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Accueil du site > Tribune Libre > Gergovie et son temple à Corent ? Certainement pas !

Gergovie et son temple à Corent ? Certainement pas !

C’est en effet l’étonnante hypothèse de l’archéologue Matthieu Poux, responsable de l’important chantier de fouilles de Corent, en Auvergne…. Et, quelle audace, il envisage y mettre également la Nemosos de Strabon que, jusqu’ici, la tradition identifiait à Augnemetum, Clermont-Ferrand !!!

Suivant cette hypothèse, et sauf mauvaise interprétation de ma part, la capitale du peuple arverne, Gergovie, se situerait sur le plateau de Corent. Elle aurait été entourée d’un ensemble d'oppidum qui s'étendaient à plusieurs kilomètres de là (plateau de Merdogne, Gondole …). Tout cet ensemble aurait pu être la métropole "Nemosos" que Strabon situe sur la Loire (l’Allier, erreur de Strabon ?).

Ceci n’est qu’un résumé condensé, mais si l’on veut s’immerger dans la pensée complexe de Vincent Guichard au risque de perdre son latin, qu’on se reporte à Wikipédia ! http://fr.wikipedia.org/wiki/Nemossos

Hélas ! Trois fois hélas ! La fantasmagorie des archéologues n'a pas de limite, mais elle ne résiste ni aux textes, ni à la logique militaire.

César nous a donné une description très précise de la ville et de l’oppidum de Gergovie, sur une haute montagne. J’en ai donné la traduction exacte, ce qui m’a amené à situer la capitale arverne au Crest. Je n’y reviens pas. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/gergovie-des-textes-irrefutables-28410

Voyons maintenant ce qu’a vraiment écrit Strabon. 

Il dit, en effet, que Nemosos est une métropole, mais Diodore de Sicile le dit également pour Alésia, et ceci signifie qu’il ne faut pas donner à ce mot le sens qu’il a aujourd’hui… exit la thèse du grand ensemble de Matthieu Poux et de Vincent Guichard ; exit le mythe complètement irréaliste d’une capitale éclatée et qui – ô imagination ! – se serait déplacée suivant les époques.

Strabon dit aussi que Nemosos se trouve sur l’Allier, mais la plupart des auteurs de cette époque ont désigné ainsi les localités, sans se soucier si elles étaient sur la rive ou plus loin… exit l‘argument Gondole qui ferait s'étendre Gergovie jusqu'à l'Allier.

Maintenant, quel sens étymologique faut-il donner au mot Nemosos ? MM Vincent Guichard et Matthieu Poux, me semble-t-il, veulent y voir la désignation d’un temple ou d’un complexe religieux. Non ! La bonne traduction est « sanctuaire » et cela ne désigne aucunement un complexe religieux, mais la capitale métropole elle-même, dans son unité et sa totalité (ville et oppidum). Augnemetum, de même qu’Augustodunum, désignent des capitales/sanctuaires et beaucoup de mots latins commençant par "nem" désignent des fleuves et des forêts dont on sait qu’ils étaient sacrés… exit l’argument temple/nemesos s’appuyant sur les vestiges mis au jour récemment à Corent.

Mais allons encore plus loin au sujet de la découverte de ce temple à Corent qui, selon Matthieu Poux, remettrait tout en question.

Grégoire de Tours, dans son Histoire des Francs, nous a donné, au VI ème siècle, un texte étonnant et mystérieux concernant le sanctuaire de Vasso Galate que le Franc Chrorus aurait détruit… un temple, dit-on, extraordinaire et dont le mur des Sarrasins, en ville de Clermont, serait l’unique vestige, à moins qu'il ne se soit dressé sur le puy de Dôme. Evidemment, il ne vient pas à l'idée de Matthieu Poux qu'il puisse y avoir un lien avec le texte de Strabon, car le texte de Grégoire de Tours ne correspond pas à ce qu'il a mis au jour à Corent.

Voyons ça d'un peu plus près. Force est de constater le manque de sérieux des traductions compte tenu de l’importance de ce document. Voici celle que je propose : La construction (factum) et les contreforts (firmamentum) étaient d'un ouvrage remarquable, (et non pas : le temple et sa voûte étaient d'un ouvrage remarquable). Il y avait une muraille double, l'intérieur était en petit appareil, l'extérieur en grosses pierres carrées et taillées. Cette muraille avait une épaisseur de trente pieds (dix mètres). Du côté intérieur, elle était décorée de statues en marbre (ou plutôt en pierre polie selon moi) et d'étonnantes mosaïques.

Cette description correspond très exactement au Crest.

