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Accueil du site > Tribune Libre > Sommes-nous (tous) immortels ?

Sommes-nous (tous) immortels ?

Pour répondre à cette question, un détour par l’étude du comportement de l’eau est nécessaire.

Soit un liquide constitué d’atomes ou de molécules A. Quelle que soit sa nature, il existe une force d’attraction entre les unités chimiques, il va s’en suivre la formation d’agrégats :

A + A donne AA

AA donne AAA

… tétramère, pentamère… etc

Dans tous les cas usuels, la seconde réaction est plus difficile que la première (moins probable). Pour des raisons mathématiques annexes, on dit qu’il s’agit d’une réaction linéaire. Si l’on jette un objet dans un seau empli de ce liquide, une vaguelette se formera mais elle disparaîtra jusqu’à ne plus laisser de trace. La situation est totalement différente si le liquide est de l’eau.

Les molécules d’eau H2O se lient entre elles par l’intermédiaire de liaisons hydrogène entre l’oxygène d’une molécule et un hydrogène d’une autre :      -OH-O-H. La liaison ainsi formée est relativement forte et sa géométrie est elle-même relativement bien définie. Le fait essentiel c’est que la formation d’une première liaison hydrogène facilite la formation d’une seconde, la seconde d’une troisième et ainsi de suite. Il se forme ainsi des agrégats de structure moins bien définie que celle d’une molécule mais réelle. Le processus est dit non-linéaire car il est plus facile de former les liaisons hydrogène suivantes que les premières, en quelque sorte la cause a une influence sur l’effet. Les agrégats ont une durée de vie extrêmement courte (de l’ordre de 1 picoseconde) mais ils sont détectables.

Si vous jetez un gravillon ou un lourd pavé dans une mare, les structures des agrégats de molécules d’eau vont être perturbées et, étant donné le caractère non-linéaire des interactions, le milieu ne reviendra jamais à son état antérieur. Le système est perturbé d’une façon permanente et, poétiquement, on peut parler d’immortalité du nouveau système engendré par la perturbation du milieu aqueux. Aucun autre liquide ne se prêterait au même phénomène. 

Un Homme adulte est constitué de 65% d’eau environ (45 litres d’eau pour 70 Kg). La quasi-totalité des processus chimiques qui lui donnent vie sont des processus non-linéaires : constitution de membranes, fixation de l’oxygène par l’hémoglobine, réactions enzymatiques, transmission d’informations par les neurones… La mort fait cesser les processus non-linéaires pour leur substituer des réactions chimiques habituelles telles que celle que l’on peut décrire pour la combustion d’une allumette. Il pourrait être argué que le vivant retourne à l’état d’atomes et que ceux-ci sont pratiquement immortels (la durée de vie d’un proton est de l’ordre de 1033 ans). Mais cette proposition équivaut à partir de rien pour finir en pas grand-chose ce qui ne satisfait que médiocrement le désir d’immortalité proclamé par beaucoup.

Mais l’Homme est indissociable d’une société, dans ce cadre l’Humanité peut-elle garder une mémoire éternelle d’un fait, d’une invention, d’un massacre ? Pour qu’une certaine immortalité existe il est impératif d’utiliser des phénomènes non-linéaires sinon le bruit de fond aura tôt fait de faire disparaître toute information jugée pertinente. Les interactions entre hommes et femmes au sein du système sociétal doivent se prêter à cette non-linéarité. Les émois, les élans affectifs et encore plus distinctement l’Amour sont des phénomènes non-linéaires : une flamme s’allume vis-à-vis d’un autre être, cet être n’est pas indifférent, il attise en conséquence l’attirance du premier… et ainsi de suite. Malheureusement, l’Amour n’est pas le phénomène non-linéaire les plus courant et le plus accessible. La jalousie, la haine conduisent beaucoup plus fréquemment à des états paroxystiques dus à une résonance des sentiments. Il faut d’ailleurs constater que la plus implacable des barbaries est restée dans les mémoires bien plus profondément que les amours (adultères) de Tristan et Iseut.

Il y a donc une possibilité d’immortalité pour tout être humain animé de sentiments puisque ceux-ci se prêtent aux phénomènes coopératifs. Par contre, les échanges marchands et financiers sont incapables de le faire. On donne le prix prescrit à un bien ou à un service sans tenir compte de l’état d’âme du vendeur, ni celui de l’acheteur. Cette remarque est également valable pour toute interaction dans un cadre purement légal, celui-ci a d’ailleurs été créé pour éviter tout sentiment, juste ou pas, pertinent ou pas, lors des échanges. La spéculation financière fait elle intervenir massivement les sentiments et les ressentiments jusqu’à faire vivre dans un monde parallèle proche d’un monde religieux car ne reposant sur rien de tangible.

