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Accueil du site > Tribune Libre > Ayant introduit le loup dans la bergerie, De Gaulle démissionne

Ayant introduit le loup dans la bergerie, De Gaulle démissionne

Dix-sept jours après avoir permis aux États-Unis - à travers la création du commissariat au Plan (3 janvier 1946) - de placer leur représentant officieux, Jean Monnet, à la console de commande de l’économie française, Charles de Gaulle a donc démissionné… Aussitôt les intérêts américains allaient s’engouffrer dans cette tâche d’organisation de la remise en état des structures de base du pays, tout comme ils ne tarderaient pas à s’engouffrer dans la plaie de la guerre d’Indochine, qui n’était pourtant due qu’à l’initiative très personnelle, là aussi, de Charles de Gaulle.

Ainsi la France réintégrait-elle, immédiatement et de la "meilleure" façon possible, un impérialisme "yankee" qui n’avait qu’une idée en tête : la soumettre, dès que possible, au leadership allemand (afin de mieux tenir l’URSS), et en particulier grâce au plan Marshall (qui n’était pas du tout ce qu’un vain peuple pense, comme je le montre dans la troisième partie - Le lasso du plan Marshall - de l’ouvrage que j’ai publié en 2012 : Quand le capital se joue du travail).

En lieu et place de Charles de Gaulle, Jean Monnet et "son" commissariat trouvent en face d'eux Félix Gouin, le nouveau président du Gouvernement provisoire. C’est un socialiste… Il n’a donc plus qu’à laisser se développer les germes soigneusement déposés par De Gaulle pour échapper aux communistes, en France, et faire massacrer les communistes indochinois, en Extrême-Orient.

Pendant ce temps, Jean Monnet aura les coudées franches. Son biographe, Éric Roussel, écrit :
« L’affaire est rondement menée. Le 16 mars [1946], le Conseil du plan se réunit pour la première fois rue de Martignac, dans un hôtel trouvé par Gaston Palewski [tiens, tiens…] et qui abrite aujourd’hui encore [Éric Roussel écrit en 1996] les services du commissariat général. En présence de Félix Gouin, chef du Gouvernement provisoire, qui ouvre la session, et sous une imposante reproduction de la Marseillaise de Rude, Monnet fixe ses objectifs. Le but, déclare-t-il, est de retrouver le niveau de production de 1938 à la fin de 1948. Mais, comme ce n’est pas avant 1950 que l’on peut espérer le rétablissement d’un équilibre durable de la balance des comptes courants, seule une aide extérieure permettra de faire face au déficit. » (pages 440-441)

Aide ?... Le mot est joli. Mais, comme aujourd’hui en Grèce, il ne s’agit que d’un flux de capitaux qui doivent "organiser" ou "réorganiser", par leur simple passage, l’ensemble du système économique d’un pays qui devra produire la plus-value (exploitation de l’être humain par l’être humain) grâce à laquelle il pourra, à travers ses remboursements, obtenir un rang déterminé dans le camp impérialiste, et les protections - mesurées à l’aune de ses performances - qui vont avec.

Immédiatement après la phrase citée, Éric Roussel ajoute ceci :
« Quelques heures après la fin de cette séance, l’Inspirateur [c'est-à-dire Jean Monnet, bien sûr] prend d’ailleurs l’avion pour Washington afin de rejoindre Léon Blum arrivé deux jours plus tôt en tant qu’ambassadeur extraordinaire du gouvernement français. » (page 441)

De Gaulle nous l’a dit. Un voyage comparable ne lui avait permis d’obtenir qu’un prêt de 600 millions de dollars, et d’acquérir la certitude que le nouveau président états-unien Truman (je le cite) "ne voulait pas parier sur moi à fonds perdus". En irait-il de même pour un Léon Blum dûment chaperonné par Jean Monnet  ?

Sans doute le leader socialiste y est-il allé de bon cœur quant à l’insertion pleine et entière de la France dans la trappe de l’économie de marché, puisque Jean Monnet lui-même a pu écrire :
« On crut sans peine le vieux leader socialiste lorsqu’il proclama que la France souscrirait aux engagements de la charte de la liberté du commerce international qui était alors en discussion à Hot Springs. » (pages 441-442)

Un chiffre est bientôt annoncé. D’urgence, la France avait besoin de 2 milliards de dollars, ou peut-être même de 3, à moins que ce ne soit de 4.

Puisque le poisson a mordu (y compris les socialistes), et puisque le poisson est mordu pour longtemps (grâce à la greffe, réalisée par De Gaulle, du commissariat au Plan juste dans le cerveau de la France dirigeante), le président Truman peut y aller sans la moindre retenue.

C’est le biographe de Jean Monnet qui s’en fait l’écho :
« Il somme même Mendès France [le représentant de la France] de s’aligner sur les États-Unis lors d’un vote au FMI en le menaçant de faire capoter la négociation. "Je n’avais jamais rêvé d’une telle pression", remarquera Pierre Mendès France. » (page 442)

Quant à Gérard Bossuat, grand spécialiste du plan Marshall et de ce qui l’a précédé, il conclut :
« Seul l’argument de la lutte contre le communisme fait recette en faveur d’un prêt. » (page 442)

Or, le parti communiste était encore le premier parti de France, et il avait conservé quelques strapontins dans le Gouvernement de Félix Gouin

Ce qu’à Dieu ne plaise !... Truman, en l’occurrence…


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7 réactions à cet article    


  • soi même 22 juillet 2015 18:40

    Franchement Michel si vous pouviez lâché la grappe, cela serait une sortie honorable pour votre Seigneurie....

