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Accueil du site > Tribune Libre > In-justification troisième et dernière. Mais qu’est-ce qu’on (...)

In-justification troisième et dernière. Mais qu’est-ce qu’on fait bien là ?

Il est intéressant de remarquer que lorsqu’on parle avec certaines personnes à propos de ce que signifie la vie pour eux, ils répondent qu’elle représente un court moment à l’intérieur duquel, outre l’orientation biologique de la procréation, il s’agit de viser le bonheur individuel. Dans leur esprit, la vie est le fruit d’un hasard et sa finalité naturelle est la mort. Dès lors, ils diront qu’il faut profiter du moment présent sans trop se questionner sur le sens et l’avenir, puisqu’à la fin, nous aurons tous la même destination. Il n’y a donc ni de sens ni de dieu, la vie est faite de haut et de bas et nous devons être heureux d’être en bonne santé et d’avoir un bon salaire à la fin de chaque mois. Cela dit, il n’est pas tout à fait correct de dire que leur vie n’a pas de sens, car elle en a bien un, mais celui-ci se trouve dans le quotidien de la réalité. Le fait d’avoir des enfants et donc d’avoir une famille à charge constitue un sens, par exemple. De la même manière, certaines personnes mettent toute leur force dans leur carrière ou dans la culture de leur apparence. Sans parler de ceux qui se nourrissent des vicissitudes des autres… il faut bien occuper son temps.

De l’autre côté et à cette même question, un second type de personnes répondent, au contraire, que la finalité de la vie n’est ni la mort ni le plaisir. On peut dire que, généralement, ce sont des personnes qui accordent beaucoup d’importance à leur foi qui les anime, à leur passion qui les transcende ou aux causes qu’ils défendent. Pour eux, cette éducation qu’ils ont reçue ou qu’ils se sont faite est une tension existentielle qui leur donne un support, une orientation, une volonté. De toute évidence, certes, ils reconnaissent également dans la mort une fin pour le corps, cependant cette mort n’empêche pas qu’ils puissent avoir une « mission » à accomplir. L’existence devient alors un devoir que l’individu a vis-à-vis des autres et vis-à-vis de lui-même. Ce devoir est comme un message à partager, une énergie qui leur permet d’être ce qu’ils sont. Ainsi, on peut dire que leur idée devient un tout avec leur corps, c’est un élan de vie, un moteur. Abandonner leur idée, c’est comme renoncer à ce qu’ils sont fondamentalement.

De là, on peut diviser en deux groupes deux types de réponses qui correspondent, chacune, à un type d’élan de vie. Il y a :

1) ceux qui trouvent le sens de leur vie dans la réalité du quotidien ;

2) ceux qui trouvent le sens de leur vie dans un idéal à atteindre.

Bien entendu, c’est réducteur et le lecteur n’aura pas tort d’y voir une catégorisation. Toutefois, à ce propos, il faudra souligner que cette catégorisation, outre le fait qu’elle réponde à une certaine nécessité de simplification propre à la forme « article », reflète une véritable généralisation des modes de vie qu’implique le paradigme économique et social. Un paradigme qui veut que l’on occupe une grande partie de notre énergie de vie à gagner de l’argent pour, ensuite, le dépenser.

À la suite de cette petite parenthèse, je dirais que si c’est bien le deuxième groupe qui dirige le monde, ils le dirigent pour satisfaire le mode de vie du premier groupe. En fait, on peut dire que la mission de base de cette minorité qui nous dirige était de prendre le pouvoir puis, leur idéal de prise de pouvoir étant atteint, ils ont pensé qu’il était préférable pour eux que les autres ne partagent pas leur élan. Il découle de cela, qu’aujourd’hui, les gens doivent impérativement adhérer au mode de vie du premier groupe, et ce, au nom de la liberté, dit-on. Or, tout le problème est là : cette liberté n’a de sens que dans le mode de vie du premier groupe. D’ailleurs, à bien regarder autour de nous, tout est organisé pour nous satisfaire et pour nous garder dans cet état d’apathie par rapport à la citoyenneté. Cela étant, à propos de la situation spécifique des croyants, on pourra me rétorquer qu’il y a toujours des églises et rien ne les empêchent de vivre leur foi. C’est vrai, mais du moment où cette foi reste idéale et qu’elle ne vient pas trop contrarier la société de consommation, le croyant peut croire en ce qu’il veut. En fait, on peut même dire que c’est une bonne chose pour le pouvoir en place que la religion occupe les gens avec d’autres choses que l’organisation citoyenne.

