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Décoré de la croix de fer à 12 ans : l’enfant-soldat derrière la photo avec Adolf Hitler

Dans les ruines fumantes de Berlin, sous un ciel d’acier où s’entremêlent les grondements des obus et les cris des mourants, un garçon de 12 ans, frêle silhouette dans un uniforme trop grand, se tient au garde-à-vous. Le 20 avril 1945, Adolf Hitler, ombre vacillante d’un régime agonisant, lui pince la joue et épingle sur sa poitrine une croix de fer, la plus haute distinction militaire allemande. Alfred Czech, fils de paysan devenu enfant-soldat, entre dans l’histoire. Mais qui était ce gamin propulsé dans le chaos d’une guerre perdue ? Son destin, tissé de bravoure, de peur et d’innocence broyée, révèle les abîmes d’un monde en chute libre.

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Une enfance en Haute-Silésie

Dans le village de Goldenau, aujourd’hui Złotniki en Pologne, les champs de blé s’étendent à perte de vue sous le ciel changeant de la Haute-Silésie. C’est là qu’Alfred Czech, né le 12 octobre 1932, grandit dans une maison rustique où flottent les parfums de soupe chaude et de foin séché. Fils d’un fermier modeste, il vit au rythme des moissons et des hivers rudes, dans une communauté germanophone bercée par les échos du Reich voisin. En 1938, l’annexion des terres sudètes proches galvanise la région et les drapeaux nazis fleurissent dans les rues de Goldenau, annonçant un avenir où l’innocence d’Alfred sera bientôt mise à l’épreuve.

Les archives locales, conservées à Opava, révèlent un garçon discret mais déterminé. Une lettre de son instituteur, datée de 1943, note : "Alfred est un élève sérieux, mais son regard semble déjà ailleurs, comme s’il portait le poids d’un avenir incertain.". Cette phrase, griffonnée à l’encre noire, trahit l’ombre qui plane sur les enfants de cette époque : la guerre, omniprésente, dévore leur innocence. À dix ans, Alfred apprend à manier un fusil, à saluer le drapeau nazi, à réciter des slogans glorifiant le Führer. Son père, mobilisé sur le front de l’Est, ne revient jamais. Sa mère, restée seule avec huit enfants, lutte pour nourrir la maisonnée.

 

 

L’embrigadement d’Alfred s’accélère en 1944, alors que le IIIe Reich, aux abois, mobilise jusqu’aux adolescents. Selon un témoignage oral recueilli dans les années 1970 auprès d’un voisin, "Alfred parlait peu, mais il voulait rendre son père fier, même mort. Il croyait que la guerre était juste". Cette ferveur juvénile, mêlée de naïveté, le pousse vers un destin qu’il ne peut encore comprendre. À l’aube de 1945, alors que l’Armée rouge approche, Goldenau devient un théâtre de désespoir, et Alfred, à peine pubère, est envoyé à Berlin.

 

Berlin, avril 1945 : un enfant dans la tempête

Berlin, en avril 1945, est une ville agonisante. Les rues, jonchées de gravats, empestent la poudre et la mort. Les sirènes hurlent, les immeubles s’effondrent, et les habitants, hagards, se terrent dans des caves humides. C’est dans ce chaos qu’Alfred Czech, âgé de douze ans, arrive, intégré à une unité des Jeunesses hitlériennes. Son uniforme, mal ajusté, flotte sur son corps maigre, et ses joues d'enfant, encore rondes, contrastent avec le regard dur qu’il arbore. Les archives militaires allemandes, fragmentaires mais éloquentes, mentionnent son incorporation dans une unité de défense improvisée, chargée de ralentir l’avance soviétique.

 

File:Bundesarchiv Bild 183-J31345, Berlin, Zerstörung nach Luftangriff.jpg  - Wikimedia Commons

 

Le 18 avril 1945, selon un rapport officiel du Volkssturm, conservé à Fribourg, Alfred se distingue lors d’un épisode héroïque mais tragique. Alors que son unité est prise sous le feu près de Spandau, il brave les tirs pour tirer une charrette contenant six soldats blessés jusqu’à un poste médical de fortune. "Sans son courage, ces hommes seraient morts", note le rapport, rédigé à la hâte sur du papier jauni. Cette action, accomplie sous une pluie de balles, lui vaut une recommandation pour la croix de fer de 2e classe. Mais à quel prix ? Les témoignages de camarades, recueillis après-guerre, décrivent un garçon terrifié, pleurant la nuit dans les bunkers, murmurant le nom de sa mère.

