Vote sur la peur de l’ombre
La
peur, comme
toute manifestation émotionnelle, obéit à des lois brumeuses et
perverses qui se jouent de la raison. La peur comme la mort nous
pourrit la vie. Cette réflexion d’Epicure sur le positionnement humain
à l’ombre du néant, témoigne de la tyrannie de notre questionnement :
" Lorsque nous sommes vivants, la mort n’est pas.
Lorsque la mort est là, nous ne sommes plus.
Dès lors, dans la mort que crains-tu exactement ?"
La peur est l’une des manifestations
les plus immédiates de l’énergie psychique. Nous en sommes
naturellement imprégnés génétiquement. Elle évolue, impériale, à tous
les niveaux de conscience. Elle est inhérente à la vie animale et
humaine, sous sa forme naturelle est culturelle.
La peur de l’ombre ou
l’ombre de la peur ?
Entre nature et culture perce notre ambivalence.
De même, par exemple, des singes nés et élevés en captivité ont une peur instinctive des serpents et même de tout objet dont la forme peut évoquer un serpent et ce, alors même qu’ils n’ont jamais vu de serpent, pour les mêmes raisons que l’enfant, un savoir ancestral s’inscrit dans leur mémoire. L’instinct contiendrait-il une part de cette mémoire "reptilienne" ?
L’inconnu ne serait-il pas un mal connu ? un connu que l’on veut oublier pour des raisons subjectives, un connu redouté, dans un autre siècle ou millénaire...dans les temps anciens.
La part de la nature et de la culture imbriquées : La pulsion paroxysmale.
Elle est un vecteur de protection du Moi qui cherche à dominer ses émotions et à les vivre. Composée de deux facteurs, épileptoïde et hystéroïde.
Le facteur épileptoïde est la peur primitive de la mort, il concerne les émotions durables, intenses et profondes qui bouleversent et déclenchent des réactions violentes, instinctuelles, sans nuance. L’éthique et la conviction personnelle, empêchent la libération des affects bruts.
Le facteur hystéroïde concerne les affects doux qui sont exprimés et érotisés par le corps pour être vus par les autres. L’examen de ce vecteur dans une analyse globale, constitue une évaluation de la force de construction éthico-morale qui éclaire la vie d’un être humain. Un vecteur des paroxysmes mal construit agit, par l’intermédiaire du vecteur du moi, sur les autres vecteurs d’une façon négative.
L’évolution d’un être humain passe par tous les niveaux de ce facteur pulsionnel.
Le vecteur des paroxysmes contient les orientations sociales, politiques, médicales et sacerdotales en prise directe avec les leviers de commande de l’humanité. Tout débordement prend une forme spectaculaire.(a)
J’ai à l’esprit une histoire biblique, elle figure dans le livre du Pentateuque, mais elle est aussi contée dans le Coran. Abraham est le père des juifs et des arabes. Avancés en âge avec son épouse Sara, ne voyant pas d’héritier venir, il eut, c’est bien humain, la bonne idée de s’approcher très prés d’Agar, sa jeune servante égyptienne. Elle devait être très belle. Plus tard elle enfanta d’un fils, Ismaël. Mais de Sara son épouse, naquit un autre fils, Isaac "par les voies du seigneur"...C’est de ce premier dérapage "familial" entre les demi-frères que s’enracina une histoire ô combien dommageable entre l’orient et l’occident.
Religieux ou pas, dans les deux fratries, à travers le temps et l’histoire, ce moment de vie a laissé sa trace indélébile dans les esprits. Dans ce fait historique, biblique et coranique, une haine raciale s’est développée. Les deux protagonistes sont issus du même père, ils se connaissent de toute éternité. Il existe un profond racisme entre les deux grandes familles sémites
Ce n’est pas toujours la différence qui provoque le racisme mais, à l’inverse, le racisme édifie et cimente la différence. La peur de l’autre est ici une construction culturelle, elle peut se démonter et se reconstruire, dans une autre vision repensée et partagée. (b) C’est au fond infiniment encourageant.
Regardez l’émerveillement du début, les enfants entre eux, la richesse des affects, la fécondité imaginative, les sentiments, l’intuition, la sensation et la spontanéité de leur créativité.
Reconnaissons le, en vieillissant il semblerait que l’on s’appauvrit..."et l’on y paume" comme disait Coluche. Notre "savoir" relatif ne nous permet même pas de comprendre que" l’on ne sait rien."...Socrate le savait, (c)
Notre phobie raciste est en partie la peur du connu. Notre savoir agite le gyrophare à la première alerte, quand le mensonge psychologique du déjà connu détecte la menace. Qualité du savoir, raisonné authentique, où savoir illusoire, fantasmatique ou sophiste, le problème est ailleurs. Le problème est émotionnel et projectif.
