Plusieurs articles et débats ont déjà évoqué la concurrence entre le livre numérique et son grand frère de papier, l’avènement de l’un étant, selon certains avis, susceptible de provoquer la mort de l’autre.
D’autres articles ont renforcé cette crainte en raison de l’initiative de Google de numériser le patrimoine littéraire mondial.
Ces débats, dont je ne nie pas la pertinence, éclipsent malheureusement ce que devrait être et sera demain le livre numérique : un nouveau média fondamentalement différent du livre numérisé.
Ce média ne signera pas plus la mort du livre en papier que ne l’ont fait avant lui le cinéma et la télévision et, en regard de ce qu’il propose, les reproductions numériques d’ouvrages en papier apparaîtront bien pâles.
C’est qu’il est possible, pour l’auteur d’un livre numérique, d’emmener son lecteur sur les traces de sa pensée à travers le texte, le son et l’image grâce aux liens qui jalonnent son récit.
Le livre numérique cumule alors les avantages du livre, du mp3 et de la télévision et constitue dès lors un moyen d’expression totalement nouveau.
Le tout premier livre
d’une nouvelle maison d’édition, par ailleurs à la recherche d’auteurs, présente 306 minutes de vidéos à l’appui de son propos et au total une centaine de liens vers des pages du Web permettant de vérifier ou approfondir ses informations ou son raisonnement.
La technologie du numérique offre encore aux auteurs d’autres possibilités dont l’interactivité avec le lecteur par la modification de la trame en fonction de ses choix, comme la personnalisation du livre qui consiste à donner aux personnages les prénoms demandés par l’acheteur, comme des enquêtes virtuelles dont les indices seraient disséminés en temps réel sur des sites Web complices. La maison d’édition « Penser autrement.com », sœur de la précédente, a beaucoup d’idées novatrices pour les ouvrages de fiction.
De ce point de vue, l’avantage du livre numérique sur le livre traditionnel, qu’il soit numérisé ou en papier, est incontestable. Mais il existe d’autres avantages, notamment écologiques et économiques.
Un livre numérique est accessible en ligne et ne nécessite donc aucun déplacement ni aucun espace de rangement. Il n’implique pas la destruction de forêts pour fabriquer du papier, ni de solvants pour l’encre d’imprimerie, ni d’essence ou de diesel pour acheminer les livres dans des librairies.
Sa diffusion est mondiale. Si le livre est écrit en français, il peut être acheté par n’importe quel francophone quel que soit son pays d’adoption alors que la diffusion des livres en papier est presque toujours limitée géographiquement.
L’économie des frais d’impression et de diffusion, et de la part du libraire, permet à l’éditeur et à l’auteur de se partager le prix de vente hors TVA et inverse le rapport entre les droits d’auteur et la rémunération de l’éditeur dont le risque financier est désormais réduit voire inexistant sur le long terme. Un auteur qui gagne entre 5 et 15% sur le livre traditionnel peut gagner jusqu’à 75% sur le prix du livre numérique
Tout cela doit bénéficier au consommateur. Le premier livre de « Penser librement.com », « La monnaie du partage » se vend à 1,82 €. Le prix moyen devrait se situer entre deux et trois euros et n’atteindre cinq euros qu’en de rares circonstances. En cette période de crise ou de réduction permanente du pouvoir d’achat, ce n’est pas négligeable. C’est également réaliste puisqu’on peut trouver de nos jours, en location ou même à l’achat, des films en DVD au prix de trois euros.
Cela nous change des e-books de 20 pages, bourrés de fautes, vendus à des prix supérieurs à des chefs-d’œuvre de la littérature, à grands renforts de pages de vente et de témoignages favorables, sollicités ou inventés, que l’histoire du livre numérique retiendra dans son tiroir aux arnaques parce qu’ils disaient tous à peu près la même chose.
Il faudrait peut-être bannir le terme anglophone de notre vocabulaire et lui préférer sa traduction française moins dévalorisée par la tentation de certains de faire beaucoup d’argent à tout prix en se moquant du lecteur.
Le livre numérique, tel que nous l’entendons et le défendons dans cet article, c’est-à-dire multimédia, novateur et à prix raisonnable, devrait connaître un bel avenir et apporter beaucoup à la société du futur.
En premier lieu, il permettra à un plus grand nombre d’auteurs de talent de se révéler. Chez un éditeur traditionnel, il est très difficile, si l’on ne jouit pas d’une notoriété déjà bien affirmée ou si l’on n’a pas vécu d’événement hors du commun, de publier un premier livre.
En effet, l’éditeur traditionnel prend un risque financier et il essaie, légitimement, de le réduire autant que possible. La qualité de la plume a souvent moins d’importance que le vécu de l’auteur. C’est ainsi que vous trouverez dans les livres en papier des mémoires de personnages politiques, de détenus, de personnages mêlés à des scandales ou à des événements qui ont défrayé la chronique ou d’adolescents précoces. Ce sont autant d’arguments de vente.
Le problème est que de bons auteurs dont le vécu est plus anodin sont souvent laissés sur le carreau, le plus souvent parce qu’ils n’offrent pas la garantie d’un succès en librairies, parfois aussi parce qu’ils ne s’intègrent pas à la pensée unique qu’un éditeur de bon ton a souvent intérêt à ménager.
Or, avec le livre numérique et la diminution ou la disparition du risque financier, un auteur inconnu peut tenter sa chance. Le public est ainsi réhabilité dans son rôle naturel de juge et c’est certainement un plus pour la démocratie.
Face à la pensée unique, le Web est devenu le seul lieu de résistance, la seule source d’information pluraliste permettant encore au citoyen de penser librement… et de s’exprimer librement.
La liberté d’Internet sera peut-être la dernière qui nous restera. Cultivons-la, protégeons-la, utilisons-la au maximum des possibilités qu’elle nous offre. Nous voyons bien, en regardant ce monde et ses tragédies, ses problèmes et ses crises, que la pensée unique n’atteint qu’un seul objectif : se maintenir au pouvoir pour spolier toujours davantage le stupide troupeau bêlant que nous formons et qu’il suffit d’amuser pour qu’il soit content de faire un beau voyage quand on le conduit à l’abattoir.
Le livre numérique peut atteindre une force de conviction supérieure à celle d’autres médias. Il allie celle du texte à celle de l’image et du son et il reste à la disposition de son lecteur quand l’émission télévisée, qu’on n’a pas pensé à enregistrer, est passée.
La conclusion ? Cessons donc de confondre livre numérisé et livre numérique et accueillons ce dernier, non comme un danger pour le livre papier qui en a vu d’autres, mais comme une chance pour la société.
Au final, ce sera au consommateur de déterminer son niveau d’exigence en matière de qualité aussi bien que le prix qu’il est d’accord de payer pour un livre. C’est à lui de voir s’il y a lieu de distinguer l’e-book du livre numérique mais encore fallait-il qu’il sache que ce dernier, au sens où nous l’entendons, existe.