Go East, young man
Le gouvernement américain, interdisant dorénavant à ses agents économiques, dans le contexte de l’invasion russe en Ukraine, toute importation d’énergie en provenance de Russie, exige de son allié, l’Arabie Saoudite, une augmentation de sa production de pétrole, en guise de compensation.
Seulement, Mohammed bin Salman, le prince héritier d’Arabie Saoudite, boude. Il refuse de retourner les appels téléphoniques du président Joe Biden. C’est du moins ce que rapporte le quotidien financier Wall Street Journal.
Le Premier Ministre britannique, Boris Johnson, pour sa part, prend carrément l’avion pour se rendre à Riyad, afin de supplier sa Majesté d’augmenter la production de pétrole, rappelant tout de même, au passage, que la pratique de la décapitation est considérée comme moyenâgeuse à l’Ouest.
Rien à faire, le dirigeant du Royaume saoudien a le regard tourné vers l’Est.
En effet, comme le rapporte le quotidien financier américain Wall Street Journal, encore lui, la Maison Saoud est en pourparlers avec le Parti communiste chinois, en vue de tarifer ses exportations de pétrole vers l’Empire du milieu en Renminbi (Yuan) en lieu et place de USD. Il apparait que le roi et son entourage soient mécontents de la « tiédeur » de l’engagement américain au Moyen Orient, notamment du « manque de support » dans sa guerre contre le mouvement des Houthis au Yémen, mouvement soutenu par l’Iran, et la volonté, américaine, de trouver un accord avec l’Iran au sujet de l’exploitation de ses réacteurs nucléaires et, last but not least, le retrait précipité de l’armée américaine d’Afghanistan.
Etant donné que la Chine achète déjà 25 % de la production pétrolière saoudienne, une diversification semble plutôt une bonne idée, d’autant plus que l’Union économique eurasiatique EAEU, comprenant la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Biélorussie et l’Arménie, vient de conclure un accord de principe avec la Chine, en vue de la création d’un nouveau système monétaire international indépendant, dans le cadre de la nouvelle Route de la soie (Belt and road initiative BRI) (1).
L’idée serait la création d’une nouvelle monnaie, indexée sur le Renminbi (Yuan), servant de monnaie de référence pour la tarification des matières premières en général, et le pétrole en particulier. Actuellement plus de 80% des ventes de pétrole et la majeure partie des matières premières échangées dans le monde sont (encore) tarifés en USD, les pétrodollars, un appendice du système économique et monétaire mondial actuel, décidé en 1944 par les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis et la Grande Bretagne, dans la station de ski de Bretton Woods dans le New Hampshire, désignant le USD comme monnaie de réserve mondiale (2).
Il y a bien des chances que d’autres pays se joindront au projet, tels que certains membres de l’Organisation de coopération de Shanghai, une organisation intergouvernementale des pays asiatiques, crée en 2001 en réponse à la désintégration de l’Union des républiques socialistes soviétiques USSR, tels que possiblement l’Iran, l’Iraq, la Syrie, le Liban, ainsi que des membres d’ASEAN, l’association des nations de l’Asie du Sud-Est.
Dans ce contexte, et en particulier celui de l’embargo sur les exportations russes, on note également que l’Inde, le troisième plus important consommateur d’énergie de la planète, 1,4 milliard d’habitants, a quadruplé ses importations de pétrole en provenance de la Russie depuis un mois et le quotidien financier britannique Financial Times cite des responsables du gouvernement indien et de la Banque centrale indienne qui seraient « en pourparlers avec la Russie, afin de créer un « mécanisme de paiement » Roupie-Rouble », permettant de contourner le USD. (3)
Il est vrai, que, toujours en s’appuyant sur le droit international, les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont pris l’habitude de saisir unilatéralement des avoirs d’individus et de nations, contrevenant à ses intérêts, tels que les réserves d’or, stockées dans les trésors de la Banque d’Angleterre pour le compte du gouvernement vénézuélien, enfonçant graduellement une réputation déjà passablement esquintée du centre financier de la cité de Londres, ou celles du gouvernement afghan, saisies par la Réserve Fédérale américaine.
Pour ce qui est des avoirs russes, la moitié des réserves d’or et devises ont été « gelées » selon les dires du Ministre des finances russe Anton Siluanov, sans préciser si celles-ci ont été physiquement transférées dans un pays de l’OTAN pour ensuite être « gelées », ou simplement « gelées ». Mystère.
Dans le monde interconnecté de la finance, on emprunte et on se prête. Vu sous cet angle, la Russie pourrait très bien compenser ses paiements d’intérêts, voire remboursements d’emprunts étrangers avec des avoirs « gelées ». (Michael Hudson)
Le scénario dantesque « espéré » serait évidemment une attaque en bonne et due forme sur le rouble, afin de détruire l’économie russe, un peu dans le style George Soros, qui avait réussi à faire couler la livre en 1992, dans le but de la faire sortir du mécanisme de change européen. Seulement, l’OTAN représente à peine 15 % de la population mondiale et une bonne partie des 85 % restants ne souhaitent pas forcément jouer avec l’OTAN, mise à part la question qui reste ouverte : Où est l’or russe ?
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