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Accueil du site > Tribune Libre > Coke en stock (LXXII) : quand Paris Hilton sert de paravent (...)

Coke en stock (LXXII) : quand Paris Hilton sert de paravent (2)

Hier nous avons vu le cas de cet avion contenant 400 kgs de cocaïne et 2 millions de dollars de cash maladroitement attribués par la presse locale à la famille Hilton. Depuis, on s'est aperçu de la méprise : c'est sur une des propriétés de la famille Hylton, du nom d'un américain venu de Virginie dans les années 50, pour coloniser le Costa Rica, que le petit Cessna s'était posé. Sur une des pistes des avions d'épandage d'engrais ou de pesticides, une pratique courante là-bas. Des pistes qui ne datent pas d'aujourd'hui, en fait : il y a trente ans, d'autres en avaient inauguré l'usage intensif. Un usage qui ne semble pas beaucoup avoir changé... au final.

 Détecter l'endroit de la saisie record

La simple observation des faits montre déjà des disparités avec la thèse évoquée, et révèle surtout l'usage de pistes qui ne datent pas d'hier. Car le bout de toute bitumée utilisé en septembre dernier par les trafiquants à au moins trois reprises selon la police est un endroit connu. Localisons-le, tout d'abord, sur Google Earth. 

La piste est l'une des quatre utlisées par la société d'épandage aérien ("fumigation") effectués en Air Tractor 502B, l'appareil sagement rangé devant son hangar visible sur Google Earth. Le bout de route bitumé faisant office de piste d'atterrissage appartient bien au ranch Horizonte de Hylton. On retrouve en effet l'extrait de l'acte de propriété de la famille Hylton, montrant sa part du cadastre, retrouvé dans le mémoire sur le développement agricole de la propriété préconisant l'usage d'avions d'épandage. La localité la plus proche est Bebedero (qui signifie aussi "abreuvoir" ou "fontaine"), une ville minuscule (en 2011, on y recensait 1924 habitants seulement). La piste s'appelle Las Piedras, étant contigüe au Rio Pedras. Pour les intéressés, c'est au 10°21'18 N, et 85° 12'17" O sur Google Earth.

Epandage à gogo et acrobaties aériennes

L'avion d'épandage visible à ses côtés est immatriculé TI-AVW, c'est un des 19 appareils de la société "El Colono Agropecuario", dont les pilotes semblent assez casse-cous, (ici un atterrissage sur une piste à peine bitumée) même si la firme prétend le contraire : le 21 juin 2011, en effet, lors d'un épandage aérien à Cariari de Pococi, près le Limon, deux appareils venus de leur base de Ticaban, le TI-BBZ et le TI-BCB se sont heurtés en vol, tuant leurs deux pilotes Fernando Salazar Aguilar, 43 ans, et Ricardo Joaquin Venegas Espinoza, 45 ans. Pour vérifier si les pilotes de Colono Agropecuario sont des casse-cous (ici le capitaine Montes De Oca aux commandes à Ticaban plus aussi ici, et ici le capitaine Ricardo Vargas, sur du Chicago comme musique !) ou non, il suffit de les regarder voler, comme ici en meeting sur leur base de Ticaban... L'avion en pleine démonstration acrobatique dans cette vidéo étant le TI-BER, qui prend bien des risques, à vrai dire (son roulage queue bien levée avant redécollage en "touch and go" étant assez adroit à vrai dire !). A Ticaban, près de Guapiles, à côté de l'ancienne bananeraie vendue en 2001, ce sont près de dix avions AT-502S et AT-504 qui sont basés, arrosant "20 000 hectares chaque semaine" de bananeraies, soit environ 130 hectares par heure, informe la société. La firme en compte 14 d'Air Tractor, auxquels elle a jouté 5 Cessna 188 AG-Cat Wagon (à turbine), un autre Tractor ayant reçu une "Walter" (une conversion à turbine) et 4 appareils une autre turbine, une Garrett TPE 331. La sociéte possède aussi deux hélicoptères, un Bell 206 et un "Llama", autrement dit une bonne vieille Alouette française. L'édition de novembre dernier du magazine spécialisé AgAir évoque les 19 appareils de l'entreprise. Tous achetés depuis 2006 au Texas (au rythme de 2 supplémentaires par an), à Rosenberg, chez Pat Kornegay de Lane Aviation. Autrement dit si les trafiquants cherchent des pilotes pour leurs atterrissages nocturnes sur les pistes de fortune des avions épandeurs, ils savent où les trouver...