Par ailleurs, on dira la même chose des personnes qui vivent pour leur passion. Sauf, qu’à la différence des croyants, ils participent activement à l’attrait et au renouvellement de la vie culturelle au sein du modèle socioéconomique décidé par la minorité. En fait, on peut presque dire – et désolé d’être un peu provocateur sur ce point – que si le capitalisme marche si bien, c’est parce qu’il y a des gens créatifs qui divertissent les autres. En effet, dans cette optique, il faudrait que l’on soit plus nombreux à donner à ce système une meilleure dynamique afin que la société de consommation offre toujours plus de nouveautés et de spectacles à ses consommateurs.

Bref, le débat sur ce type de question pourrait être l’objet d’un livre, tellement on pourrait prendre, une par une, toutes les spécificités des situations de vie permissent par notre environnement socioéconomique. L’important est pourtant de constater – et c’est là tout le sens de cet article – que même à travers le livre que l’on pourrait écrire, même à travers cet article qu’il faudra faire publier, nous sommes enfermés dans une logique où il faut trouver un vendeur et, par conséquent, devenir nous-mêmes les vendeurs du système que l’on critique et qui marche sur la consommation, la séduction et la concurrence. Dès lors, si l’on ne veut pas être masochiste et se faire du mal avec une conscience qui est en constant décalage avec « la réalité » et là je m’arrête et vous pose la question : comment échapper à la tyrannie du mode de vie du premier groupe ? Autrement dit, comment refuser cette fameuse maxime qui affirme « profite la vie est courte ! », sans toutefois sombrer dans la morosité ? 

Pour conclure, je dirais qu’il y a une seule mission qui vaut la peine d’être menée par nous tous, c’est celle de notre libération vis-à-vis de notre dépendance à la consommation. C’est seulement par la suite que l’on pourra redonner du sens à notre foi, à nos passions, à nos idées. Cependant, avant cela, je voudrais dire qu’il faut absolument reconnaître et abandonner toutes ces impulsions qui conduisent à plus d’inégalité et, donc, à plus d’injustice. En valorisant ce type d’élan, on ne se rend pas service, à l’inverse on ne fait que renforcer, sous des apparences de richesse, notre propre conditionnement. De la même manière, il faut identifier et éliminer toutes les médiations qui nous retirent du pouvoir pour le donner à d’autres. Voilà un sens commun à la vie que l’on pourrait partager collectivement (c’est-à-dire : tous ensemble), pour ce XXIe siècle.

© Luca V. Bagiella *
Doctorant en philosophie politique et sciences sociale

* À paraître en fin d’année : Narcissisme-critique aux éditions Hélice Hélas.

 


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7 réactions à cet article    


  • kalachnikov lermontov 16 septembre 2015 15:35

    Il y a un troisième groupe, encore plus réduit. Que Nietzsche a résumé ainsi : ’Nous autres nous naissons posthumes’/’nous autres, nous savons que nos oeuvres ont quelque chose de magnétique.’ L’Artiste, qui n’est pas seulement quelqu’un qui fabrique mais quelqu’un qui oriente la course du monde - ’je ne suis pas un homme, je suis de la dynamite’. Il faut méditer le destin de cet homme, dont personne ne voulait, que personne ne lisait, que personne ne comprenait et la place qu’il occupe finalement dans le domaine de la pensée.

    J’aurais pu parler d’autres génies. Rimbaud par exemple, un ado !, à l’oeuvre plutôt sommaire. Mais comme j’ai pris plaisir à lire vos articles précédents, à vous, Luca, je recommande Artaud et particulièrement ’Histoire vécue d’Artaud-mômo’.