En fin de compte, par un regard, un geste, quelques notes de musique, chacun peut devenir immortel. Le seul moyen infaillible de ne pas le devenir c’est de devenir une machine à calculer.


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29 réactions à cet article    


  • Clocel Clocel 14 février 13:56

    La société, c’est l’endroit où l’Homme ne se rencontre pas, la question pertinente serait : Y’a t-il une vie avant la mort ?


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 15 février 10:23

      @Clocel
      Tout dépend des définitions.


    • Brutus S. Lampion 14 février 14:36

      Ce sont toujours les mêmes chromosomes qui se mélangent, mais il y a des mutants.


      • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 15 février 10:24

        @S. Lampion
        Les chromosomes se mélangent certes, là aussi c’est un phénomène coopératif.


      • Valyria Tanit Valyria Tanit 14 février 14:46

        « Dans l’esprit de certains de ces hommes a germé une idéee effrayante : selon eux l’existence humaine tout entière ne serait qu’une immense erreur, un avorton issu d’une fausse couche violente et malheureuse de notre mère à tous ; une tentative désordonnée de la nature qui se serait soldée par un échec épouvantable. Cependant, parmi ces mêmes personnes, une autre idée s’est également fait jour : celle qui veut que l’homme ne soit pas un simple animal partiellement raisonnable, mais un enfant des dieux destiné à devenir immortel. »
         « Le Loup des steppes » (Der Steppenwolf), Hermann Hesse (Le Livre de Poche, traduction de l’allemand par Alexandra Cade, 2004)


        • Clocel Clocel 14 février 14:52

          @Valyria Tanit

          Et... Que dit le fleuve ? smiley

          (Siddhartha)


        • Brutus S. Lampion 14 février 15:55

          @Clocel

          Il dit que, si Kamala s’enfuit, il ne faut pas partir à sa recherche mais accepter sa décision.


        • Clocel Clocel 14 février 16:23

          @S. Lampion

          Ah... Kamala et sa bouche aussi douce qu’une figue...

          Chère Kamala, encore une victime d’un perfide ophidien, les dieux sont dégueulasses...


        • Valyria Tanit Valyria Tanit 14 février 17:06

          « Il vivra désormais près du fleuve en compagnie d’un humble et sage passeur qui lui « apprend » à découvrir « l’enseignement » du fleuve. C’est en écoutant les mille voix du fleuve, en laissant le fleuve tout lui enseigner qu’il va finalement trouver lui-même sa propre voie intérieure. Siddhartha s’est toujours méfié des maîtres, mais il en a eu plusieurs ; cependant, dit-il, « c’est surtout à ce fleuve que je dois la plus grande partie de mon savoir et à mon prédécesseur, le passeur Vasudeva. »
          « Ce que je suis incapable d’aimer, [dit-il encore,] ce sont les paroles. Et voilà pourquoi je ne fais aucun cas des doctrines. » Pour faire triompher sa thèse, Hesse avait besoin de recourir à un maître qui n’utilise pas le langage usuel, à un maître dont il faut plutôt chercher à découvrir l’énigme : le fleuve. Et par là, il rejoint le culte que les hindous vouent aux fleuves sacrés. »
          https://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/10355


        • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 15 février 10:25

          @Valyria Tanit
          L’Homme est surtout le fruit du hasard puis de la sélection naturelle.


        • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 15 février 10:27

          @S. Lampion
          On ne souffre pas de son départ, on souffre parce qu’on pense qu’elle va revenir.


        • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 15 février 12:47

          @Jacques-Robert SIMON
          « de dÂmeNature et du SOL », 2 mots sont à définir, s’il vous plaît, monsieur le scientifique, dîtes-nous smiley ; vous n’en définissez qu’un-(simple sélection, qui est un traitement) pour assurance de Privilèges. C’est mince quand même, mais bon, elle est naturelle, alors çà va smiley


        • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 15 février 12:53

          @Valyria Tanit
          Quand l’ EAU se met à parler, c’est dès les premières pages du second Livre de La Jungle de Kipling. Et+, l’annualité des crues imprimée par Yang-Tsé ou Nil devait sacrément conformer les gens.


        • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 16 février 10:15

          @Sylfaën.H.
          La Nature est une suite de hasards, l’Homme n’y croit jamais vraiment.


        • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 16 février 16:11

          @Jacques-Robert SIMON

          La Nature est une suite de hasards, l’Homme n’y croit jamais vraiment.


          sauf quand elle te nourrit, te porte, te laisse là dépouiller pour te réfugier dans ton hasard, incertitude probabilistiquement catégorisée en VRAI et FAUX, non-indépendant !

        • riemann66 riemann66 15 février 12:24

          Sommes-nous immortels ? Vaste question.

