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Deep state : de Khashoggi à Pujadas

 Comment dominer le Monde ? Comment ressentir cette ivresse qui vous prend quand vous pensez avoir le pouvoir ?

 Jamal Khashoggi est né le 13 octobre 1958 à Médine dans une famille saoudienne intimement liée à la famille royale. Son grand-père, était d’ailleurs le médecin personnel du roi Ibn Saoud, le fondateur du royaume. À la fin des années 1970, il soutient la résistance afghane contre les Soviétiques. Il se pose alors en musulman conservateur. Il réalise alors ses premières interviews d'Oussama ben Laden avec lequel il aura des relations personnelles par la suite. Il étudie par après aux États-Unis puis, de retour en Arabie saoudite, il rejoint les Frères musulmans. Sa véritable carrière de journaliste débute dans différents journaux saoudiens avant d'être nommé rédacteur en chef de ‘Al Madina’, en 1992 puis devenir rédacteur en chef adjoint de ‘Arab News’.

 Dans les années 1990, il est chargé de contacter Oussama ben Laden pour le persuader de renoncer à la clandestinité et de rentrer au pays, sans succès. Avec le temps, Khashoggi se fait le promoteur de la démocratie dans le monde arabe en critiquant les pouvoirs corrompus et en plaidant pour un accroissement de la participation politique de tous, y compris au sein des monarchies du Golfe. En 2003, il est brièvement nommé rédacteur en chef du journal Al-Watan mais, jugé trop progressiste, il en est licencié par le ministre saoudien de l'Information. En 2007, il est à nouveau nommé à la tête de la rédaction de Al-Watan mais il doit le quitter en 2010 pour avoir critiqué des mouvements Salafistes. Il collabore aussi à différents médias internationaux comme spécialiste du Proche-Orient. Demeuré lié aux Frères musulmans, Jamal Khashoggi soutient en 2011 les printemps arabes en jouant la carte de l'islam politique. En décembre 2016, Khashoggi est puni par son propre pays pour avoir ouvertement critiqué Donald Trump et il lui est interdit d'exercer son métier. En 2017, il s'exile aux États-Unis, où il tient une chronique au Washington Post. Il s'oppose alors de plus en plus ouvertement au prince héritier, Mohammed ben Salmane (MBS).

 Jamal Khashoggi s’oppose donc à MBS, la réponse apportée par celui-ci relève de la barbarie antique. Caligula dès le début de notre ère, après avoir poignardé un sénateur, sans le tuer, lui aurait fait énucléer les yeux, puis arracher les organes à l’aide d’une pince, et puis finalement, il l’aurait fait couper en deux. C’est à peu près ce qui arriva à M. Jamal Khashoggi. Le journaliste a été torturé puis démembré vif à l’intérieur du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul auprès duquel il souhaitait obtenir un document nécessaire à son remariage. C’est la partie certaine du récit, mais il est aussi probable qu’il ait eu les doigts coupés avant d’être décapité.

 David Pujadas est né le 2 décembre 1964 à Barcelone. Reporter et présentateur de journal au sein du groupe TF1 de 1989 à 2001, il arrive ensuite à France Télévisions et devient jusqu’en juin 2017, le présentateur du journal de 20 heures de France 2. En mai 2017, il est écarté, à la surprise générale, du journal par Delphine Ernotte. On a regretté à la Présidence de France Télévisions : « On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va falloir que ça change ». Les nouveaux critères d’évaluation des compétences l’accablaient. Il restera cependant dans le groupe France Télévisions en tant qu'animateur d’émissions politiques. Depuis le 28 août 2017, il présente sur LCI l'émission ‘24h Pujadas’ et le magazine ‘l’info en questions’.

 D. Pujadas n’a pas subi le sort de J. Khashoggi, loin s’en faut. Le système dans lequel il évolue n’a rien de commun avec les mœurs archaïques où évoluaient ce dernier, cependant dans les deux cas une certaine élite se battait pour le pouvoir. M. Pujadas fait d’ailleurs lui-même partie d’une nébuleuse élitiste que l’on peut appeler ‘intelligence collective’ qui décide non pas de tout mais de l’essentiel et qui transforme les événements en images destinées à la multitude. Le pouvoir quel qu’il soit se doit de désigner clairement qui sont ses ennemis, les amis seront ceux qui lutteront avec lui sans même qu’on est besoin de leur demander. 

