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La Banque

Ceci est le Chapitre 2 du Tome 4, que j'ai mis en ligne aujourd'hui, de la collection Nouvelle Société. Pas vraiment d'actualité, car c'etait vrai hier et ça le restera demain à moins que de GROS changements n'intervienent.... Mais bon, pour ceux qui ne le sauraient pas encore et que ça intéresse... ça se passe à la banque. Il est temps de le crier plus fort.

La valeur de la monnaie tient au fil du pouvoir et donc de la force de l’Autorité qui s’exerce. Quand un État s’impose, il bât monnaie, garantissant le poids en or ou en argent d’une pièce en y posant son sceau. Quand son pouvoir s’affirme, sa seule signature suffit et le papier peut devenir monnaie. Mais, derrière celui qui tend un assignat et exige du blé, il y a toujours la silhouette d’un homme qui porte une épée ou un mousquet.

Quand on peut avoir le blé pour le papier, le pouvoir tend à se confondre avec la richesse, puisque la richesse apporte le pouvoir, mais que c’est le Pouvoir qui imprime la richesse. Il suffit qu’on y croit. Or celui qui est fort est cru. La richesse se confond pratiquement avec le pouvoir, la promesse devient plus efficace que la menace, la récompense plus que le châtiment… et la corruption, comme outil de gouvernance, beaucoup plus efficace que la violence. Il ne faut simplement pas laisser oublier que le mousquet qu’on ne montre plus est toujours là quelque part

Le Pouvoir qui est cru peut créer l’argent qu’il veut et le donner à qui il veut ; c’est une création totale, discrétionnaire. L’argent, devenu le symbole ultime du pouvoir, passe sous le contrôle absolu du Pouvoir lui-même. On est riche ou pauvre, désormais, par simple décision du Pouvoir, décision prise et exécutée selon des règles que le Pouvoir détermine. On laisse alors les balbutiements et l’on peut créer un véritable capitalisme.

La règle première et suffisante, celle qui crée le capitalisme et assure au Pouvoir le contrôle imparable des conditions d’échange, c’est que l’argent peut être créé à volonté et que quiconque a de l’argent en reçevra plus. C’est ce qu’on appelle toucher un intérêt. Le montant de cette prime à la richesse est fixé de façon à maintenir la stabilité du pouvoir en enrichissant les plus riches, en préservant l’aisance de ceux qui ont quelques biens et donc quelque pouvoir – au moins celui de nuire – et en exploitant les autres.

On appelle « Banque » l’entité qui gère cette opération récurrente de créer de la monnaie, puis de donner de l’argent à chacun au prorata de celui qu’il a et de ce qu’il est, ce qui vaut confirmation efficace de sa place dans la hiérarchie du pouvoir. Il n’y a aucune logique au paiement d’un intérêt par l’État, puisque c’est lui qui crée ou fait créer l’argent, si ce n’est le maintien du pouvoir en place. Les rationalisations qu’on en donne s’appuient sur des pétitions de principe et des sophismes.

Seul un lavage de cerveau incessant empêche la population de se rendre compte que là est la source de toute iniquité. Seule une population totalement endoctrinée peut croire aux balivernes qu’on lui raconte pour justifier ce transfert éhonté de richesse des pauvres vers les riches. Mais acquiescer à cette répartition est la condition essentielle pour en toucher sa part sans discussion. Ce chantage et cette corruption systémique sont les bases des régimes qu’on dit démocratiques, et qui le sont vraiment dans la mesure où une société complexe ne peut fonctionner sans le consensus d’une majorité effective. Si le système fonctionne, c’est qu’une majorité effective est corrompue… et qu’elle chante.

La Banque est toujours un rouage essentiel de la gouvernance. Son importance, toutefois, est telle qu’elle est soustraite aux aléas de la démocratie, soit en rendant inamovibles ceux qui en ont charge, soit en déléguant toute l’opération à des entreprises dont les dirigeants sont cooptés par ceux qui détiennent le pouvoir. Le mécanisme précis de création d’argent passe par le privilège accordé à la Banque de prêter ce qu’elle n’a pas ; ce privilège lui est garanti par l’État, lequel “émet des obligations”, qui sont autant de promesses de donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup, tout en contrôlant l’inflation qui devrait en résulter en réduisant la consommation de ceux qui manquent parfois du nécessaire.

Le paiement gracieux d’un intérêt par l’État à la Banque détermine le taux d’intérêt à tous les paliers de la structure et équivaut au détournement continuel, au rythme souhaité, de la plus-value du travail de la société vers les membres de l’alliance dominante. L’exploitation des faibles par les forts existe depuis toujours, mais le procédé du « tout-a la-banque » ne fonctionne vraiment que depuis que l’industrialisation a permis de dégager des surplus significatifs au-delà du niveau de subsistance.

