Après l’erreur de localisation du site de Bibracte, le malentendu d’Autun
À M. le Professeur Antony Hostein, bonjour,
Dans votre ouvrage intitulé en sous-titre "les Éduens dans l'Empire romain d'après les Panégyriques latins", publié en 2012, vous développez une thèse concernant les empereurs gaulois qui, sur certains points, va à l'encontre de celle que j'ai présentée dans mes ouvrages publiés entre 1992 et 1996. Le 15 juillet 2013, j'ai envoyé à la Sorbonne un article Agoravox auquel vous n'avez pas répondu http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/bibracte-et-les-errements-de-la-138532. Or, en l'absence de débat, votre thèse s'est imposée à la communauté scientifique. Présentant votre ouvrage, M. le Professeur Michel Christol parle d'une crise du III ème siècle mettant en exergue, au Ier siècle, une ville romaine d'Autun fondée par l'empereur Auguste, suivie, plus de deux siècles après, "du sac infligé à la ville par les troupes de (l'empereur gaulois) Victorinus".
Malgré les grandes qualités de l'ensemble de votre étude, où sont les preuves de cette dernière affirmation ? Il n'y en a pas.
L'affaire est d'importance, notamment pour l'enseignement que notre pays doit tirer de son histoire, valeur d'exemple. Dans votre thèse, c'est parce que la Gaule aurait fait sécession d'avec Rome qu'elle serait entrée dans une période d'anarchie. C'est ainsi que la ville d'Autun que vous présentez comme une fondation romaine, civilisée, aurait été mise à sac par un usurpateur gaulois nommé Victorinus suivi de ses Bataves. Bien que couramment admise par la communauté scientifique, il s'agit là d'une supposition extrêmement grave qui jette le discrédit sur notre histoire éduenne locale tout en exonérant le pouvoir de Rome. Il apparaît clairement, en effet, à la lecture des textes, que l'empereur Gallien a laissé, ou n'a pu empêché, les barbares de franchir la frontière du Rhin. Désespérant des tâches à accomplir, Gallien se laissa aller à une inactivité scandaleuse et relâcha les rênes de la République. Les Alemans, après avoir dévasté la Gaule ... Dans cette situation désespérée, l'empire romain était presque en ruines. C'est alors que Postumus, homme d'un naissance très obscure, revêtit en Gaule la pourpre impériale. Pendant dix ans, il exerça les pouvoirs d'empereur. Il releva des provinces ruinées grâce à son courage et à la sagesse dont il fit preuve (Eutrope, Histoire romaine, IX)...
Je ne vois jusque-là que la réaction normale d'une population gauloise qui se tourne vers un autre protecteur, un choix bien compréhensible.
Postumus, voyant qu'il était attaqué par les forces nombreuses de Gallien appela Victorinus à partager l'empire. Cet autre “Premier des Gaules”, également homme de guerre, prit le titre de César en s'alliant à Postumus (Trebellius Pollio, les trente tyrans)...
Je ne vois, là aussi, que la réaction normale d'un empereur en titre qui veut reprendre son pouvoir, mais aussi, la réaction toute aussi normale d'un Postumus qui recherche une alliance pour lui résister.
Votre problème est que vous raisonnez en partant d'une idée erronée de la Gaule. Comme je l'explique dans mes ouvrages et mes articles, en situant l'antique capitale éduenne de Bibracte au mont Beuvray, les archéologues ont commis une erreur monumentale et gravissime. En ne voulant pas comprendre l'importance du site de Chalon et de Taisey, de même. En ne prenant pas en compte mes avertissements, les responsables de la Culture et de l'Université vous condamnent aux égarements.
Comme je l'explique dans mes ouvrages et mes articles, Postumus siégeait à Cabillo (Chalon-sur-Saône). Une plaque de cheminée le prouve (explication ci-après). Victorinus siégeait à Mont-Saint-Vincent, véritable Bibracte. Deux médaillons sculptés sur marbre l'indiquent (explication ci-après). Alors que l'empereur romain a "failli", une alliance entre un chef des armées d'origine roturière qui reprend les choses en main et le successeur de la dynastie régnante, sur le haut-lieu d'une Bibracte retrouvée, me semble dans la plus parfaite logique du raisonnement militaire.
