Sexe : morale, progrès & modernité
Les interdits associés au sexe, ce que l’on peut appeler la morale, permettent de perpétuer l’espèce humaine dans les meilleures conditions. Un père s’associe avec une mère pour élever un enfant, et les ébats sexuels sont limités pour que l’un comme l’autre soient certains d’en être le géniteur afin qu’ils en prennent soin. À l’époque du Code de Hammurabi (environ 1750 av. J.-C.) le mariage permettait la stabilité des familles et était pour l’essentiel monogamique même si l’homme pouvait quelquefois prendre une seconde épouse. En cas d’adultère de la femme, son mari avait le droit de la faire tuer, le mariage devait avant tout servir à la reproduction de l’espèce. L’homme pouvait fréquenter d’autres femmes si elles étaient consentantes et avoir toutes sortes de relations sexuelles avec ses esclaves, toutes choses ne remettant pas directement en cause la famille. L’inceste et les relations intimes avec des proches de même sang étaient sévèrement condamnés : « . § 154 : Si quelqu'un a ‘connu’ sa fille, on le chassera de la ville. § 155 : Si quelqu'un s'est choisi une bru pour son fils, si son fils l'a ‘connue’, si lui-même, par la suite, a couché dans son sein et si on l'a pris, on liera cet homme et on le jettera à l'eau. » Le viol est puni de mort si c’est une femme libre qui est la victime, pour une esclave des arrangements financiers sont possibles. La sodomie est acceptée tant pour les femmes que pour les hommes.
Plus de mille ans plus tard, les bacchanales, organisées en l’honneur de Bacchus vers 300 av. J.-C., permettent aux intéressés d’abuser de nourriture, d’alcool, de sexe… Les fêtes de débauche étaient approximativement hebdomadaires. L’homme est censé incarner force morale et énergie… en dehors des orgies. La prostitution est légale et les relations homosexuelles entre hommes sont autorisées mais seulement avec des esclaves. Dans le Satyricon de Pétrone (an 60) Encolpe aime Giton qui aurait environ 16 ans (mais probablement moins), également apprécié d'Ascylte, ancien compagnon du premier. Les personnages appartiennent à une communauté homosexuelle ou bisexuelle. Les femmes font de même : « Scintilla qui se rend malade en mangeant de la viande d’ours fait assaut de coquetterie avec Fortunata et se laisse aller à baiser étroitement son amie. » L'avortement n'était pas un sujet d'immoralité dans l'Antiquité. Platon par exemple conseillait d'avorter toute femme enceinte âgée de plus de 40 ans.
Plus de mille ans plus tard, La chronique de Versailles rapporte qu'à 13 ans, Louis XV s'intéressait davantage à courre qu'au beau sexe. On organisa en conséquence, durant l'été 1724, une partie de chasse à laquelle furent conviées 17 jeunes femmes, parmi les plus dégourdies de la cour, à charge pour elles de déniaiser le roi. Quel que soit le résultat immédiat, le succès fut fulgurant par la suite. Marquises et Duchesses fournirent en abondance au Roi les maîtresses dont il avait besoin.
Louis XV est un « viandard » pour qui seule importe la quantité. Mme de Pompadour pour titiller son appétit sexuel n'hésite pas à se déguiser en fermière et à créer le Parc-aux-Cerfs, où l'on élève des jeunes filles destinées au lit du roi, un roi qui les demande de plus en plus jeunes et les plus « neuves » possible. Mais les prouesses sexuelles ne se limitent pas au Roi, il existe des orgies tant même que l’on peut considérer Versailles comme un bordel à ciel ouvert. Mme du Barry organise des soupers fins, durant lesquels les convives quittent un vêtement à chaque nouveau plat. Quand deux personnes se retrouvent nues en même temps, le couple est formé. On prétend qu'une fois Mme du Barry fut honorée par sept messieurs ! Les gens du peuple ne participent évidemment pas à ces excès, une telle débauche entrainerait des désastres bien terrestres en plus d’une réprobation du divin. L’homosexualité n’est plus passible du bûcher, comme au Grand Siècle, elle se vit au grand jour. Ainsi, Monsieur, le frère de Louis XIV ne cache pas ses nombreuses liaisons masculines. « Tous ces jeunes gens avaient poussé leurs débauches dans des excès horribles, et la Cour était devenue une petite Sodome » (Mémoires du marquis de Sourches).
Chez les pauvres, pour se marier, on attend d'avoir un petit lopin de terre et une qualification professionnelle. La femme va souvent se louer à la ville comme servante parfois pendant dix années, avant de se lier. Un certain ordre sexuel règne : "L'homme trouve sa jouissance au plus vite, sans se soucier de son épouse". L’avortement était surtout le fait des couples extra-conjugaux ainsi que des filles de joie. Pour ce faire, maintes plantes abortives comme la rue ou l’armoise étaient utilisées. En cas d’échec, les femmes utilisaient des moyens physiques : porter de lourdes charges, tomber de haut, se donner des coups au ventre. Bien que condamné par l’Église et l’État, l’avortement fut peu réprimé sous l’Ancien Régime comme en témoigne un juriste en 1780 : « ces crimes [d’avortement], quoique très fréquents ne sont point poursuivis ni punis publiquement parmi nous, à cause de la difficulté qu’il y a d’en convaincre les coupables. Le Code pénal de 1791 ne prévoyait aucune peine à l’encontre des femmes ayant avorté.
La loi Veil du 17 janvier 1975 légalise les avortements provoqués, décidés pour des raisons non médicales. L’Interruption volontaire de grossesse peut être médicamenteuse ou instrumentale par dilatation du col de l’utérus et évacuation de l’embryon par aspiration.
Ainsi personne n’avait attendu les situationnistes qui avaient décidé de ‘Jouir sans entraves’. Tout ce qu’il était possible de faire avec des sexes masculins ou/et féminins avaient été pieusement expérimentés… du moins au sein de l’élite de la population. Il n’en était pas de même pour les gens ordinaires qui s’ils s’adonnaient à tous les délices possibles de la chair le faisaient à leurs risques et périls n’ayant pas les moyens matériels d’assumer leurs fantaisies. La morale ne fait que recommander ce qu’il faut faire pour éviter le pire, pas celui des enfers divins, celui de l’enfer terrestre. La modernité a permis de généraliser les pratiques sexuelles de l’élite vers les classes populaires. Il n’existe pas de morale universelle, on utilise la morale que l’on peut se payer grâce à des moyens financiers ou des apports technologiques. L’homosexualité en particulier ne peut que conduire à l’extinction de l’espèce humaine à moins d’utiliser l’un ou l’autre ou les deux.
Il n’est pas possible de définir la notion de progrès pour un individu et encore moins pour une population d’individus. Il est par contre possible de calculer le nombre d’esclaves énergétiques mis au service de chaque Homme grâce à des apports d’énergie (bois, charbon, gaz, uranium…). Le progrès se définira alors comme le nombre d’esclaves énergétiques et technologiques mis à disposition de chacun. De nos jours, nous possédons de l’ordre de 300 à 400 esclaves énergétiques* qui servent sous forme d’aspirateurs, de machines à laver, de moissonneuses-batteuses, de machine-outil, d’avions, de métros… mais aussi qui permettent de verser des allocations, des prestations sociales, de fournir des soins médicaux… Avant 1800 et la première révolution industrielle, la consommation d’énergie était bien moins importante que de nos jours et, par voie de conséquence, seuls 1 à 10 esclaves énergétiques par habitant était disponible. La rareté des ressources énergétiques avant le XIXe siècle nécessitait d’utiliser de véritables esclaves (ou quasi-esclaves comme des serfs, des manants, des roturiers, des prolétaires et des sous-prolétaires) pour pouvoir assumer les besoins de tous ordres d’une minorité, dont les satisfactions sexuelles. Il n’existe pas de démocratie sans énergies, sans celles-ci, à volonté de jouissance égale, une minorité imposera l’ordre qui lui convient afin d’obtenir ce qu’elle souhaite en utilisant les moyens de coercition adaptés.
Toute transformation physique est associée à une énergie, il est à craindre qu’il en soit de même à l’échelle d’une population pour toute transformation morale ou politique. Le futur qui s’annonce est donc clair. Une infime minorité contrôlera tous les moyens technologiques et informatiques de surveillance et de production sur le modèle de ce qui existe en partie en Chine. Cette minorité distribuera les moyens et les subsides selon des critères qui constitueront une nouvelle morale, une nouvelle modernité : beaucoup pour peu de monde ou un peu pour tous. Le résidu démocratique se mesurera aux choix faits, mais ‘trop est pire que peu.’
* Notion introduite par J.-M. Jancovici
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