Des pistes partout

Le problème étant l'usage de cette piste privée, à la fois par les avions d'El Colono Agropecuario et par les trafiquants. Car d'autres pistes étaient utilisables, dans la région (à gauche la piste "touristique" de Quepos). A quelques kilomètres de là, on en trouve deux, par exemple. Situées à moins de 10 km de Canas. Et même une troisième, près de l'énorme zone de stockage en silos de Pelon de la Bajura, sur laquelle on distingue un autre "crop duster" biplan. Pas loin vers l'ouest on a l'hacienda Tamarindo, par exemple, encore, avec elle aussi sa piste clandestine. Même topo à Filadefia, à quelques kilomètres à l'ouest, et à Palmira, une piste utlisée par les avions de touristes, à peine à 6 km au nord. Palmira étant surtout à moins de 6 km également de l'aéroport de Daniel Oduber Quirós International, où l'on peut voir stationné un Lockheed Orion des US Customs & Border Protection, un avion de surveillance radar, on le sait ; photographié aussi par un spotter le 24 août 2013 (le 13 août 2004 il avait été photographié à Puerto Rico dans son ancienne livrée). Pas n'importe quel avion pour tout dire : c'est un modèle P-3LRT (Long Range Tracker) immaticulé N769SK, venu de sa base de Patrick AFB. Surnommé "Slicks" s il n'a pas de rotodome d'antennes AEW, mais une tourelle de capteurs optiques au-dessus des fenêtres du poste de pilotage et un grand radar de poursuite sous la partie avant du fuselage. Or ce type d'avion est caractéristique d'une recherche de trafiquants de drogue, justement, comme le précise ici C-NET.  Un article laissant entendre que la chasse aux "smugglers" est un réel plaisir chez les pilotes :"assis à son poste de travail à bord du P-3 Orion, vêtu comme ses collègues dans une combinaison de vol ornée avec des badges de l'agence CBP, il est clair que Mason aime son travail, celui de chasser les méchants toute la journée, que ce soit en vol à l'extérieur ou dans son bureau dans le bâtiment CBP à Corpus Christi, ou sur des missions de huit jours au Panama ou au Costa Rica. "c'est sympa de sortir et de partir à la chasse », a déclaré Mason. « Nous en rions, que nous sommes inaptes à un autre travail. Nous avons tellement de plaisir que nous ne pouvons obtenir un emploi ailleurs." Une rapide vérification sur Google Earth nous montre que les avions de surveillance Orion, de type différents, sont bien des habitués de l'aéroport de Daniel Oduber Quirós :

Un pays surveilé de près, pourtant

Des avions américains spécialisés détecteurs d'appareils de transport de drogues survolent régulièrement le Costa Rica, et ils seraient incapable de voir des appareils situés parfois à moins de 10 km de leur base temporaire ? Voilà qui est bien surprenant ! En fait, à l'examen, on constate que tout le pays est truffé de pistes privées, la majeure partie servant en effet à accueillr des "crop-dusters". Là-bas, chaque grande propriété à soit son avion épandeur personnel soit une piste pour accueillir ceux d'El Colono Agropecuario. Des pistes qui ne sont pas récentes : elles existent depuis une trentaine d'années. La plupart ayant été défrichées il y a une trentaine d'années dans la jungle par la CIA...