On pouvait auparavant engranger les récoltes et thésauriser l’or, mais la monétarisation et le tout-à-la banque permettent le vrai capitalisme. Aussi longtemps que la richesse a un support matériel, pourtant, la richesse est en péril. On peut cacher des billets de banques et autres symloles, mais ces biens demeurent appropriables par la violence, vulnérables à des “accidents”, guerres, catastrophes, etc. La solution finale, pour le capitalisme, a été l’identification récente de la richesse à un symbole totalement intangible et donc PARFAITEMENT contrôlable : l’argent électronique. L’argent électronique est invulnérable.

Il est invulnérable, parce qu’il ne repose sur rien d’autre qu’un consensus. Une note électronique à coté de votre nom, sur un ordinateur, peut faire de vous le maître du monde. C’est une décision libre, réversible, sans contrainte et arbitraire du Pouvoir, le « Pouvoir », dans cette acception, étant l’équipe qui assure le fonctionnement et la permanence du système : l’élément décisionnel de l’alliance dominante.

Le Pouvoir peut effacer cette note électronique à coté de votre nom sur un ordinateur et rien de tangible ne se passe ; il peut la ré-écrire, l’effacer à nouveau… la magie n’est pas là. Mais que le Pouvoir fasse connaître OFFICIELLEMENT que la note est là et vous êtes riche. Il dit qu’elle n’est plus là et vous n’êtes plus rien. La Banque est souveraine. C’est la situation de César qui ferait apparaître des légions armées en nombre infini d’un simple effort de volonté. Aucune gouvernance n’a jamais été aussi proche d’un pouvoir divin. Tout se passe à la Banque.

Pierre JC Allard

 


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14 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 22 janvier 2014 09:35

    Le montant des produits nocifs des banques françaises est ahurissant (des dizaines de milliards d’euros)...que les banques tentent de dissimuler dans des propositions de placements aux clients.. ?

    La pire restant le crédit agricole très largement en tête avec plus de 80 milliards de ces jolis produits...

    Vive la banque.. !


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 janvier 2014 16:39

      On a émis 100 fois - ou 1000 fois, on ne sait plus tres bien - la quantité de monnaie requise pour repreneter toutes les valeurs réelles. Ca ne peut finir qu’en purée de citrouille...


      PJCA

    • ObjectifObjectif 22 janvier 2014 12:04

      Bravo pour cet article qui exprime bien la puissance et la subtilité du système monétaire en place.

      Montrer la dette publique ou la spéculation en prônant l’indignation, c’est détourner l’attention de l’objectif intrinsèque du système monétaire : le pouvoir absolu.

      Demander à vendre son travail contre des chiffres, c’est accepter l’escroquerie et la soumission au système et à ses gestionnaires.

      Et ensuite faire rester passif les moutons...

      Pour devenir idiot, il suffit d’être passif

      2 articles sur le fonctionnement réel du système monétaire :

      http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/bancopoly-le-jeu-qui-fait-fureur-102959

      http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/pour-un-systeme-monetaire-112936


      • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 janvier 2014 16:42

        @ Objectif


        Seule une révolution par les individus pourrait briser le systeme... mais ce ne serait pas un moment de joie, alors on reporte.... 

        PJCA

      • ObjectifObjectif 22 janvier 2014 19:53

        Je suis plus optimiste que vous : le monde des logiciels libres montre que l’on peut produire sans monnaie, par le don gratuit, et ce processus a pris le pas sur les logiciels privés.

        Vous montrez la direction pour les livres et la connaissance,

        Reste à trouver une organisation pour les biens matériels, ce qui progresse avec les initiatives de « conception libre et ouverte » en dehors des brevets privateurs, et la technologie des imprimantes 3D.

        Petit à petit, on se rend bien compte que les nombres n’ont pas plus de valeur que nos croyances fausses en eux. Cela pourrait être rapide et joyeux, une fois le seuil des « early adopters » passé smiley


      • Francis, agnotologue JL 22 janvier 2014 12:21

        Bonjour Pierre JC Allard,

        votre article est très intéressant et donne à penser. Je vais y penser.


        • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 janvier 2014 16:34

          @ JL


          Je vous invite à lire le livre. C’est gratuit puiqu’il est en ligne en version intégrale.... comme tous les livres devraient l’être. Plein de petites idées que vous aimerez et qui me font détesté Dieu ne reconnait pas toujours les siens ... smiley





          PJCA

          • Le421... Refuznik !! Le421 22 janvier 2014 16:59

            Votre article est intéressant.
            Pour ma part, il enfonce une porte ouverte.
            Mon souci n’est pas de savoir que le pouvoir réel est entre les mains de la finance et de tous ceux qui en usent, mais de trouver un système imparable pour contrer ces gens.
            En fait, il est vrai que l’argent n’apparaît maintenant que sur des échanges. Qui dit échange dit achat et vente, lorsqu’il s’agit d’argent.
            Par contre, l’échange gratuit de biens ou de services porte tort au système utilisant l’argent. On appelle cela travail au noir ou troc. D’ailleurs, nos dirigeants luttent contre cette « fraude fiscale » des petites gens.
            Mais c’est une solution imparable.
            Si un copain vient me donner un coup de main, si je ne lui donne pas d’argent, ce n’est plus du travail au noir, c’est un coup de main. Et la loi, même si elle n’aime pas ça, ne peut interdire la solidarité.
            Après, il faut apprendre à se passer du superflu.
            De cette façon, on peut glisser des grains de sables dans ce merveilleux mécanisme que votre image illustre à merveille et scléroser le système.
            Et la sclérose, on en meurt !!

            Je répète, bon article !! Pendant que d’autres (imbéciles) parlent « quenelle »...


            • ObjectifObjectif 22 janvier 2014 20:02

              Exactement ! "Si un copain vient me donner un coup de main, si je ne lui donne pas d’argent, ce n’est plus du travail au noir, c’est un coup de main. Et la loi, même si elle n’aime pas ça, ne peut interdire la solidarité.
              Après, il faut apprendre à se passer du superflu.
              « 

              L’illusion de la monnaie essaye d’effacer des esprits le don gratuit, mais ne peut y arriver car le don gratuit efface la monnaie !

              Ce n’est pas »juste" un grain de sable, c’est arrêter de nourrir le système avec son travail, contre des nombres sans valeur. Et c’est la seule solution : on débranche la prise d’une d’illusion qui rend fou.


            • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 23 janvier 2014 01:23

              @ Le 421


               Je dis bien d’entrée de jeu : « Pas vraiment d’actualité, car c’etait vrai hier et ça le restera demain... »  Ne soyez pas trop confiant, toutefois : on PEUT interdire la solidarité en taxant ou imposant ce qui est donné apres lui avoir fixé une valeur souvent arbitraire. En fait, la guerre est deja déclarée entre l’lindividu et l’État et la ficalité est l’un des cha,ps de bataille les plus actifs.... On se dirige vers un choix entre le fascisme et l’anarchie.

              PJCA

            • joletaxi 22 janvier 2014 18:21

              un avocat qui donne un cours d’économie, normal, ils ont l’habitude d’enfiler les tirades sur des sujets qu’ils ne maîtrisent absolument pas, et la fait qu’il y aie une tripotée d’avocats en politique n’est pas étranger à notre marasme.

              Mais dites moi, il paraît que jamais la prospérité mondiale ne s’est autant développée, ni aussi rapidement.
              Vivement que les banques,aux mains des lobbys turbocapitalistes impriment encore un peu de monnaie.


              • Bovinus Bovinus 22 janvier 2014 21:32

                Le fait qu’il soit avocat ne change rien à l’affaire, ce qui compte, c’est ce qu’il dit. Vous, par exemple, vous auriez beau être Professeur émérite en économie, ça ne changerait pas grand-chose au fait que vous dites des conneries smiley


              • joletaxi 22 janvier 2014 22:40

                mais je vous laisse libre de vos opinions, si vous êtes client de ce genre de démonstration, libre à vous , même si dans les faits cela se révèle tout à fait faux.

                Le formidable développement, qui, à moins de sombrer à nouveau dans le collectivisme dont on a vu partout les résultats,va continuer grâce à l’adoption du libéralisme dans le monde, est la preuve de la performance de ce système.

                Vraiment, comme il suffit pour amasser des richesses d’imprimer de la monnaie, pourquoi s’en priver ?


              • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 23 janvier 2014 00:44

                @ bovinus


                Merci de cette remarque au soutien de l’appremtissage autodidatctique. Pour l’économie, il n’était pas indispensable, puisque j’ai glané le D.E.S du doctorat de Science économiques rue Soufflot en 1964. Jean Marcel Jeanneney, Ministre de de Gaulle était mon directeur de thèse.... Votre appui m’est précieux, toutefois, puisqu"il m’excuse de pas avoir à montrer un diplpme de psychologie pour dire que Joletaxi est un des plus ignares et stupides agents provocateur qui sévissent sur ce site. Une opinion que j’ai exprimée souvent et qui a recu a chaquee fois un accueil enthousiaste. Juste un exemple....


                PJCA 

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