 D. Pujadas est membre d’un club d’ ‘influenceurs’ Le Siècle regroupant des dirigeants de tous les milieux, politiques, économiques, culturels ou médiatiques. En particulier, la plupart des Inspecteurs généraux des finances en sont membres. Au 1er janvier 2011, Le Siècle comptait 751 membres et 159 invités en attente d’une décision pour leur admission. Des personnalités diverses et d’horizons très différents font partie de cette association : Thierry Breton (ancien ministre), Pascal Lamy ( Directeur de l’OMC), Alain Minc ( Président d’une société concessionnaire d'autoroutes), Christian Noyer (ancien Gouverneur de la Banque de France), Dominique Strauss-Kahn (ex-directeur général du FMI), Jean-Claude Trichet (ancien Président de la Banque Centrale Européenne), Jacques Attali (Conseiller d’État), Bernard Pivot, François Bayrou (ancien ministre), Jean-Pierre Chevènement (ancien ministre), Rachida Dati (ancienne ministre), François Hollande (ancien Président de la République), Nicolas Sarkozy (ancien Président de la République), Emmanuel Macron (Président de la République), Lionel Jospin (ancien Premier ministre), Alain Juppé (ancien Premier ministre), Jack Lang (ex-ministre)…

 D. Pujadas, aux côtés de Serge July, Arlette Chabot, Jean-Marie Colombani, Michèle Cotta, Alain Duhamel, Laurent Joffrin, Patrick Poivre d'Arvor, Anne Sinclair et quelques autres journalistes, est au contact des personnalités les plus éminentes pour constituer un club de réflexion et d’influence transpartisan.

 Les époques antérieures ont vécu des fascismes incarnés, un leader, un führer ‘charismatique’ était mis sur le devant de la scène et tout était sensé venir de lui. Cependant, le fascisme n’a jamais été hors sol et une large fraction de la société le soutenait et l’animait. Cette incarnation a été jugée de nos jours inutile et contreproductive. Une élite mondialisée et connectée n’a pas jugé nécessaire de remettre sa destinée entre les mains d’un Homme. L’élite, une ‘intelligence collective’ donc, a un but, sauver le Monde, sauver leur monde. Les ennemis que ‘l’intelligence collective’ veut terrasser sont ceux qui la critique, ceux qui ne sont pas féministes, libéraux et un peu écologistes. ‘L’intelligence collective’ n’est pas de gauche ou de droite, la notion même de politique lui est insupportable. Elle n’est pas ‘ailleurs’ non plus, elle est partout, partout où l’on peut instiller des messages.

 La néo-propagande se veut invisible, incolore, inodore et sans saveur. Elle doit être infusée avec lenteur mais inéluctablement comme les saveurs de thé sortent du sachet sans pouvoir y retourner. Elle ne souhaite pas prévenir un type de comportement, elle a pour but de changer l’âme des masses, de la transmuter. Elle souhaite supprimer toutes les vérités, toute croyance, toute recherche, pour ne plus laisser place qu’à leurs certitudes. Bien loin d’ériger un Duce en modèle, c’est le système, c’est l’élite qui le sert, qu’il importe d’idolâtrer. La teinture idéologique est celle tout à la fois de Dati, Attali, Macron, Jospin, Sarkozy… idéologie commune dans laquelle ils baignent bien au-delà des égratignures qu’ils s’infligent sur les plateaux TV. Ils pensent tous que les décisions politiques à prendre sont trop délicates pour pouvoir les confier au peuple. Lors de la constitution de 1791, malgré son caractère révolutionnaire, la bourgeoisie avait déjà séparé les citoyens actifs (les plus fortunés) des citoyens passifs (les autres). La propagande va donc uniquement consister à ‘occuper’ les citoyens passifs pour qu’ils fassent tout sauf ce qui peut les sauver : s’unir.

 Les actualités télévisées ne représentent qu’un infime maillon dans une immense chaîne qui permet d’entraver les esprits, mais elle est représentative des autres moyens : il faut noyer le bon sens, l’esprit critique dans une mer de sarcasmes. Les pauvres ne doivent plus devenir que des populistes, des racistes, des machistes, des suprématistes, des antisémites, des islamophobes, des homophobes… Ceci permet de ne pas entendre ce qu’ils disent. D’ailleurs, les mots qu’ils choisissent ne sont pas ceux, plus précieux, qui conviendraient. On ne cherche pas à les comprendre, juste à les mépriser.

 M. ben Salmane fait partie de ces fous du passé qui tendent malgré tout à disparaître, l’avenir du despotisme réside dans cette sorte de matière grise dont M. Pujadas est un des neurones avec quelques dizaines ou quelques centaines de milliers d’autres dans le Monde.

