Thomas More, premier critique du capitalisme
Dans son Utopie, Thomas More nous offre, par l'intermédiaire de son personnage Raphaël Hythloday ( qui a séjourné dans la fameuse île d'Utopia), la première critique du capitalisme, et ce dès 1516, soit 332 ans avant le Manifeste du parti Communiste.
Pour preuve ces deux premiers passages, présent dans la première partie de l'Utopie qui est une réelle charge contre la société anglaise de l'époque.
« Partout où la propriété est un droit individuel, où toutes les choses se mesure par l'argent, là on ne pourra jamais organiser la justice et la prospérité sociale, à moins que vous n'appeliez juste la société où ce qu'il y a de meilleur est le partage des plus méchants, et que vous n'estimiez parfaitement heureux l’État où la fortune publique se trouve la proie d'une poignée d'individus insatiables de jouissances, tandis que la masse est dévorée par la misère. »
[…]
« Ce grand génie [ Platon dans le texte ] avait aisément prévu que le seul moyen d'organiser le bonheur public, c'est l'application du principe de l'égalité. Or l'égalité est, je crois, impossible, dans un État où la possession est solitaire et absolue ; car chacun s'y autorise de divers titres et droits pour attirer à soi autant qu'il peut, et la richesse nationale, quelque grande qu'elle soit, finit par tomber en la possession d'un petit nombre d'individus qui ne laissent aux autres qu'indigence et misère. »
Tout y est : la capitalisme libéral, fondé sur la propriété privée et le marché ( « toutes les chosent se mesurent par l'argent » ), n'amène ni justice ni prospérité sociale et engendre de profondes inégalités ( cf la société américaine, avec ses 20% les plus riches captant 50,2% du revenu national (1) ).
La suite du texte est tout aussi incisive :
« Je sais qu'il y a des remèdes qui peuvent soulager le mal ; mais ces remèdes sont impuissants pour le guérir. Par exemple :
Décréter un maximum de possession individuelle en terre et en argent.
Se prémunir par des lois fortes contre le despotisme et l'anarchie.
Flétrir et châtier l'ambition et l'intrigue.
Ne pas vendre les magistratures.
Supprimer le faste et la représentation dans les emplois élevés, afin que le fonctionnaire, pour soutenir son rang, ne se livre pas à la fraude et à la rapine ; ou afin qu'on ne soit pas obligé de donner aux plus riches les charges que l'on devrait donner aux plus capables.
Ces moyens, je le répète, sont d'excellents palliatifs qui peuvent endormir la douleur, étuver les plaies du corps social ; mais n'espérez pas lui rendre la force et la santé, tant que chacun possédera solitairement et absolument son bien. Vous cautériserez un ulcère, et vous enflammerez tous les autres ; vous guérirez un malade, et vous tuerez un homme bien-portant ; car ce que vous ajoutez à l'avoir d'un individu, vous l'ôtez à celui de son voisin. »
Thomas More réfute ici par avance toutes les tentatives d'aménager le capitalisme : le système étant intrinsèquement mauvais, l'aménager ne permet que des améliorations superficielles, or ce sont les fondement même qu'il faut changer.
Une question en guise de conclusion : si dès le début du XVIème, c'est-à-dire alors qu'il n'en est encore qu'à ces balbutiements, il est possible de prévoir les effets néfastes du capitalisme, n'est-ce pas la preuve que ces dérives sont directement liées à ce système, qu'il est donc illusoire de vouloir l'aménager et qu'il faut au contraire construire une réelle alternative à ce système ?
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