Une princesse de Galles nommée... Patricia

Une citoyenne britannique, décédée des suites d’un accident de voiture, qui mobilise le gratin de l’élite politique française à la morgue de la Pitié-Salpêtrière un petit matin d’août, voilà qui n’était pas banal. Mais qui était donc cette... Patricia ? Et quel est ce chef d’État qui, dans un bouquin de très mauvais goût, a fantasmé une liaison avec cette femme rayonnante ?
L’affaire débute il y a 20 ans, le 30 août 1997. Ce jour-là, Dodi Al-Fayed, fils du milliardaire égyptien Mohamed Al-Fayed, va chercher place Vendôme la bague de fiançailles qu’il compte offrir à Lady Diana, ci-devant princesse de Galles : un bijou d’une valeur de 1,2 millions de francs – quand on aime, on ne mégote pas ! – signé du joaillier Alberto Repossi (la bague sera placée quelques jours plus tard dans le cercueil de la princesse). À 21 h 50, le couple dîne en toute simplicité dans la suite impériale du Ritz, propriété des Al-Fayed : sole pour Lady Di et turbot pour Dodi, le tout arrosé de champagne Bollinger. Ce dîner marque la fin de l’épisode romantique tandis que se nouent les fils du drame à venir.
Il y a en effet beaucoup de nervosité autour du Ritz, avec une nuée de paparazzi en quête de clichés pour les magazines people. Dodi Al-Fayed décide de leurrer ces derniers et fait appel à cet effet à Henri Paul, le n° 2 de la sécurité du Ritz. Vers 0 h 20, la Mercedes 600 de l’Égyptien, conduite par son propre chauffeur, Philippe Dourneau, et la Range Rover des gardes du corps, conduite par Jean-François Musa, l’homme qui fournit les véhicules de fonction au Ritz, quittent la place Vendôme. Au même instant, une Mercedes 280 S, conduite par Henri Paul quitte le palace à l’arrière de celui-ci, rue Cambon : un véhicule fatigué conduit par un homme en état de très forte alcoolisation ! À son bord, outre le chauffeur, ont pris place la Princesse de Galles, son compagnon Dodi Al-Fayed et un garde du corps, Trevor Rees-Jones.
Le stratagème n’a pas pris : repérée dès son départ du Ritz rue Cambon, la Mercedes 280 S est prise en chasse par quelques paparazzi, vite rejoints par les autres chasseurs d’images prévenus par portable. Une course poursuite s’engage à folle allure. On en connaît l’issue : Henri Paul (1,87 g d’alcool dans le sang !) perd le contrôle du véhicule à grande vitesse dans le tunnel de l’Alma, et malgré un freinage d’urgence, la Mercedes s’écrase sur le désormais célèbre 13e pilier. À 105 km/h diront plus tard les experts de la firme allemande après plusieurs crash-tests. Dodi Al-Fayed et Henri Paul meurent sur le coup. Lady Di et Trevor Rees-Jones sont, quant à eux, grièvement blessés.
Lorsque Diana est extraite de la voiture et conduite à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à allure réduite pour ne pas aggraver son état, elle vit encore, malgré un arrêt cardiaque dans l’ambulance. Un deuxième arrêt cardiaque, consécutif à une grave hémorragie pulmonaire interne, lui est fatal. Il est alors 4 h 25 du matin en ce 31 août.
Le « glaive de l’amour absolu »
Le même jour à 9 h du matin, Huguette Amarger, à l’époque thanatopractrice chez Hygeco BJL, reçoit un appel téléphonique de son patron, Jean Monceau. Il lui demande de se tenir en « stand by », prête à intervenir dès le feu vert des autorités. Après un deuxième appel à la mi-journée, Melle Amarger, munie de son matériel professionnel, se rend à la salle mortuaire de la Pitié-Salpêtrière où elle est attendue pour embaumer... « une citoyenne britannique » décédée. Avec à la clé cette consigne : le personnel médical et elle-même ne doivent en aucun cas nommer la défunte autrement que… Patricia. Une recommandation saugrenue, la nouvelle du décès de la princesse de Galles s’étant, dès potron-minet, répandue comme une traînée de poudre dans l’ensemble des médias.
