La double mort d’une République ordinaire…
A J-15 du premier tour de la présidentielle, cet article du "Volatile" consacré à ce bouquin sont tous les deux d' UTILITÉ PUBLIQUE !!!
Au fond, Mitterrand avait raison : la Vè République, c'est le "coup d' État permanent".
Si cette campagne mouline à vide, c'est en grande partie parce que nous vivons, comme le dit Jean Guiloineau dans un bref pamphlet (1), non dans une vraie démocratie mais dans une République de nature bonapartiste. Et ce depuis un demi-siècle.
Bref rappel : Le 13 mai 1958 : putsch militaire à Alger. De Gaulle appelé à la rescousse. L'"homme providentiel". Lequel voit là l'occasion d'en finir avec un "système politique détestable" qui perdure "depuis cent soixante-neuf ans" : en clair, depuis la Révolution. Pour abattre le régime parlementaire hérité des Lumières et le remplacer par une sorte de monarchie républicaine, il lance le référendum du 28 septembre 1958, qui instaure une nouvelle Constitution, puis celui di 28 octobre 1958, qui établit l'élection du Président au suffrage universel. L'affaire est dans le sac.
Selon une intense propagande gaulliste, "jamais remise en question depuis 1958", la IVè République n'est pas morte à cause du bourbier algérien et du putsch militaire qui es est issu. Mais à cause d'une atre fondamentale : le "régime des partis" qui mène forcément à l' "instabilité gouvernementale" et donc à l' "impuissance".
Guiloineau rappelle que la IVè ne s'est pourtant pas si mal débrouillée que ça au sortir de la guerre, qu'elle a réussi à reconstruire un pays ruiné, déchiré, à régler le problème indochinois, etc.
Mais pour le gaullisme, dit-il, les partis, c'est forcément l'horreur. Leur offrir une représentation et donc un pouvoir dignes de ce nom, c'est reconnaître que la société est composée de groupes ayant des intérêts différents, voire antagonistes. Horrible vision de gauche, qui évoque l'affreuse "lutte des classes". Les gaullistes, au contraire, voient la société comme un groupe uni qui partage les mêmes valeurs : du coup leur parti ne porte jamais le nonm de "parti" mais celui de "rassemblement", d' "union", de "mouvement".
Il y a un peuple et un guide, point final.
Et donc un système électoral propre à assurer la victoire de cette "union".
Quand, c'est rare, la gauche gagne, c'est "par effraction" comme l'a dit benoitement le ministre Baroin.
Ce système, évidemment, provoque l'asphyxie du débat politique, puisque le Parlement n'est qu'une chambre d'enregistrement, le président n'ayant aucun compte à lui rendre. Mais, on le sait, une société sans débats ni conflits est une société morte. Qui donc, aujourd'hui lance les (faux) débats ? Le président lui-même !
C'est ainsi que, pendant cinq ans, on a vu Sarkozy, pourtant incarnation d'un peuple prétendument uni et unanime, désigner tous les mauvais Français dont la tête ne lui revenait pas, les chômeurs, les grévistes, les fous, ceux qui ne veulent pas lui serrer la main, les Roms, les juges, etc. En période électorale, la schizophrénie atteint des sommets : le président devenu candidat à sa propre succession "emprunte pour son propre usage la force du gouvernement" et se met à vomir abondamment sur les corps intermédiaires, les syndicats, les écolos, les immigrés et, évidemment, ses adversaires de gauche, purement et simplement considérés comme "nuls", incapables et illégitimes.
Bonaparte ne veut voir qu'une tête. La sienne.
Jean-Luc Porquet in "Le Canard Enchaîné" du 4/04/2012.
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