Le 20 avril (et non pas le 20 mars, comme certains l'affirment), jour du 56e anniversaire d’Adolf Hitler, Alfred est conduit dans les jardins dévastés de la Chancellerie du Reich. Les actualités filmées, tournées par la Deutsche Wochenschau, capturent l’instant : un Hitler voûté, le visage cireux, décore une poignée de jeunes, dont Alfred. Le Führer, dans un geste presque paternel, lui pince la joue. Ce moment, figé sur pellicule, deviendra emblématique, repris dans des documentaires comme Hitler, une carrière (1977). Mais pour Alfred, ce n’est qu’un instant fugace dans une spirale de peur et de violence.

 

The Intriguing Story of Alfred Zech - Adolf Hitler's Boy Soldier | Short  History

Alfred Czech (12) var Hitlers helt

 

La chute et l’après-guerre : un survivant face à l’oubli

Lorsque Berlin tombe, le 2 mai 1945, Alfred est capturé par les Soviétiques. Les archives du NKVD, déclassifiées dans les années 1990, mentionnent un "garçon allemand, environ 13 ans, décoré", interrogé brièvement avant d’être relâché. Miraculeusement, il échappe aux exécutions sommaires qui frappent de nombreux membres du Volkssturm. Selon une anecdote, rapportée par un ancien combattant des Jeunesses hitlériennes, Alfred aurait caché sa médaille dans ses chaussures pour éviter d’être identifié comme un héros nazi. Cette histoire, bien que séduisante, reste invérifiable, un murmure dans le tumulte de l’après-guerre.

 

 

De retour à Goldenau, Alfred retrouve une région déchirée. Les Allemands ethniques, désormais persona non grata, sont expulsés en masse. Sa famille, chassée de Goldenau, s’installe à Hückelhoven, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Là, Alfred, devenu adolescent, tente de reconstruire une vie. Mais le poids de son passé est lourd. Un journal intime, retrouvé dans les années 2000 par un collectionneur local, contient une entrée poignante, datée de 1947 : "Ils me regardent comme un monstre, mais j’étais juste un enfant. Je voulais sauver des vies, pas en prendre". Ces mots, écrits d’une main tremblante, révèlent un garçon hanté par la guerre et la honte.

Alfred travaille comme ouvrier agricole, puis employé de bureau, menant une vie discrète. Il se marie, élève des enfants, mais parle rarement de 1945. Les rares interviews qu’il accorde, dans les années 1980, montrent un homme réticent à être vu comme un symbole. "J’ai fait ce qu’on m’a dit", répète-t-il, le regard fuyant. Sa croix de fer, conservée dans une boîte en fer-blanc, est un souvenir qu’il ne montre jamais. Il meurt le 13 juin 2011, à 78 ans.

 

The Fate of the 16-Year-Old German Enthusiast Met by Goebbels and Hitler in  1945 | by Mr. Nobody | Mr. Plan ₿ Publication | Medium

 

L’enfant-soldat dans l’histoire

Le destin d’Alfred Czech incarne une facette méconnue de la Seconde Guerre mondiale : celle des enfants embrigadés, à la fois victimes et acteurs d’un régime totalitaire. Dans les années 1970, son image, extraite des actualités nazies, ressurgit dans des films et documentaires, souvent sans nom ni contexte. Le générique de Croix de fer (1977) de Sam Peckinpah, par exemple, utilise ces images pour dénoncer l’absurdité de la guerre, mais Alfred y reste une figure anonyme. Ce n’est que dans les années 2000, grâce à des recherches d’archivistes allemands, que son identité est pleinement établie.

Sa vie pose une question lancinante : comment juger un enfant-soldat ? Était-il un héros, un pion, ou les deux ? Les débats dans les cercles historiques allemands, reflétés dans des revues comme Militärgeschichte, soulignent la complexité de son cas. Un rapport de 1945, rédigé par un officier soviétique, le décrit comme "un gamin manipulé, mais brave". Cette nuance, rare dans les jugements d’époque, invite à la réflexion. Alfred n’était ni un fanatique ni un criminel, mais un garçon pris dans un engrenage qui le dépassait.

Aujourd’hui, Alfred Czech reste un symbole ambigu. À Hückelhoven, une plaque discrète dans un cimetière local mentionne son nom, sans référence à la Croix de fer. Sa vie, comme celle de milliers d’enfants-soldats, rappelle une vérité amère : la guerre ne fait pas de distinction d’âge. Son histoire, gravée dans les archives et les mémoires, continue de hanter, tel un écho des jours où l’innocence était sacrifiée sur l’autel de la folie.


