La fin de la navette spatiale 8) les remplaçants possibles, mythes et réalité
La navette au musée, que reste-t-il comme prétendants à sa place ? Beaucoup de projets ont été enterrés, faute de budgets nécessaires. La recherche spatiale est une des plus coûteuses, et un bon nombre de rêves s'y sont brûlé les ailes. Or, aujourd'hui, il faut bien le remarquer, il n'y a pas d'autre remplaçants de prévus autre que le bon vieux cargo russe Progress, une cabine Soyouz démuni de ses sièges. C'est tout le paradoxe final de l'effroyable course qu'ont menée les deux super-puissances depuis plus de cinquante ans maintenant. L'ancien adversaire, venu en aide avec un vaisseau qui date d'un demi-siècle, devenu remplaçant du projet majeur des américains dans les années 80, voilà qui est plutôt surprenant et paradoxal. Mais d'autres projets moins avouables ont été aussi proposés, et d'autres encore tournent en ce moment au dessus de nos têtes. Et d'autres encore sont en préparation. Bref, nous n'en n'avons pas encore fini avec la fin de cette fameuse navette.
L'Air Force avait donc remis au placard le Dynasoar, faute de budget, et liquidé l'équipe de cosmonautes recrutés pour l'occasion. Le 10 décembre 1963, le Dyna Soar était en effet définitivement abandonné après avoir coûté 410 millions de dollars, et alors qu'une rallonge demandée de 373 millions aurait conduit à un vol en 1966. L'ambitieux projet Dynasoar avait même été couplé avec celui de Gemini, pour assurer ses arrières : dans une évolution "naturelle", les ingénieurs de avaient même pensé faire de la capsule spatiale un véritable canot de sauvetage éjectable, façon cockpit de F-111. Dynasoar devenant plus gros dans une autre étude, et pouvant même emporter 4 personnes en plus du pilote, seul à l'avant. Mais l'ambition des militaires n'était pas pour autant assouvie. Un autre projet, baptisé FDL était apparu le temps des essais des "lifting bodies". Il avait connu une maquette bois d'aménagement, et en était déjà à sa 5eme version : le FDL-5, photographié sous cette forme sur une base US. L'engin se déclinera vite en FDL-6 puis FDL-7.
Selon Paul Czsy, le fameux FDL-7, engin hypersonique, avait été dessiné par le Flight Dynamics Laboratory de l'US AIr Force pour servir de navette au projet MOL (voir notre épisode précédent) qui avait connu une intense préparation avec sélection de cosmonautes dont certains deviendront des membres de l'équipe d'Apollo ou de Skylab, le projet MOL, militaire lui aussi étant basé sur une cabine Gemini comme tête de pont d'une station composée d'un étage complet de fusée Titan III C, alors l'engin le plus puissant du rayon militaire US. Les deux ingénieurs qui avaient conçus le projet s'appelaient Robert Masek de chez McDonnell Douglas et Alfred Draper de AFFDL. L'ambition était démesurée, les deux ingénieurs allant jusqu'à proposer un appareil lancé d'un Galaxy, navette et étage de fusée compris. Le souci de l'époque était clairement de faire cesser l'hécatombe de premiers étages retombant dans l'Atlantique avec leurs moteurs monstrueux et sophistiqués coûtant des fortunes, comme les gigantesques de Saturn V. Pour arrêter ce gâchis, toutes les idées semblaient bonnes.