Bref, après les assassinats des empereurs gaulois, Postumus, Marius et Victorinus, par une soldatesque en proie aux factions, Victorina, la mère de Victorinus, se retrouva seule à Augustodunum/Mont-Saint-Vincent... et non à Augustodunum/Autun suivant la thèse erronée des archéologues... Les Eduens furent alors les premiers à demander au divin Claude II... de reprendre possession des Gaules ; dans l'attente de son aide, ils restèrent enfermés pendant sept mois, endurant les pitoyables conséquences de la disette. Fatigués, ils ne pouvaient plus assurer la surveillance. Alors, ils abandonnèrent les portes (du territoire) aux Gaulois rebelles qui s'y engouffrèrent. Si la fortune avait été favorable à vos entreprises et à celles des Eduens, si cet illustre Restaurateur de la République (Claude II) avait pu nous secourir comme nous lui demandions, les frères du peuple romain auraient promptement ramené le calme dans les provinces pacifiées (Eumène, Actions de grâces à Constantin/Constance-Chlore).
La cité assiégée n'est donc pas Autun, qui n'était alors qu'une fondation coloniale éduenne sur la voie de Saulieu, mais le Mont-Saint-Vincent. Victorinus étant mort n'a rien à voir dans cette affaire. Les Gaulois rebelles ne sont pas les Éduens, mais probablement ceux de Trêves ou des cités voisines qui, alliées ou poussées par leurs voisins d'outre-Rhin, ont voulu imposer leur pouvoir en Gaule. Si les Éduens ont fait appel à Claude II, c'est parce que Rome représentait encore un espoir que Gallien avait compromis.
Malgré un siège de sept mois et bien que les portes du territoire aient été franchies, il n'est pas dit qu'Augnemetum - pour vous Autun, pour moi Mont-Saint-Vincent - ait été pris par les Gaulois rebelles. Eumène insiste surtout sur la désolation des campagnes, ce que confirment d'autres auteurs : les destructions se firent sur une grande échelle. Partout, les monuments eurent à souffrir ; les temples ne furent même pas respectés par ces troupes anarchiques. Les trésors s'enterrèrent et les remparts des villes furent battus en brèche, ce qui signifie que les villes murées n'ont pas été investies. Il s'agit là d'un autre phénomène : les dommages causées par l'insurrection bagaude.
À l'opposé de votre interprétation, la splendide cathédrale de Chalon-sur-Saône, construite avant cette invasion, à l'intérieur des murs de la ville, témoigne. Non seulement elle témoigne par sa magnificence, mais elle honore dans l'un de ses chapiteaux l'empereur Victorinus qui l'a fait construire, étonnant témoignage d'un pays éduen prospère avant d'être attaqué par les Gaulois rebelles et sa campagne dévastée par les Bagaudes.
Nous sommes donc en pleine contradiction. De votre coté, un raisonnement s'appuyant sur votre seule interprétation des textes. De mon côté, une autre interprétation, mais avec, en plus, des documents de nature archéologique, notamment : une plaque de cheminée montrant, en 260, un projet de construction de la cathédrale de Chalon-sur-Saône, deux médaillons polémiques sculptés sur marbre menaçant la dite cathédrale de destruction, et je peux citer d'autres documents. Ces deux médaillons ne peuvent provenir que d'une cité concurente, celle qui vint assiéger la cité éduenne.
Votre argument d'un aïeul d'Ausone dépossédé de ses biens et exilé par Victorinus se retourne contre votre thèse. Augnemetum/Mont-Saint-Vincent n'ayant pas été investi par les Gaulois rebelles, seulement la ville d'Autun, il était tout à fait dans les prérogatives d'un Victorinus régnant de se saisir des biens d'un trop riche propriétaire foncier pro-romain.
