Construire (23 avril 2022)
Avant la probable réélection du président sortant de la république française, retour sur le quinquennat et perspectives...
Paradoxe hexagonal s’il en est… Plus de six français sur dix (sondages quasiment tous constants depuis l’automne dernier (2021), refusaient un ticket de second tour à l’élection présidentielle identique à celui de 2017.
La nouveauté n’est plus là pour celles et ceux qui avaient été séduits, souvent dès le premier tour, au « nouveau monde » et à la « start-up nation France ». Reconnaissons encore que le délitement des deux anciens grands partis politiques français (Républicains et Parti Socialiste) avec la piteuse impossibilité pour le président Hollande de se représenter et les affres du candidat Fillon ont finis de décrédibiliser ces formations.
Pourtant, dans plusieurs sursauts, nous avons compris combien l’ancrage régional et local était fort apprécié de nos concitoyens en témoignent les scrutins régionaux et municipaux qui suivirent l’arrivée d’E. Macron à l’Elysée.
Le coup de balai présidentiel devait nous propulser vers une forme d’inconnu transgressif du « en même temps » « ni droit ni gauche » et « de droite et gauche » alors que l’histoire nous as montré fort souvent que ces proclamations incantatoires impliquent des politiques « raisonnables » et forcément libérales « de droite ». En politique, lorsque la « raison » est invoquée, c’est toujours celle des chiffres primaires voire binaires comme dans un langage informatique et un tableur Excel. Cela ne laisse jamais de place au volontarisme politique et au progrès notamment social qui impose une meilleure et plus juste redistribution des richesses produites.
Pourtant, l’observation des financements des différents candidats et soutiens auraient dû éclairer la crainte et les intérêts de chacun et chacune des candidats à l’élection présidentielle de 2017. L’effet retour d’investissement se traduisit par une des premières mesures fort symbolique qui fut …la suppression de l’ISF. Une mesure qui ne manqua pas de montrer la fausseté du « et de droite et de gauche ». L’opportunisme fut à l’œuvre chez de nombreux politiques qui s’engagèrent – pour certains en avance dès 2016 – auprès d’un mouvement porté par un seul homme.
Après 2017, on peut croire que le président allait créer un « vrai parti politique » avec des débats, des orientations, des idées, des propositions qui pourraient s’inscrire dans un mouvement citoyen fort car décliné partout et quelque part avec cette part de surprise du « en même temps ». Il n’en a rien été. Le « macronisme » n’est ni un parti, ni des idées, ni même une idéologie, c’est un mouvement unique et personnel qui parait innovant pour les 50 dernières années mais sent le « boulangisme libéral » de la fin du XIXème même avec les techniques de communication de notre siècle.
Résultat : dès 2019, des fissures apparaissent dans la majorité parlementaire présidentielle dont chacun est redevable personnellement d’avoir été élu par le parrainage d’un seul, le président. Le « Délégué Général » de LREM apparait comme le notaire de province de son client star.
Bonjour tristesse pour notre pays qui a toujours été celui des débats politiques les plus dynamiques et qui porte ses valeurs hautement universalistes.
Les citoyens ne sont pas si facétieux en renouvelant en grande partie les élus régionaux et locaux sur la base des « vieilles formations politiques » nationales. Ils n’ont pas accordés de grand soutien à l’étiquette LREM pour les élections régionales et municipales et fort peu pour le scrutin européen.
On pouvait s’attendre à quelques surprises sur la vivacité du « en même temps ». Nous avons donc connu une hyperprésidence souvent stratosphérique mais qui sur le conseil d’auditeurs et conseillers divers ont cultivé avec soin les annonces et mesures paradoxales sans doute à l’écoute de la société du zapping d’aujourd’hui.
Diverses mesures comme la généralisation de la réduction de la vitesse sur les routes à 80km/h, l’absence de toute considération concrète sur les banlieues et la ruralité et la difficulté de logement et de déplacement –et déjà le pouvoir d’achat et l’aménagement du territoire – ont été le terreau du mouvement des gilets jaunes.
Nul doute que cet épisode pouvait créer quelques effrois à l’écoute de certains propos parfois outranciers voire xénophobes et ridicules au sein des ronds-points. Mais traiter par le mépris et la suffisance ce mouvement populaire fut une faute majeure. Cette période mis en lumière la fracture aggravée entre les « insiders » (dans les campagnes et zones suburbaines avec des conditions économiques souvent difficiles) et les « outsiders » voyageurs et nomades des grandes citées souvent CSP+ et ++, et largement hauts-diplômés.
La première tâche du premier français aurait dû être d’écouter et de faire l’effort de comprendre la situation des citoyens protestataires qui n’étaient pas tous des thuriféraires d’extrême droite ou d’extrême gauche mais aussi le révélateur d’un effacement progressif dans les analyses gouvernementales.
