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Pierre Cot, continuateur de la dynamique révolutionnaire portée par le peuple de France

La vie politique de Jean Moulin s’est continuée après la Libération à travers la personne de Pierre Cot que nous avons retrouvé, le 5 avril 1946, à la tribune de l’Assemblée nationale constituante, où il présente le rapport qu’il a établi sur le projet de la nouvelle Constitution, à faire ensuite ratifier par le suffrage universel.

Spécialiste du droit constitutionnel, il est ici tout à son affaire. Avec lui, nous allons pouvoir étudier sereinement ce qui s’appelle le régime d’assemblée unique. Cela nous placera immédiatement aux antipodes de la Constitution de la Cinquième République, sous le règne de laquelle - et par la grâce de Charles de Gaulle - nous sommes depuis 1958 et, pour sa révision principale, depuis 1962.

Écoutons donc Pierre Cot  :
« Le premier trait distinctif du projet de la commission, c’est qu’il s’oppose au type classique du gouvernement parlementaire. Ce gouvernement est fondé sur la séparation des pouvoirs. » (page 848)

Il est bien vrai qu’aujourd’hui personne ne s’aviserait de remettre en cause ce principe-là. Il paraît être le garant de la liberté… De quelle liberté ? Ce ne peut être que le garant de la liberté d’entreprendre, qui, elle-même, exige un ensemble très complexe de libertés connexes qui viennent ensuite se partager en droits et devoirs différemment répartis selon que l’on se trouve du côté de l’entreprise en général, ou du côté des travailleurs et travailleuses qui, démuni(e)s de tout moyen de production, ne peuvent qu’offrir leur travail pour mériter de survivre, eux, elles, et leur famille.

Pour oser repousser le principe de séparation des pouvoirs, il faut tout d’abord en faire l’historique. C’est à quoi Pierre Cot se livre immédiatement :
« En France et en Angleterre, où il naquit, il fut surtout "une arme de guerre dirigée contre la monarchie absolue". En exagérant à dessein la différence existant entre deux fonctions - celle de définir la règle générale, c’est-à-dire la loi, et celle d’appliquer cette règle aux cas particuliers - on justifiait l’établissement, en face du "pouvoir" royal, d’un autre "pouvoir", celui du peuple, ou plus exactement celui de la bourgeoisie. » (page 848)

La formulation utilisée par Pierre Cot nous conduit à penser que le peuple n’est partie prenante, dans le schéma qu’il décrit, qu’à travers la classe qui ne peut exister sans la liberté d’entreprendre. Elle-même s’appuiera, certes, sur le peuple des travailleurs et travailleuses démuni(e)s de tout outil de travail, mais ce ne sera que pour faire triompher ses propres droits et libertés en face d’un monarque, qui, comme nous le dit ensuite Pierre Cot, peut tout aussi bien être un président : il suffit qu’il s’agisse du détenteur principal d’un pouvoir exécutif dûment séparé du pouvoir législatif :
« La séparation des pouvoirs servit à fonder la monarchie constitutionnelle, qui en fut la forme normale. Dans un pays où la monarchie ne pouvait exister - l’Amérique -, elle aboutit au gouvernement présidentiel, qui en est une forme dérivée. » (page 848)

C’est donc grâce à l’utilisation de la séparation des pouvoirs qu’en France le processus révolutionnaire bourgeois a pu contraindre peu à peu la monarchie absolue de droit divin à renoncer à tout ce qui la rattachait à l’économie et à la domination féodales, et à se convertir à l’économie de marché, puis à la libre entreprise. L’histoire allait-elle s’arrêter là ? Non, répond Pierre Cot, qui poursuit :
« Au fur et à mesure qu’on s’éloignait des conditions historiques qui l’avaient suscitée et qui la justifiaient, la théorie de la séparation des pouvoirs cessait d’être un facteur de progrès, un instrument de lutte contre l’absolutisme et devenait un obstacle au développement de la démocratie, en opposant un frein au pouvoir du peuple. » (page 849)

Pour mieux contenir ce peuple dans un certain éloignement d’un système de pouvoirs - exécutif et législatif - conçu en dehors de lui, et qui le tenait aux lisières de la véritable scène politique, il convenait de limiter l’affrontement trop brutal entre les tenants de l’ancienne aristocratie et ceux de la bourgeoisie montante. D’où la constatation faite par Pierre Cot  :
« En fin de compte, le fameux principe de la séparation des pouvoirs ne fut plus considéré comme absolu ; on y vit seulement une règle pratique, permettant de réaliser un certain équilibre, non plus entre des "pouvoirs", mais entre des "organes" gouvernementaux chargés de "fonctions" différentes par la Constitution et collaborant à la même entreprise. » (page 849)

Pour finir sur ce thème, soulignons que, grand lecteur de Karl Marx, Pierre Cot montrait que cette règle de séparation s’inscrivait dans une dynamique régulièrement soulignée par le matérialisme dialectique :
« Elle n’était qu’une application du principe de la division du travail. » (page 849)


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6 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 24 juillet 2015 10:20

    cot cot rit cot faisait le coq du PCF... !