Autun fondée par l'empereur Auguste ? Il n'y a aucune preuve. Strabon, l'historien reconnu d'Auguste, est très précis sur ce qu'il a fait en Gaule ; il ne dit nulle part qu'il ait fait quelque chose à Autun, même pas une visite. Certes, s'il est vrai que des villes gauloises se sont vouées à César, il faut bien comprendre que si le Sénat a décerné à Octave le nom d'Auguste, c'est pour qu'il soit, sur terre, le représentant de l'Auguste du ciel. Autun n'existait alors qu'en tant que ville nourricière et commerciale au profit d'Augustodunum, alias Bibracte, alias Mont-Saint-Vincent. Autun doit sa véritable (re)fondation à Constance-Chlore, au retour de la puissance romaine, après le règne des empereurs gaulois. Augusto-dunum, l'oppidum voué au Dieu Auguste du ciel, c'était le Mont-Saint-Vincent. Le temple d'Apollon, les anciens bâtiments des écoles que le rhéteur évoque, les murailles pourries de vétusté d'Ammien Marcellin, ne se retrouvent pas à Autun, mais à Mont-Saint-Vincent (preuves archéologiques difficilement réfutables).
Autres preuves de nature archéologique difficilemen réfutables, les deux médaillons polémiques sculptés sur marbre pré-cités. L'un représente un temple de Chalon, facilement identifiable, menacé d'apocalypse, le plus beau de tout l'univers selon Eumène. L'autre, la forteresse voisine de Taisey - site historique que j'essaie de sauver - menacée de même.
Menacé à droite par le feu de Dieu, l'empereur Postumus s'est réfugié dans son bois de saules. Non seulement il n'arrive pas à grimper à l'arbre généalogique des anciens rois d'Israël - ma thèse - mais ce n'est que par le serpent maudit qu'il est arrivé à se relier au rejet davidique resurgi en Gaule. Reconnaissable à sa barbe et à son corps d'Hercule, ses jambes sont animalisées par le péché. A ses pieds, le chien fidèle des chapiteaux extérieurs de sa cathédrale recule devant la colère de Dieu.
Sur le horst de Mont-Saint-Vincent, le César de Posthumus, Victorinus, cherche, lui aussi, à se raccrocher à l'arbre davidique royal. En vain, car la branche casse. Petit hercule que son ambition écartèle sur un Mont-Saint-Vincent/Bibracte/Augustodunum dont les deux hauteurs se séparent, il en perd son pantalon. Ces deux hauteurs, c'est le haricot de Mont-Saint-Vincent sur lequel se tient Bibracte dans les chapiteaux éduens.
C'est donc une autre lecture qu'il vous faut faire des panégériques latins.
Le rhéteur Eumène évoque longuement Augustodunum. Il en donne une description très précise, une description qu’on n’a jamais pu appliquer à Autun. L’importance qu’il lui attribue en tant que presque capitale de la Gaule - en concurrence avec Trêves - ce n'est pas Autun, c'est le Mont-Saint-Vincent. Je sais que cela va faire hurler mais c’est comme ça. L’enceinte de la ville en forme de courbe, avec ses deux extrémités garnies de tours, semblait avancer ses deux bras pour te recevoir (Actions de grâces à Constantin Auguste, ch. VII ; il s'agit, en réalité, de Constance-Chlore).
Et encore : Très illustre gouverneur, il est encore une circonstance qui rend cet édifice (les écoles moeniennes) plus célèbre et attire davantage sur elle les yeux des Césars et de tous les citoyens : c’est qu’elle est placée dans un lieu particulièrement bien choisi, pour ainsi dire entre les deux yeux de la cité, entre le temple d’Apollon (l’église actuelle) et le Capitole (l’oppidum et le palais voisin). Le voisinage de ces deux divinités, en rendant ce sanctuaire (Mt-St-Vincent) plus vénérable, est un nouveau motif pour le réparer dans toute son étendue.
Et il ne conviendrait pas que les deux très beaux temples de cette ville (le temple de Minerve et celui d’Apollon) soient défigurés par les constructions en ruines qui se trouvent au milieu. J’insiste sur cette pensée ; car il me semble que le premier constructeur des écoles moeniennes leur a réservé cet emplacement afin qu’elles fussent soutenues par les étreintes bienveillantes des deux divinités voisines ; et telle est en effet la position de cet auguste sanctuaire des lettres (les bâtiments des écoles) que d’un côté Minerve (le temple de Minerve), fondatrice d’Athènes, le protège de son regard, et de l’autre Apollon (l’actuelle église romane), entouré des Muses. Cet édifice, placé au front même de la cité, touchera de chaque côté à ces deux temples ô combien remarquables (Eumène, discours pour la réparation des écoles).