Je continue : Le sol du temple (aedes) était également (pavé) de pierres polies et au-dessus, le toit était garni de plomb.

Cette description correspond à l’actuelle église du Crest, effectivement pavée mais aujourd’hui couverte de tuiles.

Chrorus arrivant chez les Arvernes, dévasta ce sanctuaire (delubrum) qu'ils appelaient en langue gauloise "Vasso galate".

Ce sanctuaire est donc Le Crest et pas seulement le temple.

C'est une erreur de traduire le mot "firmamentum" par voûte d'un temple alors qu'il signifie dans son sens premier : ce qui consolide. C'est une erreur de croire que les mots “delubrum” (sanctuaire) et “aedes(temple) désignent un seul et même édifice. Enfin, un mur de dix mètres d'épaisseur est une chose jamais vue et insensée pour un temple gaulois.

En revanche, si nous identifions le sanctuaire (delubrum) dont parle Grégoire de Tours à Gergovie même, tout devient clair et compréhensible : cette muraille de dix mètres d'épaisseur ne peut être, à l'évidence, que la muraille de l'oppidum au pied de laquelle les légionnaires de César ont mordu la poussière.

Laissons maintenant aller notre imagination vers les niches encore aujourd'hui vénérées, qui, en ce temps-là, se trouvaient adossées à la muraille. C'est là qu'on pouvait y admirer de merveilleuses statues et d'étonnantes mosaïques. Quelle cité ! Quel contraste avec la triste Gergovie de Napoléon III ! Ce lieu sacré, les Gaulois l'avaient placé sous la protection de Vasso, c'est-à-dire du dieu Mercure.

Enfin, ce temple (aedes) pavé de pierres polies et au toit décoré de plomb, comment était-il ? Il faut être raisonnable ; ce ne pouvait être qu'un temple modeste, à la mesure de la population qui vivait sur la hauteur, un bâtiment simple mais beau... comme une église romane. (Je traduis le mot latin "marmor" par "pierres polies" et non par "marbre", ce qui conduirait à voir du marbre partout, ce qui est tout à fait déraisonnable). 

Sanctuaire pour Strabon, sanctuaire pour Grégoire de Tours, Gergovie pour César, et enfin Avitacum et Augustonemetum pour Sidoïne Apollinaire (cf mon lien ci-dessus : des textes irréfutables), tout redevient clair et logique, tel était Le Crest... une simplicité biblique.

MM. les archéologues, revenez sur terre ! Augnemetum, c'est Gergovie, le sanctuaire dédié au dieu auguste du ciel. C'est Gergovie/Le Crest et si Clermont Ferrand s'appelle de même, c'est pour la simple raison que les deux formaient une seule et même cité. Que vient faire l'empereur Auguste dans cette affaire ? Strabon est extrêmement précis sur ce qu'a fait cet empereur en Gaule et il ne dit nulle part que son influence soit venue jusque là.

Il y a une logique dans l'histoire et l'évolution des peuples. Depuis les temps les plus reculés, Le Crest fut, en Auvergne, avec sa source abondante, le point fort du terrain par excellence, et il l'était encore à l'arrivée de César en Gaule.


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12 réactions à cet article    


  • jef88 jef88 27 octobre 2011 11:35

    L’histoire et l’archéologie ont un point commun : elles sont trop souvent déformées par les opinions politiques de leurs auteurs ....
    Mais, en plus, il y a des « progressistes » qui veulent à tout prix laisser des traces, pour leur renommée et pour bien vendre un bouquin.
    Il y a aussi des « conservateurs » qui ne veulent s’appuyer que sur des écrits et oublient (?) d’aller sur le terrain ...

    Il faudrait que la bonne volonté et l’ouverture d’esprit priment !
    Parce que sites disparaissent suite a des blocages intellectuels...
    Je connais, par exemple, une redoute du 16ème ou début 17ème qui tombe en ruines depuis 5 ans.
    Personne ne veut la connaître  : Elle ne figure dans aucun texte et elle est sur une propriété privée ....


    • Emile Mourey Emile Mourey 27 octobre 2011 12:04

      @ jef88

      @ Zen

      Oui, j’ai écrit des ouvrages, mais en auto-édition. Cela signifie qu’étant limité à un petit tirage, l’opération est à perte. Le problème n’est pas là. Il est que les sites que je voudrais que l’on sauve ne le sont pas. Il y a Gergovie au Crest, Bibracte à Mont-Saint-Vincent et surtout Taisey avec sa vieille tour et son merveilleux château que j’ai dû racheter pour le sauver de la ruine, là où se trouvait l’antique Cabillo. Qui aura la volonté et les moyens de continuer la restauration que j’ai entreprise ?

