Sans-papiers versus illégaux
La Fédération Européenne de la Métallurgie (FEM) a décidé d’employer le vocable « sans-papiers » plutôt que celui de « illégal » pour désigner les travailleurs étrangers en situation dite « irrégulière ». Plus exactement, la langue officielle de la FEM étant l’anglais, le terme retenu est « undocumented » au lieu de « illegal » qui prévalait.
Mais revenons à notre sujet des immigrants illégaux, dits sans papiers par certains. Sur ce sujet très précis, on notera la grande différence de nuance entre « sans-papiers » et « illégal ». Le deuxième vocable a tendance à vous envoyer tout droit en prison sans passer par la case départ, alors que le premier vous interpelle car, vous aussi, lorsque vous sortez précipitamment de chez vous, vous vous trouvez bien souvent sans papiers ! Dans l’esprit du public, l’impact n’est donc pas le même. Mais il y a pis. Imaginons que nous sommes un employeur. Si nous n’employons qu’un sans-papiers, non seulement nous ne pensons pas à mal mais, mieux, nous pouvons même penser que nous aidons une personne qui en a besoin. A l’inverse, si nous employons un illégal, nous savons intuitivement que nous risquons des démêlés avec la justice. La barrière psychologique n’est donc pas la même dans les deux cas.
Creusons un peu plus le sujet. Remarquons que les emplois occupés par les sans-papiers sont, dans leur écrasante majorité, des emplois insalubres, pénibles et peu gratifiants. Cela a des conséquences assez fâcheuses sur la société. Combien de fois n’entend-on dire que l’on a besoin des sans-papiers pour effectuer des travaux que les autochtones ne veulent pas faire ? Ils seraient donc une soupape de sécurité sociale. Je pense exactement le contraire. En effet, en leur confiant des travaux pénibles, on laisse se créer une forme de sentiment de supériorité, certains voire beaucoup pensant qu’ils sont trop bien pour réaliser de telles tâches. Or le propre d’une société, c’est justement de régler ses problèmes en interne. Les bateaux poubelles qui sillonnent les mers en quête d’une place pour entreposer des déchets qui n’ont pas été traités correctement ont suffisamment fait florès pour servir ici d’exemple. Pis, comme les sans-papiers sont illégaux, ils se terrent si bien que leur ouvrage échappe à la législation du travail. Cela accentue encore les mauvaises conditions qui sont faites à ces travailleurs de l’ombre ; mauvais salaires, pas de paiement des charges sociales, exploitation scandaleuse, etc... Pendant ce temps, une partie de la population française, qui n’occupe pas ces postes ou ne veut pas les occuper se retrouve au chômage et donc à la charge de la société, indûment. On voit donc là tout l’effet pervers du système et ce n’est, hélas, pas fini. Tout ce qui est clandestin, en ce monde, est évidemment la proie de tous les trafics. Ainsi, ces pauvres gens sont la proie des différentes maffias qui n’ont rien à envier aux négriers du XVIIème siècle ou à la traite des esclaves chrétiens par la Barbarie de 1500 à 1800. C’est donc une régression civilisationnelle que nous vivons à chaque fois qu’une personne est victime de tels trafics et notre verdict ici se doit d’être sans appel.
Il nous faut donc non pas atténuer la condition de ces personnes honteusement exploitées en les nommant « sans-papiers » mais bien au contraire mettre en exergue le fait que tout cela est absolument illégal et condamnable. Ceux qui organisent ce trafic de chair humaine et de misère, il n’y a malheureusement pas d’autres mots, doivent savoir et comprendre qu’ils s’exposent à des peines extrêmes en faisant cela car, au fond, n’est-ce pas, dans ce cas, un réel crime contre l’humanité qui est perpétré ? Et que font nos autorités qui semblent bien complaisantes ? Rappelons que, par exemple, peu de temps après la prise de fonction de Nicolas Sarkozy en tant que président de la république, il voulut « annexer » la Lanterne, résidence du premier ministre et qu’on découvrit, parmi les ouvriers qui faisaient les ravalements, 2 clandestins, donc 2 illégaux. Depuis, nous avons entendu des discours d’employeurs qui sont surréalistes, disant qu’ils n’ont pas à faire la police et qu’ils n’ont pas les moyens de vérifier l’authenticité des titres de séjour ou de permis de travail. Dans un pays où l’on a inventé la carte à puce qui s’est répandue dans le monde entier en tant que standard, dans une civilisation où l’argent est roi et où la carte à puce, quoi qu’on en dise assure une sécurité jamais égalée, comment se fait-il que les services de l’état n’aient pas fait des titres de séjour ou des permis de travail électroniques qu’un employeur n’aurait qu’à insérer dans un PC pour interroger, par exemple, la préfecture ? Voilà qui règlerait l’essentiel du problème.
Tout cela sent, hélas, la compromission à tous les étages ; celui de l’état qui ne fait rien et souhaite conserver, comme expliqué plus haut, ce qu’il considère, à tort, comme une soupape de sécurité sociale, les employeurs qui refusent leur responsabilités et sont prêts à tout pour exploiter davantage qui que ce soit et enfin les organisations bienpensantes, comme la FEM et bien d’autres, qui pensent qu’en atténuant les appellations on résoudra un problème majeur qui met la crédibilité de notre civilisation en jeu.
La démagogie, c’est bien connu, est la mère de tous les vices. Nous en avons là un exemple emblématique.
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