 


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9 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 21 novembre 2020 16:07

    A propose du « Siècle », il ne me semble pas avoir aperçu dans l’article le nom de Nicolle Notat qui a été secrétaire générale du syndicat CFDT de 1992 à 2002, avant d’être PDG de Vigeo jusqu’en 2020, mais surtout la première femme à présider le club d’influence Le Siècle du 1.1.2011 au 31.12.2013.

    On peut appeler ça « état profond », pourquoi pas ?

    On peut aussi appeler ça « entrisme » ou « corruption » selon l’angle d’observation que l’on choisit.

    Tiens, à propos d’« état profond », vous connaissez Soros ? Avec lui, au moins on n’a pas besoin de fouiller : il étale son emprise et s’en délecte.


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 21 novembre 2020 16:40

      @Séraphin Lampion
      J’ai dû c’est vrai sélectionner les noms les plus frappants, Mme Notat devrait être de ceux-ci. Désolé !
      Je connais (un peu) M. Soros.


    • popov 23 novembre 2020 08:25

      @Séraphin Lampion

      Votre lien « Soros » ne fonctionne pas.


    • Fanny 21 novembre 2020 21:35

      Papier à la fois stimulant, suscitant la réflexion, et un peu décourageant par le manque de perspective positive.

      Que nous apprend-t-il ? Qu’il y a dans toute société des dominants qui recherchent le consentement de la masse.

      Que ce consentement est obtenu par divers moyens qui évoluent avec le temps (et sans doute les circonstances)

      Ainsi, il y eut Caligula, le Duce, et voici Pujadas et sa bande du Siècle. Sans oublier MBS, un original en décalage de 20 siècles.

      Au-delà de ces constats assez banals, l’intérêt de l’article est de souligner le mépris des dominants actuels pour la masse. Ils n’auraient qu’un seul but : constituer un Etat profond pour durer au pouvoir et vivre dans l’entre-soi. Mais une allusion à notre Révolution indique que cette séparation élites/masse (et le mépris qui va avec ?) n’est pas nouvelle.

      Cette séparation, théorisée par K.Marx, est-elle de tous temps, est-elle toujours de nature semblable : forte pression des dominants sur les dominés, recherche du consentement, mépris (y compris sous les régimes communistes, disparus ou actuels) ?

      S’y ajoute, du moins en France, la séparation entre cultures (religions) distinctes formées au cours des siècles sur des continents différents, du fait de l’immigration. Cette séparation est-elle tout aussi irréductible ?

      On serait tenté de répondre par l’affirmative, qu’il y aura toujours une classe dominante en recherche de consentement. Que les moyens mis en œuvre pour perpétuer la domination sur la masse sont plus ou moins supportables (Pujadas and Co pas trop désagréables, parfois méprisables dans leur prétention à dominer sans réelle qualité morale ou spirituelle. Ce soft power ne suscite pas vraiment l’envie et l’admiration).

      Et d’ajouter que la vraie question, qui détermine le reste, est civilisationnelle : à quelle civilisation appartient la société en question, à quel stade de développement (ascendant, décadent), une religion y est-elle majoritaire, deux ou plusieurs civilisations (religions) y sont-elles en concurrence ?

      Les réponses à ces questions déterminent la nature de la relation dominants/dominés. Il me semble qu’une grande religion structurante, fondement d’une civilisation, a un effet plutôt positif sur cette relation.

      De ce point de vue, où en sommes-nous en France ?

      Une religion, la catholique, en déclin. Une autre, l’islam, ascendante. Une culture en voie d’effacement (Céline, Proust, Gide, Mauriac ... Brassens, Brel, Aznavour, Ferré, Gainsbourg, Bécaud ... remplacés par ??? Houellebecq ?), une élite regardant vers le grand large, un peuple déstabilisé, et inquiet.

      La suite est imprévisible.


       

       

       

       

       

       


      • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 22 novembre 2020 05:54

        Je vous accorde qu’il n’est pas trop original de souligner que les dominants veuillent dominer. Les moyens pour ce faire sont toutefois techniquement nouveaux, mais pas leur morale qui se confond comme toujours avec leurs intérêts propres.

        La suite peut s’imaginer assez facilement. L’occident dit démocratique sera sous le joug du parti communiste chinois si celui-ci ne succombe pas auparavant à nos charmes (féminisme, écologie, consommation). Le rival le plus sérieux par la suite viendra d’Afrique et sera lui pleinement religieux.