Et que devient Autun dans toute cette remise en question ? Eh bien, c’est tout simple. Le grand effort de reconstruction qu’Eumène demandait pour les écoles de Mont-Saint-Vincent, les empereurs l’ont porté sur la colonie éduenne de Marchaux pour en faire une nouvelle Rome, autrement dit le nouveau centre de la cité. Et cela explique les murailles, les portes monumentales, la cathédrale, le théâtre, le temple de Janus...et le nom qui lui a été donné que seul portait Bibracte/Mont-Saint-Vincent jusque-là. Augustodunum était devenue une cité double, un nom qui n’a survécu qu’à Autun. Nous n’avons pas craint de prendre ton nom en mettant de côté l’ancien, car Bibracte (Mont-St-Vincent) s’est appelée jusqu’à présent Julia, Pola, Florentia, mais maintenant, c’est Flavie (Autun) qui sera la cité des Eduens (Eumène, Actions de grâces à Constantin/Constance-Chlore, chap II,).
Bis repetita, il s'agit, en réalité, d'un discours de remerciements adressé à Constance-Chlore et non à son fils Constantin (pour la clarté du débat, je continue à nommer "Eumène" les auteurs éduens de tous ces discours).
Repères chronologiques.
- empereur Salonin : 242 - 260
- empereur Postumus : 260 - 269
- empereur Victorinus : 269 - 271
- empereur Tétricus : 271 - 273
- bataille des champs catalauniques dans la plaine de Chalon-sur-Saône en 274. L'empereur Aurelien y rétablit le pouvoir de Rome. L'armée éduenne en proie à ses dissenssions est désorganisée.
- les bandes de la révolution bagaude ravagent la campagne.
- expédition des tétrarques romains de 285 à 295. Rétablissement du pouvoir de Rome à Gergovie.
- Maximien reconstruit les bains publics de Bourbon-Lancy et attire des colons dans la ville d'Autun (1)
- Constance-Chlore se rend à Bibracte/Augustotunum/Mont-Saint-Vincent, accueilli par une jeunesse moennienne enthousiaste ; il relève les membres du conseil éduen couchés devant le palais. Pas de discours. (2)
- À Augustodunum/Mont-Saint-Vincent/antique Bibracte, Panégyrique de Constance-Chlore à son retour d'expédition en Bretagne. L'orateur le remercie de commencer à relever la cité de ses ruines.
- À Augustodunum/Mont-Saint-Vincent/antique Bibracte, Eumène demande au gouverneur de Lyon de faire pour son sanctuaire des belles-lettres - illam sedem - ce que les empereurs ont fait, avec l'aide des légions, en ville d'Autun - istam coloniam.
- À Trèves, discours de remerciement adressé à Constantin/Constance-Chlore. L'orateur remercie Constance-Chlore d'avoir relevé la cité éduenne de ses ruines (3) et déclare que,dorénavant, c'est Autun qui sera la cité des Éduens.
- À Trèves, Panégyrique de l'empereur Constantin Auguste, fils de Constance-Chlore.
- Renvois
- (1) Discours de remerciement à Constantin, Constance-Chlore, VIII, IV,4
- (2) Discours de remerciement à Constantin, Constance-Chlore, VIII, IX, 4
- (3) Il faut comprendre : toute la cité, tout le territoire où vivent les citoyens éduens.
Merci de me répondre. Copie à Mme la Ministre de la Culture, à la Sorbonne, à la Drac de Bourgogne/Franche-Comté, ainsi qu'à MM. les élus qui s'intéressent à l'histoire et au patrimoine de leur région.
Emile Mourey, le 17 janvier 2017, extraits de mes ouvrages et articles, www.bibracte.com. Photos romanes.com
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