Quelques idées simples à propos de la culture

1 - Fondement de l’humain et expression, dans ses artefacts, de son être au monde, l’art établit une relation qui permet d’englober dans une même interaction, dans un même échange, une œuvre, son(ses) créateur(s) et celui (ceux) qui perçoit (-çoivent) cette oeuvre. L’art est acte et prolongement de l’action. Il est pratique d’une relation particulière. Il ne cherche pas à imiter ni à reproduire. Il produit et traduit une réalité sensible. Il introduit le spirituel dans le champ de l’expérience commune.

2 - La culture est constitutive de l’humain. Elle naît de la fructification des dons naturels de l’homme et de l’ensemble des moyens qu’il met en œuvre pour être au monde, augmenter ses connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit et créer. La culture est une donnée individuelle et collective qui tend à élever un être humain au-dessus de l’état de nature, à pallier ses manques et à favoriser l’éclosion harmonieuse de sa personnalité. Elle est une action vivante qui irrigue toutes les entreprises humaines et participe de chacun comme organe et souffle.

3 - La culture est ce qui permet de faire quelque chose à partir de rien, de transformer ce qui n’est qu’une collection disparate d’objets ou d’idées en un ensemble doté d’une cohérence intellectuelle, sensible et esthétique. Elle est ainsi un moyen d’ennoblir notre monde et de le renforcer.

4 - La culture est ce qui permet d’accéder à sa propre parole, de faire entendre sa voix, d’accéder à celle de l’autre et de l’entendre. C’est-à-dire d’être vivant et conscient dans le monde.

5 - Le partage interpersonnel et social du sens noue le filet des relations entre les individus, les communautés et les civilisations. Si la culture n’est pas le seul support de ce partage, elle en est le plus puissant et le plus durable.

6 - La culture et l’ art participent organiquement de l’humain, du social et du politique, mais ne peuvent, ni ne doivent, être subordonnés (esthétiquement et/ou économiquement) à une idéologie ou à un groupe visant à conquérir le pouvoir politique et/ou économique ou à le conserver.

7 - La culture comme dynamique et accumulation des artefacts et des actes disant nos vies est la plus forte expression de ce que nous sommes, de notre histoire et de ce que nous voulons devenir. Rien en elle n’est fixe tant pour ce qui est des artefacts qu’elle produit, que pour ce qui tient des concepts qu’elle porte et ce qui en elle se joue sur la sensibilité. Pour nos enfants, les traces de notre culture seront les preuves les plus convaincantes que nous avons existé.

8 - La culture est la base de tout système éducatif. Elle est le socle de toute formation générale, technique ou spécialisée, initiale ou continue. Chacun doit pouvoir y accéder quel que soit son âge, son milieu social et sa formation, ceci dans toutes les circonstances.

9 - La culture est le meilleur terreau d’une économie fondée sur la créativité, l’innovation et le changement. Elle est ce qui permet de constamment renouveler ce terreau et d’éviter la marchandisation générale des fruits de notre développement.

10 - L’impact économique de la culture se mesure en termes de développement, d’industrie et d’emplois. Il doit aussi être évalué en termes de vie et d’enrichissement humain, même si aucun modèle mathématique n’existe pour le calculer.

Ces dix idées, combinées ou une par une, influent « naturellement » de façon positive sur la vie de nos villes et de nos pays. Elles n’agissent pas alors comme les articulations d’un système complexe mais comme les noeuds fragiles d’un lien social qui semble se désagréger aujourd’hui. Lorsqu’elles seront l’objet d’une politique culturelle démocratique, non dirigiste et globale, elles deviendront les pôles d’une stratégie souple et elles donneront tout son essor à un art libre et indépendant, c’est-à-dire réellement vivant. Il peut sembler naïf de suggérer de telles perspectives eu égard à des priorités économiques et sociales plus urgentes et aux montants des aides publiques et privées qu’elles impliquent. Mais dans un monde où nous nous égarons de plus en plus dans des débats politiciens, financiers,sectoriels et corporatistes, nous perdons de vue ce qui fait de nous des êtres humains. N’oublions pas qu’une « écologie » culturelle de la création, de la diversité et de la richesse est essentielle pour chaque citoyen et pour tous.