      • Ausir 22 novembre 2020 11:01

        @Fanny
        l’intérêt de l’article est de souligner le mépris des dominants actuels pour la masse. Ils n’auraient qu’un seul but : constituer un Etat profond pour durer au pouvoir et vivre dans l’entre-soi. Mais une allusion à notre Révolution indique que cette séparation élites/masse (et le mépris qui va avec ?) n’est pas nouvelle.

        Les dominants actuels ne sont pas la véritable élite qui devrait être sage , éclairé , altruiste , tout ce qu’on demandait à un roi et ses ministres dans les temps anciens , qui tiraient leur pouvoir du divin , c’était l’esprit qui les guidait et non pas l’égo .

        A partir du moment ou on décapite les rois et qu’on déclare qu’il n’y a plus de Dieu , il n’y a plus de morale , de bien et de mal , de qualités morales , tout se vaut , tout est égal , il n’y a plus de gens sages ni éclairés, mais que les plus les plus malins et oportunistes avides d’argent et peu évolués spirituellement , et non les plus altruistes , les plus sages, lEs plus évolués qui vont acceder au pouvoir .La véritable élite est écartée .

        C’est l’athéisme et la disparition de la prise de conscience des hiérarchies humaines (qui existe dans la réalité :élite et masse , les gens sont hiérarchisés ) , la non conscience de ce qui est bien et ce qui est mal qui est responsable du déclin :il y a bien un élite et une masse dans la réalité mais dans une civilisation basée sur une religion, l’élite doit prendre soin de la masse comme un père de famille prend soin de ses enfants .Le mépris envers les mases est bien plus important actuellement que du temps des rois , la manipulation et propagande est totale .

        Les religions sont actuellement toutes dégénérées dans leur message , elles sont des coques vides , le message d’origine a été perdu , aucune civilisation viable ne pourra jamais se construire sur ce qu’il en reste .
        Ne reste que la redécouverte de la transcendance , que le divin existe , que l’homme est relié à la nature , qu’il n’est que de passage sur terre et qu’il peut y avoir une vie après la mort .

      • Fanny 22 novembre 2020 11:30

        @Jacques-Robert SIMON

        Le modèle et la dominance US, c’est fini ? Possible, bien que les Gafa soient encore écrasants et que la bande à Pujadas au Siècle soit encore sous le charme (le Siècle se réunit sous les antennes de l’ambassade US place de la Concorde, l’ambassade où sont sélectionnés nos young leaders, futurs membres du Siècle).

        Les Chinois ? Une langue « barbare » qu’on n’assimilera jamais. Confucianisme, bouddhisme, taoïsme nous sont étrangers. Tout comme leur musique. Notre élite ne sera pas sous le charme. Ils vont tenter de nous étrangler, technologiquement et financièrement. Je vois mal comment résister, sauf à s’allier avec l’Afrique.

        L’Afrique ? Ils parlent Français, Anglais (et Arabe), c’est déjà ça et c’est important. Ils sont chrétiens et musulmans, comme nous sommes en train de le devenir. On a une histoire, un passé en commun (ceux qui prétendent que la colonisation ne fut qu’un « crime contre l’humanité » sont un peu dérangés). Notre pays est le plus africain parmi les européens. Une néo-franceafrique entraînant l’Europe face à la Chine ? On a le droit de rêver.

        Mais tout dépendra de notre élite. Soit elle poursuit sa route dans cet esprit néo-pétainiste qui la caractérise depuis la présidence de celui qui avait été décoré de la francisque, soit elle retrouve ses racines vieilles de 1000 ans, le lien avec son peuple, et repart à l’assaut du monde avec sa langue, sa culture et son histoire.


      • Fanny 22 novembre 2020 12:29

        @Ausir


        Il y a les impuissants sexuels, comme ce Jonathann qui a résolu son problème en supprimant sa femme.

        Et il y a les impuissants spirituels, tels les communistes russes qui ont résolu leur problème en supprimant l’élite de leur pays et son bras spirituel.

        Les laïcards droitdelhommistes juridicialistes ont hérité de cette impuissance spirituelle. L’Histoire leur réserve sans doute ses poubelles.

        « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas » (attribué à Malaraux : « On m’a fait dire que le XXIe siècle sera religieux. Je n’ai jamais dit cela, bien entendu, car je n’en sais rien. Ce que je dis est plus incertain. Je n’exclus pas la possibilité d’un événement spirituel à l’échelle planétaire ».


      • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 22 novembre 2020 16:17

        @Fanny
        Votre programme est séduisant et dans un autre article je souhaitais promouvoir les industries du soleil au Maghreb, ce qui va dans votre sens.

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