Bref, l’islamisme, le judaïsme, le christianisme, le bouddhisme...etc, existent, le fondamentalisme également, dans toutes les manifestations religieuses.
Les signes extérieurs fleurissent avec plus ou moins de bonheur. Si vous croisez un moine tibétain voilé de rouge et d’or, le ressentiment n’est pas dominant. Imaginez un pékinois qui fait la même rencontre, on peut appréhender une légère tension, au mieux. Un profond trouble au pire. Ce personnage riche en lumière n’évoque rien de passionnel pour nous, il nous semble simplement étranger, sur une autre planète. Pour un chinois, il évoque un frère en révolte, une épine déstabilisante dans sa chair. Le racisme est ici la peur du connu.
Les petites maghrébines des banlieues sont peut-être dans la peur. Les grands frères veillent en machos protecteurs dans leurs rêves traditionnels chimériques de contrôle sur les femelles. Elles se couvrent pour se protéger de la connerie du mâle incolore toutes ethnies confondues. Elles se couvrent parce qu’elles traversent l’adolescence dans l’auréole mystique...mais aussi quelques fois, pour emmerder le monde. L’effet est garanti.
N’oublions pas la petite famille musulmane modeste de nos banlieues, qui cultive l’humanité dans la foi et la simplicité. Famille paisible et solidaire, comme il en existait en France au XIX et XX ème siècle.
Pour le passé des conquêtes , nous connaissons les africains, issus de nos colonies. Nous avons un lourd contentieux avec eux depuis cinq siècles. Valladoïd au XV ème siècle, devancés de peu, par nos amis Espagnols et Portugais, esclavagistes et navigateurs du peloton de tête. Nos cerveaux d’anciens colons est encombré de savoir multiples qui s’empilent comme des strass volcaniques. Les éruptions furent nombreuses, les retombées sont maintenant imprévisibles, incalculables et particulièrement déstabilisantes.
Considérons que les ethnies fleurissent au métissage, entrainant avec elles un renouveau culturel sur une terre désormais bien petite, malade et particulièrement dichotomique. Les lendemains qui chantent et qui déchantent appartiennent aux citoyens du monde. L’homme est un phénix, il renait toujours de ses cendres.
"La peur de l’autre n’est pas une pulsion naturelle que la culture doit contenir : C’est une construction culturelle, qui ne peut être déconstruite que par une contre culture." ( d )
"Pour qu’une altérité radicale provoque la répulsion plutôt que l’attirance, la curiosité ou l’amusement, il faut que ces mêmes paroles l’aient dramatisées en imposant une interprétation unique et univoque du foulard."
La culture majoritaire a sans doute influencé notre regard et notre jugement en nous proposant des vocables forts,
comme par exemple, " aliénation", "fanatisme", "patriarcat", "oppression", "violence".
L’historique de la datation du "voile islamique", remonte à 1865, les colonisés appartiennent à un corpus théologico-politique jugé pervers. Pus tard entretenu et réactivé par la proximité du non partage.
On peut souligner au passage les dérives de la judéophobie, négrophobie, voilophobie, islamophobie, selon que notre coeur penche plus ou moins à gauche ou à droite, et surtout à l’extrême de l’orientation.
Dans l’avenir, il serait bon d’adjoindre à la culture une mission antiraciste, sans fétichiser cette dernière en la présentant comme antiraciste par essence sans dénoncer le racisme comme un produit de l’inculture.
Il est un paradoxe ( apparent ) c’est dans les milieux de "culture officielle" que l’on s’acharne le plus sur la différence culturelle. La tâche constituerait donc à déconstruire une culture dominante raciste et à construire une contre-culture authentiquement antiraciste."
En dernière minute...Voici le résultat d’une initiative populaire :
Les citoyens helvétiques ont accepté par 57,5% des suffrages, une initiative populaire exigeant l’interdiction de construire de nouveaux minarets en Suisse. Ils ont en revanche rejeté l’interdiction d’exporter du matériel de guerre par 68,2% des voix...cherchez l’erreur entre la minarophobie et le réalisme économique.
Notes
a) L.Szondi Diagnostic expérimental des pulsions, bibliothèque de psychiatrie, P.U.F.
b) P.Tevanian, La mécanique raciste, Editions Raison d’agir, 2005
c) Platon, Apologie de Socrate, Garnier Flammarion, 1999
d) P.Tévenan, La mécanique raciste, Editions Raison d’agir, 2005
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