De vieux souvenirs qui remontent à la surface

Ça n'avait donc rien à voir avec la famille de Paris Hilton, mais bien davantage avec un autre lourd héritage venu des USA. Car toutes ces fameuses haciendas créées dans les années cinquante ne servaient pas qu'à l'élevage. Sur leurs immenses champs, des pistes d'atterrissages de fortune avaient été installées, fort discrètement. A quelques km de la propriété de Hylton, à El Pelon de la Bajura, en 1982, il y avait une piste de ce genre. Même chose dans la propriété de la famille de Luis Morice à La Cruz, en 1982. Car ces hanciendas ne servaient pas qu'à élever du bétail en effet ; des militaires s'y entraînaient. Et pas n'importe lesquelsDes américains, ou plutôt des nicaraguéens, entraînés et encadrés par des militaires US. "De toute évidence, il est difficile d'établir l'objectif ultime derrière les opérations de Hylton au Costa Rica. Un employé de base travaillant plus pour Skyline Ranch, avait spéculé que le virginien pourrait avoir un lien avec la campagne des Etats-Unis contre le Nicaragua. « Il est arrivé ici juste après que les sandinistes aient repris Nicaragua. Ne dites pas que je l'ai dit. Je pourrais avoir un tas d'ennuis." En mai 1989, Virginie Hylton Enterprises, Inc., a déplacé ses sites vers d'autres frontière du Costa Rica, avec acquisition de 6 ou 9 hectares de montagne. Dans la jungle, juste en butée de la zone tampon de deux kilomètres de large le long de la frontière panaméenne inaliénable... L'invasion américaine du Panama a eu lieu sept mois plus tard..." annonçait avec précision dès 1992 le spécialiste agraire Marc Edelman dans son indispendable "The Logic of the Latifundio : The Large Estates of Northwestern Costa Rica Since the Late Nineteenth Century" ... Hylton, discrètement, travaillait donc à la mainmise de l'Amérique du Sud par les USA. Et pour la CIA, donc ! C'est bien sa société Hylton Enterprises Virginia, Inc qui avait acheté les terrains à la frontière du Panama (à droite l'invasion).  Les américains ne supportaient pas l'extension des idées communistes en Amérique du Sud, et Noriega, appointé à la CIA, était leur allié privilégié (en 1981, la mort de Torrijos dans un accident d'avion lui ouvre les portes du pouvoir). On aurait pu s'en douter : en 1953, quand Che Guevara arrive fin décembre 1953 au Guatemala, le président de gauche Jacobo Arbenz Guzmán, tente alors une réforme agraire qui tente de s'attaquer au système de latifundia installé et dominé par les États-Unis. Arbenz sera balayé en 1954 par la CIA, grâce l'opération PB Success. Les bananiers américains n'avaient pas apprécié de se voir bientôt dépossédés par une réforme agraire annoncée. Hylton, le très discret... et son nom, qui ne devait pas être associé à la CIA. On commence à comprendre pourquoi on a autant cherché à le masquer, ces dernières semaines... en mettant autant en avant Paris Hitlton et ses frasques légendaires !

Un drôle de ranch

Parmi les avions de passage dans la région, on retrouvait celui d'un nom connu. Celui de John Hull. "Au début des années 1980, Cecil Hylton le millionnaire de Virgine partisan de élevage extensif et détenteur d'exploitations de riz à Guanacaste, a permis au moins un de ceux-ci, via son Hacienda El Hacha, à des fins de formation et d'approvisionnement de troupes de contras. En 1984, Hylton a donné 17 propriétés à proximité de la frontière avec le Nicaragua au ministère des Assemblées de Dieu du télévangéliste américain Jimmy Swaggart, et un partisan des contras ; en 1982, un autre collaborateur "gringo" fut le colonel Joseph Yurko, un officier de l'armée à la retraite possédant une ferme sur la frontière avec le Nicaragua et une maison à Washington qui a aidé l'ARDE (les antisandinistes) au nom du Pentagone, selon plusieurs sources. Plus encore, sur le port de la côte atlantique de Limon, un autre américain, Eugene Strickland,  un capitaine de remorqueur qui a fréquemment rencontré Hull a travaillé étroitement avec Hull avec les contras indiens du Miskito. Près de la frontière avec le Panama il y avait aussi un drôle d'allemand du nom de Manfred Hoffman, qui avait des liens étroits avec le Southern Command". Le journaliste Gary Webb lui aussi avait dénoncé le rôle de la CIA et ses liens avec Noriega : il en est mort. Le trafic de cocaïne de la CIA devait demeurer un secret inavouable. Problème, aujourd'hui ; si Hull avait été accusé au Costa Rica, c'est à la suite du volumineux rapport de 1200 pages signé par ... John Kerry(Drugs, Law Enforcement and Foreign Policy - April 1989). Or aujourd'hui, Kerry est au gouvernement de Barrack Obama, mais semble avoir oublié aujourd'hui le contenu de son propre rapport d'antan.