De nombreuses personnes sont là, parmi lesquelles le Président de la république Jacques Chirac (le Premier ministre Lionel Jospin arrivera plus tard), le ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, le préfet de Police Philippe Massoni et Keith Moss, consul général britannique, ainsi qu’un homme en pleurs : Paul Burrell, le majordome de la Princesse. Melle Amarger le charge de s’occuper des habits destinés à habiller la défunte. À 14 h 00, le feu vert est enfin délivré à la thanatopractrice après que le gouvernement de Tony Blair et la famille royale d’Angleterre, en séjour à Balmoral, aient donné leur accord oral pour faire embaumer le corps en vue de sa présentation ultérieure au prince Charles et aux deux enfants du couple, William et Harry. Melle Amarger, restée seule avec un assistant et deux femmes de la police, peut enfin s’occuper de… Patricia.
Quel était l’état exact du cadavre ? Et quels types de soins Huguette Amarger a-t-elle prodigués* à la défunte ? Personne, hors les personnes habilitées, ne le saura avec exactitude, l’intervenante étant liée par le secret professionnel. Ce qui est sûr en revanche, c’est que Melle Amarger a parfaitement rempli sa mission, pourtant effectuée dans des conditions inhabituelles et particulièrement stressantes, eu égard à la personnalité de la morte et à l’intense tension politico-médiatique autour de cet évènement à résonnance planétaire. Clive Leverton, Royal funeral director, confirmera la qualité du processus d’embaumement en s’adressant aux jurés lors du procès intenté par Mohamed Al-Fayed à la Couronne britannique en 2007** : « Diana paraissait en paix dans la mort, sans signe de blessure visible ».
Patricia morte allait pourtant revivre de manière inattendue quelques années plus tard sous la plume de Valery Giscard d’Estaing dans un ouvrage intitulé La Princesse et le Président. Prenant ses désirs pour des réalités tel le premier quidam venu, VGE laissait entendre dans ce livre publié en 2009 qu’il aurait eu avec une princesse britannique une relation amoureuse symbolisée par « ce glaive de l’amour absolu tournoyant dans un sifflement au-dessus de nos têtes ». Récidiviste du ridicule en écriture, Giscard avait pris le soin de nommer l’héroïne... Patricia***, mais en dressant un portrait suffisamment évocateur pour que chacun puisse reconnaître Lady Di dans cette princesse improbable, amoureuse d’un président aux allures de croque-mort de bande dessinée. Faussaire en titre de noblesse, faussaire en relation amoureuse, on ne se refait pas. Sacré Giscard !
* En résumé, l’action d’un thanatopracteur consiste à injecter, au moyen de cathéters, du formaldéhyde dans l’artère carotidienne en assurant l’évacuation simultanée du sang par la veine jugulaire. Ensuite vient l’étape la plus rebutante : l’élimination des liquides et des gaz contenus dans le corps. Cette opération se fait au moyen d’une pompe via une incision pratiquée près du nombril. Les praticiens disposent pour cette phase d’un masque anti-odeur à filtre à charbon très efficace. Cette évacuation faite, le thanatopracteur injecte par la même voie une quantité de formaldéhyde destinée à ralentir la prolifération bactérienne et à retarder du même coup le processus de putréfaction. Enfin, après une asepsie des orifices et la fermeture des incisions, il est procédé à la toilette du cadavre, à l’habillage et au maquillage du visage. Pour en savoir plus : Thanatos beauté institut (2009).
** Mohamed Al-Fayed était persuadé que Diana était enceinte de son fils et avait été assassinée par le MI6 (Service de renseignement britannique) pour empêcher la mère du futur roi d'avoir un enfant musulman.
*** Peut-être l’ex-Président avait-il eu connaissance de l’usage qui avait été fait de ce prénom dans le cadre funèbre de la Salpêtrière ?
105 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON