Est-ce que vous condamnez la violence ?
Alors, oui, ça y est, la violence policière devient un sujet politiquement correct, ça y est la presse peut enfin en parler et les gouvernants eux-mêmes ne peuvent plus éviter les questionsi...
Mais au delà de la question immédiate des violences opposées aux gilets jaunes, il y a celle de la légitimité de l'action policière, de son utilisation par le pouvoir, par les pouvoirs, de sa réelle fonction.
Jusqu'où peut-on tolérer qu'au pays « des droits de l'homme », une répression et l'attirail judiciaire qui la légalise permette de punir pour des actes potentiels et putatifs, de blesser ou de tuer au hasard dans une foule au motif que s'y dissimuleraient des individus violents ? Ferait-on tirer dans une foule sortant des Galeries Lafayette au motif qu'il s'y dissimulerait des gangsters ayant mis à sac le rayon des i-phones ?
Jusqu'où peut-on oublier qu'à supposer même que nous soyons dans la plus belle démocratie du monde dirigée par les gouvernants les plus humanistes, l'attirail policier et juridique qu'ils sont en train de construire pourrait fort bien tomber en d'autres mains... risque plausible puisque chaque échéance politique se bâtit sur la menace d'une arrivée de l'extrême droite au pouvoir.
La vraie question qui se pose après les épisodes récents et la réaction policière du gouvernement est la suivante : quel « trouble à l'ordre public » justifie donc de blesser, voire de tuer, et qui exactement justifie-t-il de tuer ou de blesser ?
La vraie question est : quelle vitrine de magasin, quel abribus ou quelle voiture brûlée valent donc l’œil ou la main d'un manifestant, d'un manifestant possiblement innocent, d'un passant accidentel ou d'un curieux ? Valent-ils la mort d'une vieille dame à sa fenêtre. ?
Le concept d' « ordre public » fourre-tout bien commode est de toute évidence totalement flou et permet tout et n'importe quoi.
Les désordres créés par les puissants ne font jamais partie de « l'ordre public », et l'on n'a jamais vu flashballer les agents financiers qui déclenchent des crises catastrophiques en étant parfaitement conscients des risques qu'ils font prendre à l'ensemble du monde.
L'un des arguments souvent avancés, d'une hypocrisie insupportable, est celui de la « protection des manifestants eux-mêmes ». Sous-entendu des « Bons manifestants », qui sont aux vilains ce que les « Bons chasseurs » des inconnus étaient aux « Mauvais chasseurs ».
Je n'ai personnellement jamais perdu d'ami assassiné par un truand, ni par un terroriste, ni par un manifestant, mais Vital Michallon était un de mes amis, et il fut tué par l'une de ces grenades auxquelles s'accroche encore le ministère de l'intérieur ; c'était lors de la manifestation contre le surrégénérateur de Malville en juillet 1977. Abandonné peu d'années après... Vital n'aurait jamais agressé un insecte, et il avait 30 ans.
Ma propre épouse, musardant des les boutiques du centre-ville de notre ville de province avec une amie, vit passer à un mètre de sa tête, à hauteur de femme, un « cylindre d'acier gros comme une bouteille », (grenade lacrymogène, NDLR) susceptible de lui fracasser le crâne. La manifestation ainsi réprimée était si violente, et l'ordre public tellement menacé, qu'elle et l'amie qui l'accompagnait ne l'avaient pas même remarquée, pas davantage qu'elles n'avaient entendu de sommations.
Quid alors de la légitime défense ?
Voici encore l'un des arguments clés de M. Castaner. Mais.
Y a-t-il un seul des blessés aujourd'hui plaignants qui fut en position d'agresser dangereusement un policier ? Y a-t-il même un seul agresseur de policier à mains nue qui fut en position de blesser un policier casqué, bardé, entraîné ?
Si nombre de vidéos ont montré des fonctionnaires assermentés, professionnels et entraînés tabasser quelque manifestant en blue-jeans et baskets, parfois seul au milieu de plusieurs « forces de l'ordre », le seul cas ayant montré un policier tabassé s'est achevé par sa défense par un autre manifestant, et a surtout illustré l'inutilité de l'attirail guerrier et la dangerosité de la stratégie adoptée dans ce cas.
Il faut ajouter à cela la responsabilité de stratégies désormais partout dénoncées, celle de la « nasse » en particulier, génératrice d'affolement et de provocation.
Est-ce bien le but de cette répression ?
Le maintien de l'ordre public est-il bien le but, ou s'agit-il seulement pour le gouvernement de faire blesser gravement et définitivement afin de faire peur et de pouvoir ainsi afficher des chiffres de mobilisation à la baisse ?
Deux parallèles s'imposent ici, même si bien entendu le contexte, le degré de violence, les enjeux sont différents : la stratégie de l'armée israélienne à Gaza et les aveux hallucinants de Mme Alliot-Marie devant l'assemblée lors des débuts de la « révolution tunisienne ».
Dans ces deux cas, sous couvert de sécurité et d'ordre public il s'agit de mettre toutes les forces de police et leur attirail au service de la répression d'une expression populaire face à l'injustice.
Dans les deux cas, sous couvert de maintien de l'ordre, il s'agit de faire peur dans l'espoir de freiner la volonté de résistance.
Reste à rappeler que le facteur essentiel des violences injustifiées réside dans les consignes implicites (au delà du discours de convenance tenu face aux caméras), qui peuvent être données aux « forces de l'ordre ». Il n'est que de comparer le maintien de l'ordre par le préfet M. Grimaud en mai 68 avec le « massacre » d'octobre 1961 sous la préfecture de M. Papon.
On connaît aujourd'hui (ou on le devrait), la lettre très claire qu'adressa Maurice Grimaud aux forces de police en mai 68. On sait aussi, cela a été montré par nombre d'enquêtes, que sous la responsabilité de M. Papon, les mêmes forces de police reçurent des consignes laissant entendre qu'il pouvait être inévitable qu'il y eût quelques bavures lors de la répression de la manifestation du FLN à Paris le 17 octobre 1961. Manifestation voulue pacifique par le FLN, et mobilisant femmes et enfants... On connaît la suite.
iVoir par exemple : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-bal-des-faux-culs-211769
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