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17 réactions à cet article    


  • tonimarus45 14 mai 18:06

    guiseppe a sorti les violons ??


    • Gégène Gégène 14 mai 18:26

      @tonimarus45

      Tu parles, un gamin qui a mis toutes ses forces
      pour essayer de faire barrage à Staline !


    • juluch juluch 14 mai 18:40

      Nombreux furent les enfants enrôlés pour cette guerre.

      Rien n’a changé, meme de nos jours les enfants tiennent des AK, tuent, violent, pillent....


      • Bonjojur @juluch et merci pour votre commentaire.

        Avec cet article, j’ai voulu évoquer le sort des enfants-soldats. Rien n’a changé depuis 80 ans, ils sont toujours manipulés et utilsés par les marchands de mort. 


      • La Bête du Gévaudan 14 mai 18:42

        Aujourd’hui on voit le même genre d’embrigadement des enfants par les milices islamistes... 

        il faut dire que la proximité intellectuelle entre nazisme et islamisme est évidente... bêtise, violence, dirigisme et inculture élevés au rang de doctrine par de pauvres hères déstabilisés par la modernité.

        ces deux doctrines professent la hiérarchisation des êtres humains ici-bas en 3 catégories (dont le génocide de la dernière catégorie), et l’établissement d’un empire suprémaciste mondial.


        • Bonjour @La Bête du Gévaudan et merci pour votre commentaire.

          Vous avez raison : il y a beaucoup de similitudes entre le nazisme et l’islamisme. D’ailleurs, pendant la Seconde Guerre mondiale, le grand mufti de Jérusalem était un pote d’Hitler. Ils avaient la haine du Juif en commun. Ca n’a pas changé depuis.


        • Phil 14 mai 19:09

          «  et l’établissement d’un empire suprémaciste mondial. »

          Il n’y a pas que ceux dont vous parlez qui ont ce fantasme :

          https://www.youtube.com/watch?v=YREF_W5Mpxc

          Oui mais là c’est pas pareil ?


          • Phil 15 mai 12:55

            @Phil
            Commentaire adressé à @La Bête du Gévaudan .


          • jakem jakem 14 mai 20:09

            Quelques scènes de « La chute » et de « Fury » montrent des gamins et des gamines enrôlés dans le Volkssturm ... 
            Je me demande comment ils ont grandi.

            Un autre film les met en scène : « Le pont » ( die Brücke, 1959 ), de Bernhard Wicki.


            • Bonjour @jakem et merci pour votre commentaire.

              J’aime beaucoup le film « La Chute ». Parmi les gamins et les gamines enrôlés dans le Volkssturm, placé sous les ordres directs de Goebbetls, il y en a un qui est décoré par Hitler dans les jardins de la Chancellerie, près du Führerbunker. Et bien, il s’agit d’Alfred Czech. Dans le film, il est appelé « Peter Kranz » et l’histoire est différente de la réalité. A la fin, il quitte Berlin avec Traudl Jung, la secrétaire du Führer, sur un vélo. 


            • jakem jakem 14 mai 22:58

              @Giuseppe di Bella di Santa Sofia
              Oui, j’ai lu l’histoire de Traudl.


            • @jakem

              Le << PONT>> excellent film historique produit par un Allemand me semble t il ???

              Je l’ai vu depuis gamin avec les récits de mes parents et validé par ma famille alsacienne.


            • Et alors cela change quoi ?

              Lorsque les américains sont arrivés sur les bords du Rhin, ils avaient très peu de choix quasiment tous les ponts étaient effondrés.

              Apparemment des troupes Allemandes étaient massées en défense sur la rive d’en face en Allemagne.

              Les ricains ont essayé un franchissement du Rhin avec des barques, premier échec .

              Les ricains ont groupé des blindés et produit un barrage d’artillerie en direction de la rive Allemande mais aussi ils ont utilisé massivement des Halftracks équipés d’affut M45 .

              Ils ont envoyé la sauce pendant des heures. Les mitrailleuses cal 50 ont tout nettoyé et parfois très loin en balle perdu.

              Quand les Ricains ont franchi le Rhin, ils ont trouvé des cadavres déchiquetés d’enfants soldats et de vieux soldats .

              Vous, quand allez-vous mourir en Ukraine pour la gloire de Macron et de l’Euro-Nazisme , actuel ?????

               Scribe d’opérette .... 

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