Des allées et venues régulières

Des voisins avaient vu les nombreuses allées et venues au ranch principale de Hull à une demi-heure au nord de Ciudad Quesada, au point d'appeler le coin "Grand Central Station."Des véhicules connus pour appartenir aux contras, camions bâchés censés transporter des armes, et les taxis remplis d'un assortiment de gringos des mercenaires muclés, de, sudistes ventrus et des bureaucrates guindés de Washington passaient ou sortaienr de la porte de Hull à toutes les heures du jour et la nuit. Hull habituellement, présentait ces visiteurs américains comme des investisseurs potentiels dans son projet d'agrumes, mais ils se sont souvent avéré être une partie de l'aide privée au réseau des Contras. C'est dans le ranch de Hull qu'avait été élaboré un attentat sophistiqué contre un leader sandiniste (qui en avait réchappé). J'en avais parlé ici-même : "Hull, impliqué dans l'attentat dit de la Penca du 30 mai 1984, dont l'histoire devrait davantage retenir le procédé imaginé, car il rappelle une autre élimination que l'on peut tout autant attribuer à la CIA et non à de simples islamistes téléguidés venus de.... Belgique : "la bombe est supposée avoir été cachée dans une caisse d'appareil de caméra en d'aluminium et déposée par un individu portant un passeport danois volé. Selon des témoins, le plastiqueur avait utilisé le nom d'Anker Hansen et avait prétendu qu'il était un photographe danois. Ensuite, un des survivants a fait des remarques comme quoi ils avaient trouvé étrange qu' "Hansen" avait gardé jalousement "l'équipement d'appareil de sa caméra", enveloppant la boîte peu maniable d'aluminium dans du plastique. "Hansen" est supposé avoir déposé lla caisse de caméra contenant la bombe au-dessous de la table. La séquence du déroulement a montré plus tard que le plastiqueur soupçonné avait fait signe pour indiquer une défaillance d'équipement comme prétexte pour quitter la pièce. Le plastiqueur est soupçonné pour avoir faire exploser la bombe d'avoir utilisé à distance un signal radio comme détonateur." Si on regarde de près la tentative d'assassinat, on découvre en effet un schéma très proche de celui de celui du commandant Massoud,17 ans plus tard. La CIA, invariablement, récite les mêmes recettes, parfois empruntées directement â l'histoire (en l'occurrence aussi ici l'attentat contre Hitler !). Massoud, tué le 9 septembre 2001, deux jours avant l'attentat contre les tours du World Trade Center à New York et l'attaque contre le Pentagone"... 

Pourquoi on ne peut en parler

Un des pilotes maintient l'idée que Hull (ici à gauche) ne trafiquait pas de cocaïne : "pour une raison quelconque, Hull était devenu un outil de la CIA et faisait ce qu'on lui disait de faire. Les vols d'avions contenant de la drogue (par opposition à d'autres impliquant des munitions et des fournitures) étaient généralement censée éviter les pistes d'atterrissage sur la propriété de Hull. Mais quand l'un des pilotes de Noriega (Teofilo Watson), a débarqué à tort sur l'une des pistes de Hull, et perdu pour 1200 dollars de la cocaïne, le cartel de Medellin a cru que Hull l'avait volé et a monté une expédition contre lui en kidnappant sa fille. Ils ne l'ont ibérée que lorsqu'il est devenu clair que Hull n'avait pas été impliqué". Ce qui n'est pas l'avis de tout le monde, tant CIA et cocaïne ne faisaient qu'un : l'exploitation du trafic de cocaïne de la CIA était aussi une arme, en effet, car elle était rejetée sur les seuls sandinistes. "La présence des envoyés de Hoffman est venue en lumière après septembre 1985, lors de l'assassinat au Panama du Dr Hugo Spadafora un commandant contra. À la demande du chef de station de la CIA Joe Fernandez, Hoffman a fabriqué une fausse histoire transparente et l'a propagée pour blâmer l'assassiner les salvadoriens de gauche". Aurait-on utilisé la même méthode récemment, pour masquer le nom de Hylton ? Hull, en tout cas, faisait aussi dans la coke : "Avec certains de ces autres amis étrangers, Hull s'était profondément impliqué dans deux des « projets » les mieux gardés de la guerre des contras : les actions terroristes destinées rendre les sandinistes responsables du trafic de drogue. Combien Hull a reçu pour les services est inconnu. Il a admis avoir reçu 800 dollars par mois à partir de la CIA et cinq gardes du corps du personnel, et il a affirmé aux deux mercenaires Peter Glibbery et Steven Can que son « ami » au Conseil national de sécurité (Nord) déposait 10 000 dollars par mois sur son compte dans sa banque de Miami..." Parmi les organisateurs du trafic, figurait l'incroyable Carlos Lehder, grand admirateur d'Hitler. Ce dernier dénoncera Hull devant les caméras de Diane Sawyer d'ABC en 1990. On retrouvera un bon nombre des avions de la CIA au fond des eaux, aux alentours de l'île de Lehder : s'y poser n'était en effet pas si facile que ça pour les gros C-46 ne portant aucune indication apparente sur leur fuselage, ou déguisés en compagnie aérienne de tourisme. J'ai rappelé cette histoire ici-même.