    • kalachnikov lermontov 16 septembre 2015 23:24

      « Quittez les cavernes de l’être. Venez. »

      https://www.youtube.com/watch?v=mHj4XLEHHuQ


    • Luca V. B. Luca V. Bagiella 19 septembre 2015 15:08

      @lermontov

      Merci pour votre critique. Je connais Artaud,
      mais je vais aller voir ce documentaire.


    • kalachnikov lermontov 19 septembre 2015 15:23

      @ Luca V. Bagiella

      Ecoutez-le plutôt, sans l’image. Tout le monde connait Artaud, mais ’entendre’. Si l’on entendait cet homme, la table serait renversée prestement.

      Vous êtes un beau possible ; je ne saurais trop vous conseiller d’abandonner la philosophie. Il existe bien des medias pour parler de ce qui nous tient à coeur et surtout faire passer des choses essentielles. Mais la philosophie... De nos jours, on ne veut ni lire ni réfléchir et bientôt on ne pourra. Et puis le premier âne qui passe vous porte la contradiction, dressé dans l’idée mortifère que tout se vaut. Quelques années de ce régime et on est essoré, vide, sans envie. D’autant plus quand on est fait d’un verre qui se fêle trop facilement.


    • Hervé Hum Hervé Hum 16 septembre 2015 22:40

      La vie est donner sens à l’existant, donc à sa propre existence.

      Peu importe le groupe, ce qui détruit, c’est la perte ou l’absence de sens à son existence.

      Cela dit, sortez de l’idée selon laquelle le capitalisme dépend de la consommation, il dépend de la propriété et uniquement d’elle. La consommation renvoi à ceux qui peuvent le plus face à ceux qui peuvent le moins, c’est à dire, entre ceux qui sont au gaspillage et ceux qui sont à survivre et donc ne consomment pour ainsi dire pas ou très peu.

      L’écrasante majorité des gens du premier groupe ne veulent pas de la guerre et nombre de ceux du second groupe affirment combattre pour la paix !

      Bref, même quand on fait la guerre, on affirme que c’est pour faire la paix.

      Vous interrogez sur "comment échapper à la tyrannie du mode de vie du premier groupe ? Autrement dit, comment refuser cette fameuse maxime qui affirme « profite la vie est courte ! », sans toutefois sombrer dans la morosité ?"

      Une réponse vous est donnée dans mon 1er commentaire à votre adresse.

      La réponse est le sens de la responsabilité, c’est à dire, la conscience de sa propre responsabilité vis-à-vis d’autrui quant à ses droits et devoirs (non vis-à-vis de soi même, car c’est sa propre souveraineté !).

      La responsabilité devant la propriété et non derrière, car dans ce cas là, la responsabilité n’est pas une condition, mais une option, c’est à dire une exception, la règle étant l’irresponsabilité, que vous résumez par la maxime « profite, la vie est courte ! ».

      Ici s’ouvre une autre dimension de conscience d’être, c’est à dire, un autre espace logique définit par une relation de causalité, donc, spatio-temporelle.

      C’est cette recherche et volonté de rendre réel son idéal que vous pouvez définir comme le second groupe, mais alors il ne faut pas manquer de dire que cet idéal peut se réduire à soi même, pour aller jusqu’à l’universalité. Il se décline potentiellement en autant de groupes qu’il y a d’être humains, mais aussi, dans le partage d’un idéal universel.

      Essayez de penser un modèle social, économique et politique sur la base de la responsabilité devant la propriété... Vous risquez d’y rencontrer bien des réponses et peut être des surprises !


      • Luca V. B. Luca V. Bagiella 19 septembre 2015 15:11

        @Hervé Hum

        Merci Hervé pour votre critique.
        C’est intéressant ce que vous dites, je vais
        étudier ce point de vue.


      • Hervé Hum Hervé Hum 18 septembre 2015 13:03

        Je me pose une question, Luca V. Bagiella est t-il doctorant en philosophie ou bien en sophisme ?

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