    • Alpo47 Alpo47 27 octobre 2011 12:08

      Sinon, aider les gens qui ne mangent pas à leur faim ou leur construire des logements (avec l’argent public), cela vous parait également important ?
      Parce que Gergovie ... bon, c’est notre patrimoine, c’est entendu, et pourtant n’y a t-il pas d’autres priorités ?


    • Emile Mourey Emile Mourey 27 octobre 2011 12:28

      @ ALpo47


      Regardez l’Egypte qui, avec ses seules pyramides, fait vivre un nombre relativement conséquent de citoyens. Et nous, qui avons un patrimoine autrement plus riche, sommes incapables de l’expliquer correctement et d’y intéresser les touristes potentiels.

    • ZEN ZEN 27 octobre 2011 11:44

      Bonjour jef88
      Notre auteur défend, seul contre tous, une thèse révolutionnaire, que les membres de l’Institut, dans leur ignorance, ne veulent pas reconnaître, une équation pourtant simple : Gergovie= Atlantide, si j’ai bien compris
      Reconnaissons lui au moins l’audace de l’esprit
      Où se situe la redoute dont tu parles ?
      Pour ma part j’ai été assez étonné de découvrir la forteresse de Châtel/Moselle, restaurée peu à peu par des passionnés
      Zen88


      • jef88 jef88 27 octobre 2011 12:28

        on y arrive par Chatas (env 4 ou 500m du village) en allant par un chemin vers les quatre bornes, au dessus de Saales. Le lieu a aussi servi de gare pour un chemin de fer à voie étroite allemand en 14-18
        C’est à la limite des terres de l’abbaye de Senones et de celles du Chapitre de St Dié.
        Elle a vraisemblablement été construite lors de la guerre de 30 ans ...

        je suis bien en accord avec notre auteur qui prouve sa passion depuis des années


      • ZEN ZEN 27 octobre 2011 12:39

        Reconnaissons lui au moins l’audace de l’esprit

        Comme je suis un pince-sans-rire, je voulais être indirectement critique vis à vis d’un vieux mythe revisité à la sauce bourguignonne... smiley
        Mes polémiques concernant la thèse centrale du colonel date de quelques années


      • ZEN ZEN 27 octobre 2011 12:07

        Dommage que le château ne se visite pas, mon Colonel


        • Emile Mourey Emile Mourey 27 octobre 2011 12:22

          @ Zen


          Un jour peut-être, lorsque la société sera plus correcte.

        • Kern 27 octobre 2011 12:43

          « La fantasmagorie des archéologues n’a pas de limite, mais elle ne résiste ni aux textes, ni à la logique militaire. »

          Et je dirai même mieux :
          la fantasmagorie des historiens n’a pas de limite, mais elle ne résiste ni à la logique archéologique, ni aux preuves matérielles !

          Vos raisonnements sont trop influencés par vos opinions M. Mourey...
          Vous faites fi des milliers d’objets qui corroborent une thèse et ne vous concentrez que sur les quelques uns qui étayent maigrement les vôtres, appuyées par quelques textes vieux de 2000 ans...écrits par des politiciens dont on sait que leur principal intérêt, aujourd’hui comme hier, n’est pas de faire de la description objective.


          • Antenor Antenor 27 octobre 2011 13:16

            Les découvertes de Corent corroborent tout à fait ce que nous savions déjà par les textes des auteurs grecs et latins. A savoir que les dirigeants arvernes construisaient des enclos où ils invitaient à venir festoyer leur potentiels clients et les arrosaient de pognon. La découverte d’un atelier monnètaire et d’un hémicycle à Corent s’inscrivent tout à fait dans ce schéma. Une fois que les convives étaient bien déchirés et avaient les poches remplies d’or, ils étaient tout disposés à écouté le maître.

            Pas étonnant qu’avec des méthodes pareilles, la domination arverne se soit cassée la gueule et que les peuples gaulois aient trouver plus juste la manière de gouverner de Eduens.

            Corent est le symbole de la décadence arverne.


          • Emile Mourey Emile Mourey 27 octobre 2011 13:11

            @ Kem


            Je ne vous donne pas tort. Voyez les match de tennis où les deux adversaires se renvoient la balle. Mais qui a commencé à utiliser le premier le mot « fantasmagories » pour dénigrer son adversaire, eh bien, c’est apparemment monsieur Matthieu Poux dans la dernière conférence qu’il a donnée en Auvergne et M. Poux n’y va pas avec le dos de la cuillère.

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