Il y eut bien quelques efforts avec le rapport de Jean-Louis Borloo sur les banlieues qui reçut une réponse négative et condescendante du président.
Il n’y aucune surprise sur le mépris que porte E. Macron sur les corps intermédiaires qu’est le mode associatif, les élus locaux et les syndicats de salariés. Sur ces derniers, plusieurs organisations ne ménagèrent pas leurs efforts pour tenter d’expliquer la modernité de l’intermédiation sociale. La CFDT et Laurent Berger alla très loin dans sa stratégie et efforts souvent portés par la nostalgie de la période du quinquennat Hollandais. Sur cela aussi, l’arrogance fut la marque macronienne.
Puis survint le cataclysme sanitaire avec la pandémie de la COVID 19. On reconnaitra avec justesse que le « quoiqu’il en coûte » fut la seule véritable mesure positive et paradoxale devant la doxa libérale. Une mesure « sociale-démocrate » à la réponse urgente de la société française victime comme le monde entier d’un épisode inédit dans l’histoire récente des 80 dernières années. Cet acte exceptionnel est à porter au crédit du président de la république.
Cette décision paradoxale est-t-elle la vraie ou seule marque du dépassement des idéologies ? Ce fut l’unique surprise. Mais rendue possible et admissible par la problématique européenne et planétaire…
Quant aux propos du président Macron (2017/2022), nombreux furent sujets à polémiques fort logiques car souvent marqués par l’arrogance voire le mépris.
Ainsi dès juillet 2017…« Ne pensez pas une seule seconde que si demain vous réussissez vos investissements ou votre start-up, la chose est faite. Non, parce que vous aurez appris dans une gare, et une gare, c'est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien, parce que c'est un lieu où on passe, parce que c'est un lieu qu'on partage », va-t-il dit dans le détail.
Assurément, il n’existe pas des « gens qui ne sont rien » car je répondrais « rien de ce qui est humain ne m’est étranger » selon la formule connue et humaniste. Qui peut-t-il être pour déclarer qu’un autre que lui-même n’est…rien ? Il ne s’agit pas là d’une faute d’expression ou d’un lapsus mais la volonté de ne considérer que celles et ceux qui sont reconnus comme « start-upers » et autres entrepreneurs innovants. A oublier que l’innovation n’est pas qu’économique et qu’elle est par principe humaine, sociale et progressive. Elle est aussi politique dans la volonté de rassembler ce qui n’est pas intégralement incluse dans l’empreinte intellectuelle du président.
Il y eut aussi « je traverse la rue et je vous en trouve du travail » à l’adresse des demandeurs d’emploi notamment les plus jeunes et aussi « on met un pognon de dingue dans les minimas sociaux, les gens ils sont quand même pauvres », « les gaulois réfractaires au changement », « les femmes salariées de chez Gad pour beaucoup illettrées », « le bus pourra bénéficier aux pauvres », « le kwassa-kawassa pêche peu, il ramène du comorien », et d’autres…
En décembre 2021, à l’orée de la prochaine campagne présidentielle, le président fera son méa-culpa ainsi : « Dans certains de mes propos, j’ai blessé des gens », a-t-il admis, en s’engageant à « ne pas le refaire ». « Il y a des mots qui peuvent blesser, et je pense que ce n’est jamais bon, c’est même inacceptable, car le respect fait partie de la vie politique ».
L’échec principal du quiquennat fut sans doute de ne pas avoir réduit la fracture entre les français et illustration concrête, de ne pas avoir réduit l’attrait de l’extrême droite auprès des citoyens.
Doit-t-on voir dans un récent aveu de cet échec personnel une déclaration particulièrement sincère alors que la préférence d’un second tour face à Le Pen lui assure l’assise d’un « front républicain » même s’il sera plus réduit dimanche 24 avril 2022 ?
Emmanuel Macron sera réélu président de la république en ce 24 avril 2022. Mais différents actes et déclarations depuis 2017 l’ont fait participer directement à une forme de « crétinisation du débat politique » pour cette élection présidentielle de 2022.
La grande majorité des français considèrent à juste titre que la campagne présidentielle de 2022 a été médiocre par la participation très réduite du candidat-président sortant dans tous les débats. Cela passera encore cette fois… Mais prendre de tels risques pour sa réélection l’oblige à une véritable écoute de tous les français, y compris « ceux qui ne sont rien » et « les illettrées de Gad » si dans cinq il ne veut pas être l’un des responsables majeurs d’un président ou présidente à l’idéologie illibérale et qui assombrira l’avenir des valeurs républicaines françaises à l’universalisme toujours moderne.
Faudrait-t-il une cohabitation ou une majorité parlementaire très « plurielle » pour réduire les dangers et reconstruire l’unité et la solidarité au sien de notre pays ?
Le pire (et peut-être le meilleur) est-t-il à venir ?
Participons. A construire…
Rémi AUFRERE-PRIVEL
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