La forme générale sélectionnée était l'héritière direct des essais de Lifting Bodies, notamment l'un des projets testés dans le désert avec un revêtement de Dacron comme forme extérieure à pans coupés (et déjà avec une aile déployable intégrée). On peut s'apercevoir, sur une image des maquettes de veine aérodynamique, que les projets Dynasoar ou X-24B, en particulier, ont été conjoints avec le développement du programme de l'armée, les deux minisatellites rentrants dans l'atmosphère, le "Prime SV-5" et "l'Asset ASV-3" servant à tester les matériaux de rentrée. Lors des tests aérodynamiques, le projet FDL a toujours voisiné ceux des séries X-24 ou MDF-1, sous le nom générique d'ATV. Au contraire de la navette, le FDL-7 est clairement conçu en "dur" , à savoir en Inconel, comme le X-15. Le projet FDL-7 sera repris par des canadiens pour devenir le Dart, un engin imaginé en 2005 par Planet Space, une société privée dirigée par Geoff Sheerin, de la Canadian Arrow corporation, et par un indien, le Dr. Chirinjeev Kathuria, un spécialiste des réseaux internets rapides et qui a fait carrrière dans la fourniture aux hôpitaux, sous le nom de firme d'American Teleradiology & Nighthawks. Donné pour Mach 22, l'appareil est présenté comme un transporteur de cosmonautes, à défaut de révéler une arme à bord, parfois gommée sous les photos haute définition du site. Les militaires US, qui ont décidément tout privatisé, s'appuient depuis longtemps visiblement sur ce type de société privée pour leur éviter les coûts de développement. Pour vanter les mérites du descendant direct du projet, Paul Cyzsz, avait fait remarqué que le projet de SpacePlanet, entièrement en acier au chrome, avait l'avantage "de se poser par tous les temps", ce qui n'avait jamais été le cas de la navette, on le sait, avec sa phobie de l'humidité. Comme lanceur, un cluster de 10 fusées canadiennes Arrow appelé Nova (le premier nom de la fusée Sarurn !) assurera le premier étage. Le X-24B, qui clôturera la gamme d'essais des lifting bodies est celui qui présente la forme la plus proche de ce qui aurait pu être le vaisseau spatial armé de l'US Air Force. Comme le X-15, le FDL-7 dernière version le FDL-7 MC, aurait dû se poser sur des skis arrières et un simple diabolo avant, une petite aile déployable en arrière de la cabine du pilote lui donnant un peu plus d'aisance pour négocier les "S" d'alignement sur la piste du lac salé prévu pour le recevoir. Chez SpacePlanet, on a opté pour un train d'atterrissage complètement en pneumatiques. (mais l'aile déployable a été abandonnée).
L'équipe du MOL présentée à la presse avait soigneusement évité de citer le FDL-7, qui aurait aussi servi d'intercepteur de satellites... russes, les seuls alors à pouvoir être en concurrence dans le domaine du vol habité spatial. Le projet MOL était très ambitieux, prévoyant d'accoler jusqu'à trois étages de Titan III C pour fabriquer une station d'un volume conséquent. A cette époque, les russes songent à mettre en chantier ce qui va devenir la Station Saliuout, dont le premier modèle sera lancé en 1971, suivi de DOS-2 l'année suivante et Cosmos-557 en 1973. Tous trois servant de galop de qualification pour le projet militaire Almaz, (Алмаз, qui signifie « diamant » en français). Le but étant clair : surveiller les États-Unis et détruire des satellites, l'Almaz disposant semble-t-il d' un canon à son bord. Selon les sources spécialisées, Saliout 3, qui aurait été armé, aurait réussi un tir de ce genre sur un satellite plastron lancé juste auparavant pour l'essai. Avec Almaz, jamais les américains n'avaient autant été en danger. L'espace, présenté par les deux puissances comme sanctuaire où les armes sont interdites a toujours été l'objet d'une attention suivie des militaires. Dans le projet MOL, une particularité chez les pilotes de la 3 eme équipe sélectionnée : le major Robert H. Lawrence (USAF), tout simplement le premier astronaute noir.
Le projet FDL-8, appellé aussi X-24C a fière allure sera le dernier de la série des FDL. Il daterait de juillet 1974 et aurait présenté deux versions ont été proposées : l'une avec prises d'air pour des moteurs atmosphériques, du type RAMJet (des statoréacteurs) et l'autre avec le moteur-fusée XLR-99 du X-15. Comme le FDL-5, il décolle muni de deux gros réservoirs collés sur ses flancs, façon Lockheed LS-200-10, pré-projet de Shutttle. Deux modèles de ces X-24C NHVR (car issus du National Hypersonic Vol Research Facility) devaient au départ être construits pour un budget 200 millions de dollars. Donnés pour 200 vols étalés sur plus de dix ans, pouvant atteindre une vitesse maximale de Mach 8 (Mach 6 en croisière) pendant 40 secondes au moins. En Septembre 1977 les dépassements de budget ont fait annuler la poursuite des travaux sur ce fameux X-24C. Mais beaucoup pensent que le projet a survécu, devenant un des ces "projets noirs" si mystérieux dont les bruits de décollage sont régulièrement entendus autour de la non moins fameuse Zone 51.