          Je pense que notre enveloppe corporelle ne l’est pas, elle disparaît au moment de la mort, avec la conscience. Mais je fais l’hypothèse que notre finalité d’êtres vivants (plantes, animaux, humains) est de palier l’augmentation naturelle de l’entropie du monde matériel en créant et structurant de l’information « permanente » augmentant la néguentropie d’une sorte de « noosphère » (au sens de Teilhard de Chardin & Co), un monde informationnel consubstentiel du monde matériel.

          Bon, c’est une hypothèse de travail qui répond à quelques-unes de mes questions existentielles - et si ça vous intéresse, vous pouvez survoler quelques unes de mes élucubrations sur ce sujet ici : http://lambdaway.fr/workshop/?view=noosphere . Soyez gentil, évitez l’insulte. Je souhaite seulement partager une hypothèse de travail et avoir un retour si possible constructif.


          • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 16 février 10:16

            @riemann66
            Merci de la référence. Il me paraît acquis qu’il y a deux mondes, l’un matériel l’autre immatériel qui coexistent.


          • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 15 février 12:41

            La formation d’agrégat s’oppose à Loi : « La Nature a horreur du Vide », qui est le facteur limitant, une pression, car déplacements-(accélération en 1/d²) entre atomes. Pilotage en température. Le pH est vu comme un gradient, une agitation. Reste la gravité où la stratification fait se distinguer des phases.

            l’Amour n’est pas le phénomène non-linéaire les plus courant et le plus accessible. La jalousie, la haine conduisent beaucoup plus fréquemment à des états paroxystiques dus à une résonance des sentiments.

            Pour Amour, faut être 2, pour envie, jalousie, haine, c’est 1, tout seul. Ce principe vaut en tant que langage projectif où il y a besoin fonctionnel de communiquer pour connaissance, coopération, partage.

            se prêtent aux phénomènes coopératifs. Par contre, les échanges marchands et financiers sont incapables de le faire

            car ils ont la même finalité, l’intérêt ; là où Homme cherche diversité.

            Le seul moyen infaillible de ne pas le devenir c’est de devenir une machine à calculer.

            Ternaire, comme page.17-(pdf :https://kdrive.infomaniak.com/app/share/929279/c70f784c-3a4d-4bb9-b444-e31beaf40fc7 ).


            • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 16 février 10:20

              @Sylfaën.H.
              La Nature du vide n’intervient pas directement dans le texte. Pour la jalousie et la Haine il faut aussi être plusieurs. L’Homme ne cherche pas forcément la diversité : elle lui fait peur. Merci pour la référence.


            • zygzornifle zygzornifle 15 février 12:45

              Immortel cela veut dire que les dictateurs Russe, Chinois, Nord et autres coréens vont gouverner éternellement et je ne vous parle même pas du Macron qui se sentirait pousser des ailes ....


              • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 16 février 10:21

                @zygzornifle
                Vous connaissez Gengis Khan, je le crains.


              • Croa Croa 15 février 13:04

                L’eau est un semi-conducteur. En raison de son état liquide à température ambiante, l’eau est inutilisable en tant que semi-conducteur, mais cela lui donne forcément des caractéristiques particulières.


                • Clocel Clocel 15 février 14:47

                  @Croa

                  H2O... Voici à quoi la « science » réduit un élément fondamental de la vie, ça laisse augurer du croustillant dès qu’on arrive sur des éléments plus complexes et, qui plus est, interdépendants...

                  Quelle farce...


                • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 16 février 10:22

                  @Croa
                  L’eau est un mauvais conducteur ionique mais ce n’est que lointainement que cela intervient sur les liaisons hydrogène.


                • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 16 février 10:34

                  @Jacques-Robert SIMON
                   
                  je ne suis pas sûr que l’eau parfaitement pure soit un conducteur ionique. Mais il est vrai que l’eau parfaitement pure n’existe pas dans notre environnement : elle contient toujours des sels minéraux et d’autres substances qui sont responsables de sa conductivité plus ou moins relativement élevée.
                  Quant à pouvoir la dire semi-conducteur, j’ai un doute.
                   
                   Un peu d’histoire concernant les semi-conducteurs, et le lremier connu : le poste à galène.


                • Croa Croa 16 février 13:49

                  À Jacques-Robert SIMON
                  Peu importe qu’elle soit mauvaise conductrice ionique, si elle est un bon conducteur électronique, ce que l’eau est assurément dès lors que des impuretés permettent des échanges d’électrons. 


                • Bernard Mitjavile Bernard Mitjavile 15 février 15:22

                  J’ai abordé cette question dans un article plus simple et direct il y a quelques années, article qui avait eu un certain succès :https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/etonnant/article/le-rapport-cerveau-conscience-et-176630

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