Hull risquait gros

Retournement de situation, début 1989, avec l'inculpation au Costa Rica de Hull pour trafic de drogue, de contrebande d'armes et d'autres crimes. Comment Hull s'en était-il sorti ? Très simplement : en juillet 1989, il avait sauté dans un petit avion, en partance pour Haïti et ensuite vers les États-Unis. C'était tout bonnement dans un des avions de la DEA (la lutte anti-drogue US !), en prime, démontrant toute la connivence entre l'anti-drogue US et les fournisseurs colombiens de cocaïne ! Plus tard, Hull a été ravi d'apprendre qu'un de ses amis conservateurs, Roberto Calderon, avait remporté la présidence du Costa Rica. Le 10 octobre 1990, l'ambassade de Calderon informait en effet les USA quil ne demanderait pas l'extradition... La demande d'extradition du Costa Rica de Hull venait en effet d'être bloquée par le président George H. W. Bush... sans que cela ne surprenne personne. Aux Etats-Unis, où il n'avait plus l'autorisation de prendre son avion personnel, il publiera un livre (où on le voyait posant devant son Cessna personnel) disant que tout ce qu'on avait dit de lui était de la "propagande communiste"...

Les pistes clandestines de la CIA

Trente ans après, l'attentat de la Penca avait pourtant laissé des stigmates. Sur place, lors de l'enquête qui avait suivi, on avait pu voir l'un des pistes clandestines utilisées par la CIA : celle située dans le Guanacaste. Un des pilotes de l'époque, Robert “Tosh” Plumlee, s'était rappelé sa position exacte : "Santa Elena avait été sur une route de la drogue depuis longtemps, que nous utilisions pour aider à armer le front sud ", a déclaré Plumlee à Tico Times : "D'une certaine manière, Oliver North est tombé avec le propriétaire de l'immeuble, la Société de développement de Santa Helena représentée par le natif du Caroline du Nord, Joe Hamilton. North avait pris une hypothèque 5 millions de dollars la propriété pour un but inconnu. L'ancien président du Costa Rica Luis Alberto Monge avait donné sa bénédiction pour créer une base aérienne à grande échelle à Potrero Grande, en faisant valoir qu'elle serait nécessaire que si les sandinistes attaquaient le Costa Rica. Après avoir quitté le bureau, Monge avait dit au Tico Times, qu'il assumait que les hommes étaient des fonctionnaires US. Il l'avait vraiment accepté. Une société panaméenne fantôme, Udall Ressources, Mise en place par l'ancien général américain Richard Secord et "possédée" par "Robert Olmstead" - le pseudonyme de William Haskell, un comptable du Maryland et un vieux copain de Nord Vietnam - avait été engagée pour prolonger la piste d'atterrissage en 1984, pour lui permettre d'accueillir de grands avions de transport C-130" (...) Plumlee se souvient : "je me suis envolé pour la piste d'atterrissage de Nord Potrero Grande surnommé "West Point", début 1983, dans un avion de transport C-123 avion plus petit. Plumlee estime avoir embarqué jusqu'à 30 000 kilogrammes de cocaïne de Medellin et Bogota, en Colombie, vers Potrero Grande".

Lignes de coke

Le flot était énorme en effet, et a eu des conséquences inattendues, contenues dans une anecdote assez croquignolesque : "d'octobre 1984 à la fin de 1985, une organisation internationale de trafiquants de drogue fonctionnait dans notre pays, dirigée par panaméen, Floyd Carlton Caceres, responsable d'au moins 10 livraisons de cocaïne, totalisant environ 5 000 kilos. On estime que 10% des drogues expédiées dans le pays allaient aux locaux comme paiement pour leur aide dans le ravitaillement, le stockage, et fournissant du matériel pour les trafiquants. Il ya une histoire qui traîne qui raconte qu'un groupe local de jeunes avait aidé à l'approvisionnement d'un pilote qui avait atterri à Tamarindo. Alors que l'avion se préparait à monter sur la piste, un gros paquet de poudre blanche avait été expulsé de l'avion, soit par accident ou à titre de paiement pour l'aide des enfants. Les enfants ont pensé qu'il s'agissait d'un paquet de sucre, mais la poudre était amère au goût et ils ont pris le paquet pour voir si quelqu'un à Villarreal savait quoi faire avec elle. L'histoire raconte que toutes les personnes consultées ignorait réellement ce que c'était. Leur meilleure hypothèse était qu'il s'agissait d'un gros paquet de chaux, et la cocaïne a donc servi à tracer à les lignes du terrain de football, dans le centre de Villareal...." On peut y croire ou pas, avouez que l'anecdote est savoureuse.