Les FDL-7 et 8 comme le Dynasoar seront pourtant abandonnés comme le projet MOL, tué par des crédits jugés insuffisants... Le MOL l'étant en juin 1969 par l' administration Johnson après avoir absorbé 1,2 milliard de dollars, soit trois fois plus que le projet qu'il était censé remplacer. Et par l'acceptation du projet de navette spatiale, où, on l'a vu, les militaires ont pesé de tout leur poids en définissant la taille par défaut de la soute de l'engin. Ce qui a été abusivement présenté comme un projet civil a toujours été à la base un projet militaire, rappelons-le. A la NASA, le projet Gemini s'était vu devenir un hypothétique "Big G", une extension arrière de la cabine, munie d'étranges grands hublot façon airliner. Un projet signé McDonnell Douglas qui restera sans suite. Gemini devenant Gemini B, un projet de cabine agrandie possédant une particularité intéressante mais délicate à mettre en œuvre : une trappe, découpée à l'arrière, côté bouclier ablatif... un des moyens de passer de l'arrière étendu ou du MOL à l'intérieur de la cabine, les sorties extérieures étant toujours jugées périlleuses (la première du genre ayant lieu à bord de Gemini, justement ! Via la trappe, une station spatiale MOL était devenue possible. On privilégiera cependant un procédé complexe de transfert par "tunnel gonflable" pour passer des sièges de Gemini au module arrière, en attendant d fabriquer les nouveaux boucliers modifiés. Le projet ne fera qu'un seul vol réel inhabité : le 3 novembre 1966 avec une cabine Gemini 2 modifiée (avec la trappe au travers du bouclier) qui avait déjà volé inhabitée le 19 janvier 1965, et un module MOL maquette qui se consumera dans l'atmosphère le 5 janvier 1967. Au musée de l'US Air Force, des éléments de ses préparatifs demeurent aujourd'hui visibles, y compris les tenues de vol et les équipements. Notamment l'Integrated Maneuvering Life Support System, à la fois un module de survie et de déplacement dans l'espace, développé par la division Hamilton Standard Division de United Aircraft. Plutôt encombrant, comme module, sur le ventre ! Parmi ces vestiges également, un très étonnant scaphandre léger, destiné aux missions plus longues. Et un encore plus étonnant baigneur, jouet fabriqué par un ingénieur à partir des véritables matériaux ayant servis à faire les costumes véritables de Gemini !
Les militaires US ont donc continué sur leur lancée, semble-t-il. Le X-24C, ou FDL-8 a certainement eu une existence et a sans doute volé. A bord de quel lanceur, c'est un autre problème. Pour l'injecter en orbite, le projet du C-5 Galaxy semble avoir été une vue de l'esprit. Non, s'il y a quelque chose qui a pu mettre en orbite un jour ou à plusieurs reprises l'engin, c'est soit la navette elle-même, soit une fusée sur le pas de tir de Vandenberg. Pour leurrer les journalistes avides de ce genre de concept, les militaires vont répandre une tout autre idée. Qui va faire autant de bruit que les décollages nocturnes de la Zone 51.
Le coup de tonnerre journalistique date du 6 mars 2006 : ce jour-là, l'un des magazines parmi les plus sérieux et les plus réputés dans le domaine de l'aviation sort son scoop en couverture : selon lui, l'armée américaine venait tout juste de ranger définitivement au hangar un engin qui a visité la banlieue terrestre pendant des années, sans qu'on le sache, et de manière fort étrange puisqu'il s'agirait d'une sorte de mini-navette de reconnaissance portée à dos d'avion par un énorme appareil de la taille du défunt XB-70. Incroyable sortie ! Et incroyable projet, maintenu pendant plusieurs décennies à l'abri de tous les regards, même encore aujourd'hui personne n'ayant vu ne serait-ce qu'une photo des deux engins. Si le magazine n'avait pas aussi respecté, personne n'aurait pu y croire, les décollages (nocturnes) dans un boucant infernal ayant lieu à partir de la "fameuse" base de Groom Lake, où certains veulent à tout prix voir des extra-terrestres !
Documents joints à cet article
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON