Les lobbies font-ils la loi ?
Dans un entretien à La Voix du Nord, la sénatrice Christine Blandin (EELV), ancienne présidente de région, se dit interpelée par l’éviction de la ministre de l’Écologie, Delphine Batho. Elle déclare "Que les lobbies soient au plus près du président, ça m’interroge. … Si les lobbies font la loi nous n’avons pas notre place dans ce gouvernement".
A défaut de connaître suffisamment le contexte de l’environnement, voici quelques informations, dans le domaine de l’éducation, qui pourraient intéresser Madame Blandin.
Des rapports
Plusieurs rapports, en cours d’élaboration ou remis, ont pour objet d’éclairer la question de l’égalité filles et garçons dans l’enseignement et de dégager des propositions d’orientation à mettre en œuvre dès la rentrée 2013.
Le rapport sur l’égalité entre les filles et les garçons dans les modes d’accueil de la petite enfance (novembre 2012) est la réponse à une demande de la ministre de la condition de la femme. La liste des personnes rencontrées pour l’élaboration du rapport (pages 83 à 85), les ressources citées dans l’annexe 6 (pages 130 à 132) et la bibliographie (pages 147 à 149) montrent que tous ces éléments vont dans le même sens pour une instruction orientée.
Le rapport « Orientations stratégiques pour les recherches sur le genre » (novembre 2012), issu d’une réflexion de spécialistes des recherches sur le genre, propose vingt orientations stratégiques et concerne l’enseignement supérieur et la recherche en France. Objectif : offrir des pistes d’action à moyen et long terme pour donner à la recherche française sur le genre la place qu’elle mérite, tant sur la scène scientifique que dans la société. Les 13 contributeurs du rapport sont des femmes, toutes fortement impliquées dans les études de genre, ainsi que les autres sources consultées (voir liste pages 50 à 53).
Le bilan intermédiaire du Programme d’actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, publié en mai 2013, rappelle (page 10) que « le ministère de l’éducation nationale a lancé une mission spécifique, dont les conclusions seront mises en œuvre à partir de la rentrée 2013 ». Il s’agit du rapport « Éduquer contre l’homophobie dès l’école primaire » rédigé par Michel Teychenné. Pendant l’élection présidentielle de 2012, celui-ci était chargé des questions concernant les personnes LGBT dans la campagne de François Hollande.
Il a remis son rapport au ministre de l’éducation nationale à la mi-mai 2013. A ce sujet il a déclaré « … le ministre rendra ses arbitrages avant la fin du mois de juin pour une mise en place des premières actions dès la rentrée 2013. Le rapport sera alors rendu public. » Ce n’est pas encore le cas à ce jour. Mais le rapporteur s’est exprimé dans un document élaboré par le syndicat SNUipp-FSU à l’occasion du colloque organisé le 16 mai 2013 par ce syndicat :« Il faut saluer le travail accompli par les syndicats des personnels de l’éducation nationale qui ont mené au sein du collectif « éducation contre les LGBT-phobies en milieu scolaire et universitaire » un important travail de sensibilisation, de réflexion et de propositions. … Dans le cadre de l’élaboration de mon rapport, je réfléchis à un certain nombre d’actions comme par exemple : le renforcement des partenariats avec les associations LGBT intervenant en milieu scolaire ».
Les décrets de la loi pour la refondation de l’école de la République
La loi pour la refondation de l’école de la République prévoit un certain nombre de dispositions qui sont renvoyées à la promulgation ultérieure de décrets par le ministre. C’est notamment le cas pour l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur des programmes (article 20). Le CSP devrait être composé de seize membres (dix personnalités qualifiées nommées par le ministre ainsi que deux députés, deux sénateurs et deux membres du CESE). Ce CSP reprend, dans le principe, l’approche de l’ancien Haut Conseil de l’Éducation qu’il remplace (mission, membres, désignation) mais dans un contexte où les groupes de pression ont largement trouvé leur place. Ainsi, dès le 17 avril 2013 le syndicat FSU s’est positionné dans le débat en écrivant à A.Boissinot, chargé par le ministre de la mission de préparer l’installation du futur CSP.
La position du ministre de l’Éducation Nationale
Enfin le ministre de l’Éducation déclare à la fois, au « Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro » (28/04/2013) : « Il n’y a pas de débat sur la théorie du genre… » puis au cours du « talk show » du Figaro du 29 mai 2013, « qu’il y a un travail partenarial qui est fait » par l’Éducation nationale avec les associations LGBT, farouches défenseurs du genre dans l’école, notamment pour l’animation de la fameuse « ligne azur » et du site associé.
Vous avez dit lobby ?
Il n’est évidemment pas illégitime de faire appel à des acteurs du sujet considéré. Mais ne recueillir que des avis allant dans le même sens réduit singulièrement la portée d’une telle démarche, présentée comme démocratique dans un effet de vitrine, et confirme l’intérêt exprimé par le ministre pour un certain type de « travail partenarial », essentiellement pratiqué en arrière-boutique.
Un lobby est défini comme une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné. L’action d’un lobby consiste « à procéder à des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l’élaboration, l’application ou l’interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics ». Ainsi, le rôle d’un lobby est « d’infléchir une norme, d’en créer une nouvelle ou de supprimer des dispositions existantes ».
Si on partage cette définition on admettra que, dans le domaine de l’Éducation Nationale, en France, la loi est largement faite par des lobbies.
Reste à Madame la Sénatrice à en tirer les conclusions.
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