Le multiculturalisme est-il une solution en Europe ?
NAISSANCE ET FIN DES NATIONS. QUESTION DE TEMPS
L’hétérogénéité des origines culturelles des individus qui composent un peuple, rend caduque la nation.
La culture, partagée par une grande majorité d’individus, était le ciment et le fondement de la nation. Cette unité culturelle n’existe plus.
Les différentes communautés grandissantes ont généré des communautarismes imprégnés de leurs propres valeurs fragmentant ainsi les nations.
Des sociétés nouvelles sont nées, développant autant de nouveaux triptyques (« identité politique, territoire donné, communauté d’individus ») que de communautés. Elles rassemblent désormais ces communautés d’individus « vivant sur un même territoire, ayant la même origine, la même culture et la même religion » qui se juxtaposent mais qui n’ont parfois principalement en commun que la volonté de vivre sur le même territoire. Il en résulte que l’appartenance à la nation et l’adhésion à ses fondamentaux n’est pas souhaitée par une partie de ces communautés minoritaires, islamique notamment. L’intégration n’est pas réussie et les cultures cohabitent sans vouloir (ou pouvoir) se mélanger.
Les nations n’étant pas figées, le système politique devra suivre.
Qui pourra empêcher une communauté grandissante, dont l’enracinement sur le territoire n’est pas discutable au regard des générations qui s’y sont suivies, de bénéficier des principes démocratiques de la République ? Toutes les nations sont concernées. Pendant que les institutions internationales tentent de conserver les pays à l’intérieur des frontières actuelles, les nations à l’intérieur de ces frontières évoluent.
Jacques ATTALI prévoyait (avant la vague migratoire 2015/2016) lors d’une conférence qui réunissait des représentants de la communauté juive française, que prochainement il n’y aurait plus que 3 millions de juifs en Europe et 50 millions de musulmans. Il recommandait aux juifs de faire l’effort de « tendre la main aux musulmans » considérant que leur avenir était indissociable de celui des musulmans.
La transformation des nations européennes est devenue inéluctable et la laïcité, dénominateur commun des communautés aux cultures diverses, doit être érigée en valeur intangible et rappelée à tous par tous les moyens. C'est le seul moyen de contenir les communautarisme.
L’UNESCO s’attache à donner une définition de la culture qui permet d’apprécier la prépondérance de son rôle dans la nation :
"La culture a été définie comme « l’ensemble des signes auxquels les membres d’une société se reconnaissent mutuellement tout en se distinguant de ceux n’appartenant pas à cette société ».
Elle a aussi été considérée comme « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social » et comme englobant « outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».
La culture est au cœur de l’identité individuelle et sociale et elle constitue un élément majeur de la conciliation d’identités de groupe dans un cadre de cohésion sociale."
Peut-on en déduire son corolaire ? Pour une population qui ne partage pas ... les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances, alors la conciliation d’identités de groupe dans un cadre de cohésion sociale sera difficile…
La diversité, érigée un temps en enrichissement de la nation, devient source de fractures - sifflements pendant la Marseillaise au stade de France, refus de respecter la minute de silence « CHARLIE », ouverture particulière des piscines aux seules femmes musulmanes, refus de laisser une femme musulmane se faire soigner par un homme, refus de certains hommes de serrer la main d’une femme, repli communautaire, non-respect des représentants de l’ordre public (pompiers, police...), refus de participer aux élections…
A l’évidence, la culture de la nation française issue de la révolution ne peut plus être partagée par tous les nouveaux français aux origines si diverses. Il en résulte les difficultés nées du multiculturalisme que l’UNESCO soulignait.
« L’état-nation est un domaine dans lequel les frontières culturelles se confondent aux frontières politiques. L’idéal de l’état-nation est que l’état incorpore les personnes d’un même socle ethnique et culturel. Cependant, la plupart des états sont polyethniques (…) de telles entités n’existent pas. L’idée d’état-nation devient problématique car l’état n’est plus considéré comme le principal refuge de la culture nationale. La crise de l’état-nation se rapporte à la séparation entre état et nation. Les identités sociales, (…) peuvent se réaffirmer de multiples façons car l’état s’affranchit de plus en plus de ses fonctions traditionnelles.
