Le juge du Conseil d’Etat validant en référé les décrets de fichage des Français est l’ex directeur d’une ministre de Macron
Le 4 décembre, une nouvelle fois à la faveur du confinement, le régime Macron prenait la décision de publier des décrets instituant à un large fichage politique, syndical et religieux. Ces décrets permettent notamment aux policiers et gendarmes de ficher les « opinions politiques », les « convictions philosophiques et religieuses » et « l’appartenance syndicale » dans trois fichiers informatisés qui pourront être croisés. Le PASP (prévention des atteintes à la sécurité publique) de la police ; le Gipasp (gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique) des gendarmes et l’EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique). Les procureurs et agents du renseignement y auront un accès libre ; seulement limités par “le besoin d’en connaître”, c’est-à-dire sans aucune forme de contrôle par un juge des libertés, un magistrat indépendant du gouvernement.
Les décrets ont été attaqués devant le Conseil d’État. Dans un jugement prononcé par Mathieu Herondart, en tant que juge des référés le 4 janvier 2020, il n’a pas été fait droit à l’atteinte disproportionnée à la liberté d’opinion, de conscience et de religion ou à la liberté syndicale portée par ces décrets et ces trois fichiers.
Une décision qui ne surprend pas dès lors que l’on se penche sur le parcours du juge. Car le juge du Conseil d’État, Mathieu Herondart n’est pas un inconnu, encore moins une personnalité indépendante de la Macronie. Ce haut fonctionnaire est un politique au cœur des gouvernements Sarkozy puis Macron. Il était jusqu’au 6 août dernier (Arrêté du 6 août 2020 portant maintien à disposition et fin de mise à disposition (Conseil d’État)) et au remaniement qui a remplacé la ministre Belloubet par Dupont-Moretti, le directeur de Cabinet de la garde des Sceaux de Macron. C’est-à-dire le maitre d’œuvre de la politique en matière de justice du régime Macron lui même ! il avait alors été reversé au Conseil d’État….
Lors de son intronisation, le Nouvel Obs rappelait le très politique parcours de Hérondart camarade de promotion de l’ENA de Runacher et de Pellerin, deux ministres du gouvernement Macron :
Place Vendôme, un nouveau directeur de cabinet a pris ses fonctions dès ce week-end. Selon nos informations, Mathieu Hérondart, 42 ans, conseiller d’État, énarque et diplômé de HEC, dirigera l’équipe des conseillers de la nouvelle garde des Sceaux. L’homme est réputé bien connaître la Place Vendôme : il fut directeur adjoint de cabinet de Rachida Dati durant une année, en 2007, avant d’être exfiltré comme directeur de l’administration générale (DAGE) de ce même ministère puis enfin nommé secrétaire général adjoint toujours de ce même ministère, poste important qu’il a occupé de 2008 à 2013.
Où l’on voit que l’on est très loin d’une justice rendue dans des conditions garantissant de façon évidente indépendance et impartialité : l’ex-chef de l’administration du ministère de la Justice de Macron se prononçant sur la légalité des décrets pris par ce gouvernement de Macron ! une confusion des genres qui ne fait pas apparaître que l’entre-soi de classe, au service d’une justice de classe pour le règne sans partage de la classe capitaliste et de son pouvoir toujours plus totalitaire…
Les fichiers de police – trop peu – recadrés par le Conseil d’État / communiqué intersyndical
Saisi d’un recours en référé par les organisations syndicales CGT, FO, FSU, SAF, SM, Solidaires, l’Unef, ainsi que par l’association GISTI contre les décrets qui élargissent considérablement le champ de trois fichiers de police et de gendarmerie, le Conseil d’État vient malheureusement de rendre une décision de rejet.
Bien maigre consolation, la décision du Conseil d’État vient simplement préciser que la mention des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale ainsi que des « données de santé révélant une dangerosité particulière » ne sauraient constituer en tant que telles des catégories de données pouvant faire l’objet d’un fichage mais que, dans l’hypothèse où des activités seraient susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État, il sera possible de ficher ces activités, même si elles font apparaître les opinions politiques, les convictions philosophiques, religieuses, l’appartenance syndicale ou des données de santé de la personne. La nuance est importante et interdit donc « un enregistrement de personnes dans le traitement fondé sur la simple appartenance syndicale ». Il est heureux que le Conseil d’État l’ait précisé et nous veillerons à ce que la CNIL soit particulièrement attentive à faire respecter ce point.
Toutefois, l’atteinte portée aux droits et libertés reste conséquente car ces informations pourront toujours assez facilement apparaître dans les fichiers concernés et ce d’autant plus que parmi ces fameuses « activités susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État », peuvent désormais figurer les « habitudes de vie », notion particulièrement floue, ou encore l’activité d’une personne sur les réseaux sociaux.
En outre, ces fichiers peuvent avoir des conséquences directes sur la situation professionnelle d’un bon nombre de salarié.es. Ils sont directement consultés pour toutes les enquêtes administratives préalables aux recrutements, affectations, mutations, décisions d’agrément ou d’habilitation pour certains emplois (emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, l’accès à des zones protégées comme les sites nucléaires, les sites militaires, aéroports, emplois au sein d’une entreprise de transport public de personnes…). Ils sont aussi consultés par les préfectures à l’occasion des demandes de titres de séjour ou de naturalisation par les étrangers.
Il est donc évident que le combat ne peut s’arrêter là : nos organisations reviendront donc devant le Conseil d’État pour obtenir l’annulation des dispositions les plus inquiétantes des décrets contestés.
Montreuil, le 5 janvier 2021
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