La preuve par le restaurant

De gros avions porteurs de cocaïne colombienne pilotés par des gens de la CIA au Costa Rica ? Pour ceux qui en doutent, il y a aujourd'hui... un restaurant, pour le prouver. Un drôle de restaurant, appelé "El Avion", puisqu'il est installé sous les ailes d'un C-123... L'un de ceux, justement, que pilotait Plumlee : "notre Fairchild C-123 est une partie de l'un des plus grands scandales des années 1980. L'administration Reagan avait mis en place un réseau bizarre de ventes d'armes à l'Iran visant à gagner la libération de otages américains détenus au Liban et d'amasser des fonds pour financer les nicaraguayens, la guérilla des combattants de la contre-révolutionnaires, communément appelés les "Contras". En gonflant artificiellement les prix des armes, l'officier de la NSA Oliver North,avait récolté des bénéfices qui pourraient être détournés pour financer les contre-révolutionnaires opposés au gouvernement sandiniste allié des cubains. Sur les 16 millions de dollars amassés, seulement 3,800,000 ont financé les Contras. Avec l'aide de la CIA, ils ont acheté plusieurs choses, notamment deux avions C-123 neufs, deux C-7 Maule (avion STOL fort performant), des pièces de rechange et de munitions. Ils ont aussi construit une piste d'atterrissage secrète sur un ranch américain de 30 000 acres situé au nord-ouest du Costa Rica. Le 5 octobre 1986 US le frère jumeau de "El Avion", un autre Fairchild C-123 a été abattu au-dessus Nicaragua. Un membre de l'équipage, agent de la CIA Eugene Hasenfus, avait résussi à sauter et avait été capturé par l'armée sandiniste (trois autres membres de la CIA avaient été tués lors du crash : Richard Spicer, Scott J. Van Lieshout et Curtis R. Wood). Conduit hors de la jungle à la pointe du fusil (l'image, terrible pour Reagan, est restée célèbre  !), l'existence de Hasenfus révélé en septembre a provoqué un incroyable mouvement en chaîne de dissimulations et de mensonges qui est devenu un des plus grands scandales de l'histoire politique américaine connue comme l'affaire Iran-Contra. En conséquence de cette révélation sur les sandinistes les opérations ont été suspendues et l'un des C-123 a été abandonné à l'aéroport international de San Jose. En Août 2000, nous avons acheté le Fairchild abandonné et sommes allés chercher les pièces de la relique Iran-Contra à Quepos. Le fuselage a été expédié par voie maritime, parce qu'il était 10 pouces trop large pour les vétustes ponts de chemin de fer Chiquita Banana ! Après le transport des sept morceaux à travers de la colline de Manuel Antonio, le C-123 a finalement trouvé son lieu actuel de repos à flanc de falaise. Maintenant, notre C-123 a été retiré des efforts devenus moins risqués en devenant un restaurant, un bar et une relique de la guerre froide durable"... raconte le patron du restaurant  L'avion du Southern Air Transport avait été rebaptisé auparavant "Ollie’s Folly", en référence à Oliver North. Depuis son retour, on lui a construit un toit pour le protéger des intempéries. 

Les mêmes pistes... et les mêmes trafiquants ?

Pour faire voler les C-123 de Colombie aux USA, il fallait des terrains d'atterrissage clandestins au Costa Rica. "Les avions devraient faire le plein au Costa Rica sur les pistes d'atterrissage à Tamarindo, Sardinal, Las Loras, Llano Grande, Ciruelas, et Coyolar. La sécurité des sites de la route du Costa Rica était fournie par le colonel Edwin Rodriguez, l'ancien chef du ministère de la garde rurale à Guanacaste. (le Costa Rica n'a pas d'armée actuelle.) Pendant ce temps, les Etats-Unis avaient obtenu la coopération du Costa Rica d'autoriser les vols "pour aider les Contras" avec des promesses d'aide et de protection, en cas d'invasion militaire de du Costa Rica par les sandinistes". Or toutes ces pistes, quand elles ne sont pas devenues aéroport de fortune pour les petits avions de tourisme sont restées celles des trafiquants de cocaïne. Les mêmes sites sont à nouveau cités, plus de trente ans après. Toujours entretenues, alors que les cartels de drogue, entre temps, n'ont cessé de changer ! Aujourd'hui, au Costa Rica seul, on en dénombre près de 90 !!! "Qui surveille les 90 aérodromes privés qui dans le pays— utilisés par des avions d'épandage ou transportant des touristes à des lieux de vacances, de loisirs et, parfois, ou comme points d'atterrissage d'urgence d'accueil - pour assurer qu'ils ne sont pas utilisés pour des activités illégales ? Selon le Bureau de l'Aviation Civile, personne - pas un seul policier ou un agent de sécurité. Ces champs vont d'une bande de gravier à une bande d'asphalte lisse ou de béton, habituellement sans bâtiments voisins. Ils invitent à tout faire, de la contrebande d'armes au trafic de stupéfiants" dénonce tardivement iNews.co." Près de 100 points de chute sont donc disponibles aux trafics de toutes sortes dans le pays !!! Avouez qu'on le fait exprès, dans ce pays ne disposant pas d'armée (ici un atterrrissage à Tamarindo, sur une des pistes citées par Plumlee, et ici sur la côte à Carate, l'un des plus "sportifs" étant à Sirena, en venant de l'intérieur du pays avec ici une autre tentative : c'est chaud  !). Sans parler du temps local... et ses dangers.

Un constat plus qu'alarmant :

Le journal continuant sur sa lancée pour faire le lien avec la situation actuelle : "Même pas non plus au moment de leur construction la police n'a jamais enquêté sur leurs propriétaires. L'inspection du site est limitée à assurer que la surface est sûre et qu'il n'y a pas d'obstacles dans la trajectoire de vol, comme des arbres ou des monticules. En outre, ils sont simplement tenus de disposer d'indicateurs de direction du vent, : comme une grande toile de manche à air sur un poteau. Dans un cahier, les fonctionnaires de l'aviation civile obligent à tenir un journal de vols entrant et sortant - mais ils ne font jamais l'inspection de ces registres douteux de mouvements. Marietta Agneau est propriétaire d'une bande de terre depuis 25 ans à Flag Beach, à Parrita, mais le journal La Nacion dirt qu'on ne lui a jamais demandé une seule fois de montrer son carnet de vol. La demande de permis de construire une piste d'atterrissage est simplissime. Il faut la déposer, tout simplement, selon Roy Solis de l'aviation civile. Solis dit que là-bas, c'est un droit. La loi dit que les bandes d'atterrissage privées ne peuvent pas dépasser 1 000 mètres, mais cela ne présente aucune difficulté pour les petits avions privés qui peuvent atterrir et décoller à partir d'une fraction seulement de cet longueur La législation précise également qu'en propriété privée, les pistes doivent être ouvertes à l'inspection périodique, ce qui n'arrive jamais. Mais quand cela arrive, souvent, ont trouve une surprise, : comme la découverte le 21 août d'un avion transportant près de 400 kilos de cocaïne à Cañas.  Puis il y a eu le cas en décembre quand la police a confisqué la une tonne de drogue sur la piste d'atterrissage de La Pandora dans la province de Limon (dans le Beechcraft King Air F90 immatriculé TG-HOS ici à gauche, d'une valeur de 1,2 million de dollars)." Oldemar Madrigal de la section de surveillance aérienne dit que de surveiller toutes ces pistes 24 heures sur 24 nécessiterait 500 policiers - "et nous les avons pas". Vous vous souvenez, au cours de la guerre civile au Nicaragua quand le Tico Times et le New York Times ont découvert une piste d'atterrissage clandestine de la CIA dans le nord du Costa Rica. Elle était utilisée contre les rebelles pour approvisionner leurs adversaires. Tico Times a publié l'histoire sur deux week-ends. L'aviation civile ne savait rien de la bande d'atterrissage, ce qui est surprenant. Lorsque les articles ont été publiés, l'ambassade américaine n'a été pas été vraiment apprécié leur publication, cela va sans dire." Trente ans après, la remarque demeure. Est-ce de l'incompétence pure, ou aute chose ? Les avions de surveillance sophistiqués déployés peuvent-ils ignorer ces pistes visibles sur Google Earth par le moindre particulier comme vous et moi ? Ou bien le sait-on, pour laisser faire, ou fermer les yeux, ou même pour... protéger le trafic ?

Les mêmes, trente ans après...

  Tosh Plumlee en avait photographié lui-même quelques unes de ces pistes clandestines. Trente ans plus tard, elles existent toujours. Ainsi celle repérée par lui que les berges du Rio Murcielago, photographiée depuis dans Panoramio, dans Google Earth, et qui est toujours utilisable ou utilisée. Voilà qui est plutôt inquiétant, car elles ne sont pas tombées en abandon et aucune entreprise privée d'avions de tourisme ne les utilise. Elles ressemblent aujourd'hui à de véritables boulevards herbeux !  Signe que les trafiquants utilisent toujours les mêmes endroits. De là à dire que ces mêmes trafiquants sont les mêmes personnes, il y a un pas qu'on peut aisément franchir en effet... malgré sa minceur légendaire, Paris Hilton aura en l'occurrence joué le rôle d'un excellent paravent... pour dissimuler les véritables responsables de cet immense trafic. Les mêmes qui avaient fait rapatrier étrangement par C-17 militaire plus de vingt tonnes de cocaïne pour les incinérer, paraît-il, le 27 juillet 2013...

le rapport de John Kerry :

http://www2.gwu.edu/ nsarchiv/NSAEB...

tout le détail du raptriement du C-123 de San Jose ici

http://www.hangaronesteakhouse.com/Photo_Album/2009_Costa_Rica_Trip/The_History_of_El_Avion.htm

sur la CIA et la coke :

http://www.darkpolitricks.com/cia-involvement-in-drug-smuggling-part-1/

http://www.darkpolitricks.com/cia-involvement-in-drug-smuggling-part-2/

http://darkpolitics.wordpress.com/cia-involvement-in-drug-smuggling-part-3/

http://www.darkpolitricks.com/cia-involvement-in-drug-smuggling-part-4/

 

pour mieux comprendre ce qui se passe , on peut aussi relire ceci :

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-lxvii-le-costa-rica-151196

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coke-en-stock-lxviii-le-costa-rica-151384


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8 réactions à cet article    


  • njama njama 29 octobre 2014 15:33

    quelques unes de ces pistes clandestines.
    .
    sont-elles vraiment clandestines ? rien n’empêche je pense des pistes privées, car ça existe, même en France


    • foufouille foufouille 29 octobre 2014 16:40

      « une Garrett TPE 331. »
      c’est la marque du moteur, meurice. re« lis » ton lien
      « deux jours avant l’attentat contre les tours du World Trade Center à New York et l’attaque contre le Pentagone »... « 
      lien qui renvoi à l’actualité sans rapport avec le narticle
       »

      Trente ans après, l’attentat de la Penca avait pourtant laissé des stigmates. "
      page d’acceuil agoravox
      et abus de lien youtube
       smiley


      • Jelena XCII 29 octobre 2014 17:49

        Sérieusement momo, on s’en tape de cette pouff amerloque, vous pourriez pas plutot nous écrire un article sur... euh... La mafia albanaise ?
         
        Sujet gênant n’est ce pas ? ^^


        • Donbar 29 octobre 2014 20:09

          De la substance, de l’exotisme et de bien belles photos. Dix fois mieux qu’un roman.


          • Pyrathome Pyrathome 29 octobre 2014 22:23

            a débarqué à tort sur l’une des pistes de Hull, et perdu pour 1200 dollars de la cocaïne, le cartel de Medellin a cru que Hull l’avait volé
            .
            Il ne manque pas kékes zéros, là ?
            pas grave on a compris 1,2 millions ou 12 millions.....
            .
            La coke, moteur du système....
            .
            .
            Voilà ce qui arrive avec les quenelles low cost.....
            La fiche technique



            • Alpaco 30 octobre 2014 02:09

              Excellent article de Morice, un de plus.
              Je soutiens ceux qui soutiennent son projet de thèse de doctorat de journalisme en histoire du passé et en analyse du présent.

              Certes, quelques approximations orthographiques, probablement liées à des bugs informatiques et autres histoires de « copier/coller » approximatifs ne viendront pas gâcher la saveur profonde de la substance de la réalité du discours.
              Il me semble que c’est, ou que ce soit la meilleure manière de le dire, à défaut d’une meilleure.

              Les fachos complotiste d’extrême droite : dehors !
              ha ha ha !
              Soutient total envers Morice, vive la république, vive la France, etc.


              • soi même 30 octobre 2014 13:23

                Morice, je t’es compris à défaut d’avoir de l’argent facile, tu donnes toutes les recettes pour ce faire du pognon fite fait, gros jaloux, il ne faut jouer aux riches quand on a pas de sous !


                • Pyrathome Pyrathome 30 octobre 2014 22:49
                  Les États-Unis verseraient des retraites à des criminels nazis

                  http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-Etats-Unis-verseraient-des-retraites-a-des-criminels-nazis-2014-10-21-1252374

                  Pour bons services rendus ??

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