En Europe de l’ouest, la crise identitaire nationale est liée à la montée du nouveau nationalisme qui opère à différents niveaux, allant de la xénophobie aux formes plus modérées de nationalisme culturel. Ce nouveau nationalisme se développe davantage contre les immigrés que contre les autres nations ; il est moins motivé par des notions de supériorité culturelle que par les implications que le multiculturalisme a sur l’état providence. Ainsi, un grand défi qui se pose à l’état démocratique multiculturel est celui de trouver les moyens de préserver le lien entre citoyenneté sociale et multiculturalisme… »
Pourtant des vagues migratoires massives italiennes et espagnoles entre le milieu du XIX e et le milieu du XXe s. ont concerné plus d’un million de personnes et ont abouti à une complète assimilation même si des frictions ont jalonné cette période ici et là.
Au milieu du XXe s. deux vagues migratoires se produisent en même temps, l’une portugaise d’environ 750 000 personnes, l’autre maghrébine (Algérie, Maroc, Tunisie) avec 1,5 million de personnes. A noter qu’il y avait également 1,5 millions d’européens installés au Maghreb à la fin de la période coloniale qui ont été rapatriés.
L’accélération des phénomènes migratoires depuis le milieu du XXe s. conduit à la naissance d’une nouvelle société multiculturelle.
Si les difficultés constatées lors de l’installation des populations européennes, principalement d’ordre économique, ont conduit à une assimilation volontaire et acceptée par tous, il n’en est pas de même pour une part des populations maghrébines qui a conservé un marqueur identitaire fort, l’Islam. A l’évidence, italiens, espagnols et portugais, chrétiens, croyants et pratiquants, se retrouvaient dans l’acceptation des origines de la même culture gréco-romaine et chrétienne qui favorisait les rapprochements et les mariages. Ce qui de ce point de vue, n’a pas été le cas avec les musulmans. D’où la naissance d’une communauté musulmane revendiquant sa culture et ses différences, en France notamment.
La rapidité de ces mouvements et leur importance se sont opposés à une intégration facile.
L’Europe voudra-t-elle et saura-t-elle s’adapter à cette révolution culturelle qui consiste à repenser sa propre culture pour laisser de la place à celle de l’autre ?
Chaque pays européen se fixe un seuil d’acceptation des communautés avec des disparités importantes, l’immigration en Hongrie, sans comparaison avec celle de l’Allemagne ou de la France se distingue avec des réactions importantes.
Les gouvernements n’ont considéré que les aspects économiques à court terme du bénéfice de l’immigration, le processus d’intégration étant laissé au bon soin de la population. Après des décennies de « laisser faire », l’Europe fait le constat suivant avec les déclarations éloquentes et concomitantes d’Angela Merkel (10/2010), de David Cameron (5/02/2011), de Nicolas Sarkozy (10/02/2011) et du Conseil de l’Europe.
En octobre 2010 (LE FIGARO.fr), devant le congrès des Jeunesses de sa formation conservatrice, Angela Merkel admet « l'échec du multiculturalisme allemand ». Ce modèle a « totalement échoué ».
La chancelière a simplement et radicalement enterré le modèle d'une Allemagne multiculturelle, où pourraient cohabiter harmonieusement différentes cultures. Cette approche « Multikulti » - « nous vivons côte à côte et nous nous en réjouissons » - a « échoué, totalement échoué ». Les immigrants doivent s'intégrer et adopter la culture et les valeurs allemandes. « Nous nous sentons liés aux valeurs chrétiennes. Celui qui n'accepte pas cela n'a pas sa place ici », a-t-elle dit. « Subventionner les immigrants » ne suffit pas, l'Allemagne est en droit « d'avoir des exigences » envers eux, a poursuivi la chancelière allemande, par exemple qu'ils maîtrisent l'allemand et qu'il n'y ait plus de mariages forcés.
Ainsi, Madame MERKEL fait sienne cette phrase attribuée à saint Ambroise de Milan en référence au voyage de saint Augustin à Rome « Si tu es à Rome, vis comme les Romains ; si tu es ailleurs, vis comme on y vit. ».
