POLÉMIQUE
Cour de cassation : le cadeau empoisonné de Valls à Cazeneuve
07/12/2016 à 17:00, actualisé à 17:19
Les plus hauts magistrats de la Cour de cassation est inquiète et
en colère : une réforme judiciaire place la plus haute juridiction
judiciaire française - « sous le contrôle direct » du gouvernement.
« Rupture avec la tradition républicaine »
Il
s’agit là, selon le premier président de la Cour Bertrand Louvel et son
procureur général Jean-Claude Marin, d’une "rupture avec la tradition
républicaine".
Les deux magistrats ont rendu public un courrier envoyé à Matignon,
afin d’obtenir « des »explications" de la part du Premier ministre
Bernard Cazeneuve - qui a reçu ce courrier au premier jour de son
nouveau poste en tant que Premier ministre.
Un décret du 5 décembre
« Nous vous serions obligés de bien vouloir nous recevoir », écrivent les deux plus hauts magistrats de France.
Les
deux juges demandent en effet à voir Bernard Cazeneuve, nouveau Premier
ministre, mais la décision à laquelle ils font référence a été prise
par son prédécesseur, Manuel Valls, lors de sa dernière journée comme
chef du gourvernement.
Un contrôle de l’exécutif de facto
Ce
décret, daté du 5 décembre 2016, réforme "l’inspection générale des
services judiciaires". Et place sous le contrôle de l’exécutif la Cour
de cassation, comme l’étaient déjà, seules, les juridictions judiciaires
"du premier et du second degré (tribunaux de grande instance et cours
d’appel).
Mais cette dernière précision a disparu du décret... plaçant de facto la Cour de cassation sous le contrôle du gouvernement.
Cour de cassation, mode d’emploi
La Cour de cassation est la plus haute juridiction judiciaire
française - comme le Conseil d’État est la plus haute juridiction
administrative française.
Statuant en dernier recours, elle a pour
mission de contrôler l’exacte application du droit par les tribunaux et
les cours d’appel, garantissant ainsi une interprétation uniforme de la
loi sur le sol français.
Elle tranche sur la forme. Lorsqu’un
jugement est rendu en première instance, il est susceptible d’appel sur
le fond devant la cour d’appel. Ce jugement en appel peut lui-même faire
l’objet d’un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation rend
un arrêt, qui dit si la justice a été rendue conformément à ce que
prévoit la loi. Si ce n’est pas le cas, elle peut simplement casser le
jugement, ou bien le casser et ordonner un nouveau procès.
Jusqu’ici, la plus haute juridiction française ne faisait l’objet
d’aucun contrôle du pouvoir, afin de garantir son indépendance.
Elle faisait toutefois chaque année un rapport sur son fonctionnement à
l’occasion de sa rentrée solennelle. En revanche, elle était soumise à
un audit régulier de l’inspection générale des services judiciaires.
Un précédent courrier en octobre
Elle était aussi régulièrement inspectée par la Cour des comptes, qui veille au bon usage des deniers publics.
Il
est extrêmement rare que les chefs de la Cour de cassation interpellent
l’exécutif, mais ce n’est pas inédit : MM. Louvel et Marin l’avaient
déjà fait en octobre pour reprocher au président François Hollande des
propos sur la « lâcheté » des magistrats, cités dans un livre des
journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ’Un président ne devrait
pas dire ça".