Adresse en forme d’hommage à Patrick Besson, l’homme qui écrit vrai
Pierre Desproges a dû aimer Patrick Besson ; il détestait les écrits vains, lui qui se voulait écriveur. Je partage son goût. Patrick Besson fait plaisir à lire. L’humeur parfois mauvaise, souvent bonne, jamais bonasse, l’humour vachard, comme il se doit, il fait passer sa pilule avec entrain, dans un style TGV. Il nous embarque souvent, même quand il fait parler Pouchkine, dans sa propre croisière. Elle n’a pas toujours été amusante et il s’en distrait aujourd’hui pour faire oublier des chagrins. On les devine quand il raconte les pères et mères de ses héros et donc son enfance. Il a la malchance pour lui et c’est une chance pour nous de n’être pas un de ceux qui regardent sans voir, écoutent sans entendre.
Besson, lui, à leur contraire est prolixe et protée. Il s’intéresse à tout : les voyages, le ciné, la télé, les livres de ses confrères, surtout les malheureux, ceux qui ne savent pas écrire.
Graphomane surdoué, il ne tire pas à la ligne. Sa plume court rapide, légère, opportune, pas slave pour un sou. Grâce à lui le Point devient majuscule. Sa dégaine rapide, sa haute taille font de lui un personnage de l’Ouest, plus près de l’Eastwood d’Impitoyable que du Wayne de L’Homme tranquille. Le sang avec lui coule facilement.
Cette hyperactivité est due, j’imagine, à une maladie d’enfance qui n’a pas trouvé son remède ou à un Bercy trop avide ou à quelques belles gourmandes.
Il nous dit beaucoup sur lui. Quoique encore jeunot, il se sent vieillir, se plaint-il dans La Paresseuse. Le visage s’élargit, se met à ressembler au père. Il est vrai qu’entre le Besson de la 4e de couverture de Dara (1985) et celui de Saint Sépulcre (de Points 2005), il y a comme une poperisation du massif facial, manque la grande barbe. Mais rassurez-vous, M. Patrick, vous ne serez jamais pépère.
Sa manie de toucher à tout et, semble-t-il, à toutes satisfait certainement des exigences gourmandes en énergie. Il la renouvelle sans effort avec une fécondité qui doit rendre jaloux les cercles qu’il fréquente.
Même si je le sens du genre à ne pas les exaucer, je ferai une prière : s’il vous plaît, prenez une année sabbatique, des arrangements avec le percepteur, résistez à vos rédacteurs, à l’éditeur, isolez-vous dans une datcha, en Sibérie, où vous voulez, et mijotez une grande pièce de théâtre – sans entracte car je vais à Paris entre deux trains – pour y mettre tout ce qu’on aime chez vous : de la tendresse, de l’amertume, du vitriol, des regrets, des amitiés et des amours en partance mais qui reviendront, etc. Enfin, des choses qui changent des bons sentiments, de la philosophie à l’eau de rose, des idées à la mode, du théâtralement correct. Ce n’est pas trop vous demander. Sans vous forcer vous le pouvez.
Avec toute l’admiration d’un lecteur qui vous lit avec bonheur.
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