    • Hervé Hum Hervé Hum 24 juillet 2015 11:15

      Vous savez, la difficulté ne réside pas dans l’opposition de la bourgeoisie, mais dans celle, ne disons plus le gros mot qui tache de rouge avec prolétaire, de salariés.

      ce qu’écrit Pierre Cot est très juste et cela souligne bien l’importance pour les salariés de ne plus exiger leurs droits, mais aussi leurs devoirs au lieu de rester avec l’idée que ces derniers doivent êtres imposé non par le droit (il en découle) mais par la force et la peur du gendarme.

      Bref, de convaincre les salariés d’arrêter de se comporter soit comme des enfants, soit comme des machines (forces de l’ordre) mais comme des personnes adultes, c’est à dire, responsable d’eux même et cette responsabilité ne consiste pas à commander autrui, cela c’est le rapport de domination, mais à se commander soi même vis à vis d’autrui en répondant de ses droits et devoirs.

      La responsabilité est le seul moyens, la seule valeur qui soit supérieure en tout point de vues à la propriété. Enfin, arriver à faire comprendre aux salariés que la responsabilité est la valeur suprême de l’être humain, ce vers quoi il tend depuis le début de la civilisation.

      Qu’il est possible et aujourd’hui nécessaire de construire le système économique et social à partir du principe de responsabilité en lieu et place de la propriété car celle ci est fondamentalement inaccessible au salarié, car on ne peut considérer la propriété d’usage ou d’habitation comme la propriété des moyens de productions, de la même manière qu’on ne peut comparer une épargne de consommation avec une épargne de rentier.


      • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 24 juillet 2015 11:34

        @Hervé Hum
        Merci pour votre commentaire.


      • Hervé Hum Hervé Hum 24 juillet 2015 12:59

        @Corentin Le Floch

        continu de me lire et de commenter !  smiley


      • exocet exocet 25 juillet 2015 09:31
        « Pierre Cot, continuateur de la dynamique révolutionnaire portée par le peuple de France »

        ça, il fallait oser l’écrire.

        Après une occupation qui fut une très bonne affaire pour un tiers des Français, une affaire neutre pour un autre tiers, et une survie de famine pour le dernier tiers, la libération amena une génération spontanée de résistants de la dernière heure en nombre colossal. (Henri Amouroux « la vie quotidienne des Français sous l’occupation » à lire et à relire).

        Je me souviens de mes premières années d’école primaire :

        l’instituteur nous montra des diapositives de « résistants » circulant à bord et posant à côté de tractions avant portant un très grand sigle « FFI » et la croix de Lorraine peinte en blanc sur une portière.

        J’étais surpris : pourquoi avec ces marquages se désigner au tir des ennemis (l’armée Allemande de l’époque)....et tout un tas de questions : comment circuler dans un pays occupé avec ces véhicules si criants, ou les cacher ?

        Ce n’est que bien des années plus tard, après avoir lu des ouvrages écrits par d’authentiques résistants de la première heure, et des quelques historiens restés lucides, que j’ai fini par comprendre : ces véhicules avaient été peints après le départ de l’occupant....

        Ce qui en dit long sur la « mentalité révolutionnaire de ce peuple de France ».

        Et cette « dynamique révolutionnaire » a accouché de ce merveilleux pays de France si solidaire, si juste,....que le dernier rapport 2014 de l’OCDE s’indigne de ce que dans notre Pays, seul au Monde dans ce cas, les 20% les plus pauvres perçoivent 17% (vous avez bien lu, 17%, pas 77%) des prestations sociales versées.

        Seul au Monde depuis l’après guerre pour verser des prestations familiales et logement aux familles aisées, pour leur offrir un quotient familial de rêve, une retraite d’or et un confortable supplément de traitement familial à ses hauts fonctionnaires, tandis que le manoeuvre de base n’atteint pas la retraite cotise et paie des impôts pour payer le 4X4 et la villa de tous ceux là qui encaissent mais n’en paient pas...

        France, terre de larves, un jour, un grand vent se lèvera, et vous serez pendus avec vos tripes.

        Ca, c’est une révolution, elle reste à venir


        • exocet exocet 25 juillet 2015 09:47

          Vive la Palestine libre, je me sens Dieudonné, et non je ne suis pas charlie.
          Et je pisse à la raie de ceux à qui ça ne plaît pas.

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