Le débat sur la place des étrangers en Allemagne a pris une nouvelle tournure depuis la parution du livre choc de Thilo Sarrazin. Dans cet essai, L'Allemagne se détruit, ce membre du Parti social-démocrate, qui siégeait au directoire de la banque centrale allemande, affirme que les musulmans minent la société allemande et abaissent l'intelligence moyenne de la population. Son livre a suscité un tollé, mais il figure toujours dans les meilleures ventes et les sondages montrent qu'une majorité d'Allemands approuvent son argumentation.
Dans le même temps, alors que certains conservateurs aimeraient refermer les vannes, la chancelière allemande juge que l'immigration est nécessaire étant donnée la pénurie de main d'œuvre qualifiée (400.000 personnes selon la chambre de commerce et d'industrie). Et elle estime aussi que « l'islam fait partie de l'Allemagne ».
Le 5 février 2011 (Libération), David Cameron reconnaît l'échec du multiculturalisme en Grande-Bretagne et dénonce l'échec de la politique de multiculturalisme dans son pays, en appelant à mieux intégrer les jeunes musulmans pour lutter contre l'extrémisme. Les déclarations de M. Cameron devant la Conférence de Munich sur la sécurité marquent un changement important dans la politique britannique à l'égard des minorités ethniques et religieuses. Il a estimé que la politique de trop grande "tolérance" adoptée à l'égard de ceux qui rejettent les valeurs occidentales, avait échoué. Il a plaidé en faveur d'"un libéralisme plus actif, plus musclé" pour défendre activement l'égalité des droits, le respect de la loi, la liberté d'expression la démocratie, et renforcer l'identité nationale en Grande-Bretagne. "Avec la doctrine du multiculturalisme d'Etat, nous avons encouragé différentes cultures à vivre séparées les unes des autres" et du reste de la population …Cela a conduit, selon lui, à un déficit d'identité nationale en Grande-Bretagne qui a amené de jeunes musulmans à se tourner vers une idéologie extrémiste.
Le 10 février 2011 (LE FIGARO.fr). Sur TF1, le chef de l'Etat français a ainsi emboîté le pas à Angela Merkel et à David Cameron qui ont tous deux estimé que le multiculturalisme était un échec. Le multiculturalisme est "un échec", a déclaré Nicolas Sarkozy, "on s'est trop préoccupé de l'identité de celui qui arrivait et pas assez de l'identité du pays qui l'accueillait"..
"Nous ne voulons pas d'une société dans laquelle les communautés coexistent les unes à côtés des autres. Si on vient en France, on accepte de se fondre dans une seule communauté, la communauté nationale. Si on n'accepte pas cela, on ne vient pas en France", a-t-il insisté. "Si on accepte tout le monde, notre système d'immigration explose", a encore estimé le président français.
Ces déclarations ont été suivies cinq ans après, de celle de Madame Merkel convaincue .... de l’opportunité que présentent l’immigration massive poussée par la guerre au moyen orient :
En décembre 2015 (Rédaction du Huffpost avec AFP). Madame Merkel déclare à l’occasion de ses vœux de fin d'année : « Les réfugiés sont une chance pour l'Allemagne de demain », mettant en garde contre ceux, "plein de haine", qui veulent "exclure les autres". "Il est évident que nous devons aider et accueillir ceux qui cherchent un refuge chez nous", a-t-elle martelé. Elle a mis en garde ses compatriotes contre les mouvements populistes hostiles aux réfugiés, à l'image du mouvement Pegida…, et du parti Alternative pour l'Allemagne (AfD). "Il est important de ne pas suivre ceux qui, le cœur froid ou plein de haine, se réclament eux seuls de l'identité allemande et veulent exclurent les autres", a-t-elle insisté, appelant l'Allemagne "à ne pas se laisser diviser".
Quelle Madame MERKEL aura raison ? Réponse dans quelques décennies.
A suivre : Si la société multiculturelle est un échec, alors place à l’interculturalisme (cf. le Conseil de l’Europe) ?
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