     


    • devphil30 devphil30 22 juillet 2015 19:24

      Vos articles sont pathétiques d’ignorance et de pensée unique.



      Philippe

      • Dom66 Dom66 22 juillet 2015 23:46

        @devphil30

        Oui des articles plus que pathétiques, l’auteur a un serieux problème.

         

        Merci pour le lien.

        En voici un autre au sujet de l’amitié France-Russie

         

         

        Le député Thierry Mariani, vice-président du Groupe d’amitié France-Russie de l’Assemblée nationale, ainsi qu’une dizaine de parlementaires, dont Nicolas Dhuicq, Jacques Myard, Yves Pozzo di Borgo, vice-président de la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, partiront pour la Crimée jeudi prochain


        Lire la suite : http://fr.sputniknews.com/international/20150722/1017178010.html#ixzz3gevRRnx4


      • bakerstreet bakerstreet 23 juillet 2015 01:20

        J’ai cru que c’était une sempiternel billet délivré par le lobby qui veut dézinguer à tout prix les mouton dans les alpes, sous prétexte que ce sont que de salles bêtes qui mangent les moutons, et empêchent les bergers de tondre en rond !

        Erreur fatale !
        C’est le sempiternel billet délivré par Cuny ; qui veut dézinguer à tout prix le général de Gaulle, comme si celui ci n’était pas mort de sa belle mort honorable. 
        Ses billets ressemblent à de petites crotte de mouton qu’ils nous sert en apéritif. Tant pis pour ceux qui préfèrent le saucisson.
        Ses phrases sont pétulantes, ces conclusions tranchantes, définitives ! On en redemande ! 
         D’une façon générale, il nous dit que c’est la faute au grand Charles. C’est son obsession. Je m’attend à voir d’autres dossiers accablants dans lequel la responsabilité de De Gaulle sera évidente, prouvée : Le dérèglement climatique, la dette de la Grèce, les manifestations d’agriculteurs., les cors au pied de votre grand mère. 
        Mais je me tais ! Je ne voudrais pas dévoiler le suspense à venir !

        • bakerstreet bakerstreet 23 juillet 2015 01:28

          @bakerstreet


          « J’ai cru que c’était une sempiternel billet délivré par le lobby qui veut dézinguer à tout prix les mouton dans les alpes, sous prétexte que ce sont que de salles bêtes qui mangent les moutons, »
          Bien sûr, il faut lire : « Dézinguer à tout prix les loups dans les alpes... »
          Mais qu’aurait pensé De Gaulle du problème ? Lui n’aimait pas les chacals ni les hyènes, mais je ne pense pas qu’il détestait les loups, animal noble, qui vit en meute, et obéit à des lois, et est pourvu d’une intelligence remarquable, ainsi qu’un grand « instinct » de sacrifice pour sauver son groupe. 
          Le loup aurait fait un grand homme d’état. Pétain n’était pas un loup, pas même un renard !






        • jean-jacques rousseau 23 juillet 2015 09:52

          Merci Michel,
          Voilà un article intéressant, comme tous ceux que vous avez déjà publié, il donne des clés et ouvre des pistes pour une nouvelle compréhension de notre société. Une société en réalité dysfonctionnelle, puisque dominée par une haute bourgeoisie peu soucieuse d’intérêt général.
          N’hésitez pas à nous donner encore plus de précisions sur les intentions, les objectifs, les projets, les réseaux, les méthodes de ces nouveaux féodaux, ennemis du Peuple et de la France.
          Continuez !


          • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 23 juillet 2015 10:36

            @jean-jacques rousseau
            Merci à vous. J’essaierai effectivement de me tenir dans la ligne que vous me proposez.
            Le pseudonyme que vous avez choisi est un signe pour moi, puisque, comme je le montrerai bientôt, Pierre Cot, à l’intérieur même de son rapport à l’Assemblée nationale constituante, n’a pas hésité à se placer sous l’autorité doctrinale de Robespierre.
            Votre intervention est d’autant plus importante que je donne ici les résultats de quarante-cinq années de travail.
            Je peux bien vous le dire, à vous : en décembre 1969, dans l’amphithéâtre où François Borella dispensait son cours de droit constitutionnel, j’ai tout à coup appris de sa bouche que le général de Gaulle avait violé la Constitution en 1962.
            Je n’y ai tout d’abord pas cru. J’ai surtout compris que je ne pourrais jamais transmettre cette information à mes parents... Comme beaucoup de personnes qui avaient connu le temps de la Libération, ils ne pouvaient avoir aucun doute sur l’intégrité morale et politique de cette légende. D’autant que le Général lui-même était encore en vie.
            J’ai donc travaillé d’arrache-pied depuis ce temps-là pour embrasser toutes les circonstances qui avaient entouré la vie de ce personnage...
            Grâce à Internet, ma compagne, Françoise Petitdemange, et moi, pouvons enfin faire entendre nos voix qui, depuis 1976, ont été dûment étouffées par la presse nationale, régionale et locale, qu’elle soit écrite, radiophonique ou télévisuelle.
            A bientôt le plaisir de vous lire encore.

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