orthez, refusant de quitter cette région appelée aujourd’hui Midi-Pyrénées, qui fut du Xe au XIIe siècle au cœur de la grande Occitanie, fief de la civilisation des troubadours. Et cela malgré les sirènes de la renommée qui n’eurent de cesse de l’attirer dans la « capitale ». Il nous encourage toujours à découvrir notre terroir, à pied, comme il le faisait lui-même, mais aussi de toutes les manières possibles. On parcourt ses œuvres de la même façon qu’on feuillette un catalogue de voyage, en tournant les pages pour s’arrêter çà et là, puis en le reprenant pour aller jusqu’à la fin et le parcourir à nouveau. Nul mieux que lui n’a chanté le Piémont pyrénéen où la nature et le rêve s’enlacent tendrement.
Patrimoine spirituel et humain ensuite : Jammes fait sans arrêt référence au divin, il est le poète de la création, de l’élévation, des couleurs, des odeurs, comme des formes arrondies, des plantes des Pyrénées. Mais charnel, sensuel et profondément humaniste, il nous invite aussi à faire l’école buissonnière et « nous offre un verre d’eau fraîche, voilé des buées de la source montagnarde », à déguster la bonne chère, les bons vins, en compagnie d’amis choisis. Sans oublier les douceurs de l’amour.
Patrimoine poétique enfin : jeté aux oubliettes au XXe siècle par la critique parisienne, malgré l’estime de ses pairs, Claudel, Gide et Mauriac « ringardisé » par certains pseudo-intellectuels contemporains « de réseau » (comme disait Gramsci) parce qu’il n’était pas « maudit » comme Verlaine ou Rimbaud il reste l’un de nos plus grands poètes de langue française et l’écho de ses vers a largement dépassé nos frontières. Je peux en témoigner pour l’avoir donné à entendre, lui comme eux, en Europe et en Afrique du Nord aussi bien qu’en Midi-Pyrénées.
Avec la foi du charbonnier, comme l’on disait alors, il a composé une symphonie pastorale où l’homme communie avec la création ; il nous porte témoignage de cette époque révolue où nos ancêtres vivaient encore en harmonie avec leur environnement : « les deux guerres mondiales ont coupé ces racines-là sous nos pieds ».
Il est rafraîchissant de lire ou de relire cet homme simple, humble et doux, qui se promenait, avec ses chiens, s’émerveillant de tout, parlant aux plus humbles berges comme aux lavandières, en serrant sur son cœur ses poèmes dans son portefeuille en cuir de vache marqué de ces mots : Francis Jammes poète.
Et revivre une de ses journées, au pied des montagnes, au printemps, de la nuit à la nuit, de l’angélus de l’aube à l’angélus du soir.
Car il nous a ouvert sa fenêtre sur le parfum des jasmins après la pluie, sur le chant du bouvreuil doux comme de l’eau, sur les dents de lait de nos chères Pyrénées, sur « ses clairières dans le ciel ».
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