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Accueil du site > Tribune Libre > Yahoo !, le miroir de l’Europe

Yahoo !, le miroir de l’Europe

Certains en France se sont étonnés – pas très nombreux d'ailleurs – de constater le choix récent de Yahoo : abandonner la France. Cette-société, rejoignant en cela tous les géants américains du Net, a choisi de délocaliser ses établissements de Paris vers l'Irlande. Le prétexte invoqué était la rationalisation, la raison non dite était de pouvoir bénéficier des avantages fiscaux exorbitants offerts par l'Irlande aux entreprises.

Yahoo, ce faisant, tend à l'Europe un miroir où elle peut apercevoir son triste visage, celui d'une société en état de colonisation avancée. Caractérisons cet état en deux paragraphes, pour ceux qui en douteraient encore :

 

  • Une prétendue Union entre Etats membres, où chacun de ceux-ci demeure libre d'attaquer, par voie réglementaire ou économique, tous les autres. Cette « Union » se définit par le refus de mettre en commun tout ce qui caractérise un Etat dans le reste du monde : fiscalité, protection sociale, droit du travail, droit de l'environnement, notamment. Le libéralisme sauvage en résultant permet à de véritables flibustiers, Irlande, nouveaux entrants mais aussi un des soi-disant père de l'Europe, le Luxembourg, d'attaquer les Etats frères au cœur de ce qui faisait leur puissance de jadis, industrie, services publics, culture. Si encore ces flibustiers utilisaient l'argent ainsi gagné sur le dos des autres à se renforcer en profondeur, pour compenser leurs différentiels de développement, ce serait moindre mal. Mais ils le font au profit de spéculations financières ne profitant qu'à quelques- uns, voire au service de la corruption et des mafias. On s'était félicité aux origines de voir l'Union européenne se substituer aux guerres intra-européennes. Or ces guerres renaissent aujourd'hui sous d'autres formes.

  • Une Union, en conséquence de ce qui précède, incapable d'investir avec des champions de taille internationale, dans les secteurs en développement récent. C'est le cas notamment en ce qui concerne l'économie numérique. Alors que les utilisateurs européens font, avec leurs ressources, un bon tiers des chiffres d'affaire et des revenus des géants américains précités du Net, aucun Etat européen non plus que l'Union a son niveau, n'ont cherché un seul instant à encourager en Europe le développement de tels géants qui soient européens. C'est ce que font pourtant en permanence toutes les autres Puissances, Etats-Unis en tête. Elles utilisent pour cela les investissements de défense et de sécurité publique. Que seraient sans la NSA, la CIA et le département américain de la défense les Google, Yahoo et autres Facebook ?

    Nous reviendrons sur ce sujet ultérieurement. Disons que les Facebook, Twitter, et autres Google sont aussi des machines d'une efficacité effroyable pour manipuler, sur le mode viral, des opinions mal informées. Aujourd'hui, elles sont largement utilisées en Europe non seulement au profit des activités commerciales américaines, mais aussi au profit des mouvements les plus réactionnaires politiquement ou les plus engagés dans l'intégrisme religieux.

 

Que faire

Peut-on aujourd'hui constater le désastre sans réagir ? Au niveau des institutions européennes, des contre-mesures seraient envisageables, si les responsables politiques n'étaient pas soumis aux intérêts financiers internationaux, dont la plupart sont américains. Il s'agirait d'abord de reprendre la construction de l'Europe dans le sens d'un Etat vraiment souverain, capable de se doter des législations fédérales et de la Banque centrale correspondantes. Si pour le moment , certains Etats, que ce soit l'Irlande ou pour d'autres raisons l'Allemagne, le refusent encore, il appartiendrait à la France de faire toutes les pressions imaginables pour que cela cesse. Il ne s'agirait pas de menacer de sortir de l'Union, mais de saboter, si l'on peut dire, les mécanismes imposés par les intérêts atlantistes et visant à empêcher la souveraineté européenne de s'exercer.

 

Au niveau des citoyens, et pour nous limiter au domaine de l'économie numérique, pourrait-on envisager des campagnes appelant, comme dans quelques autres rares domaines, à acheter européen. Autrement dit, serait-il

possible de recommander une « grève » de l'utilisation des services offerts par les Google, Yahoo et consorts. Cela serait difficile, vu l'état de colonisation avancée dont souffre l'Europe dans ce domaine décisif.

 

Des mesures de rétorsion seraient cependant envisageables, au contraire des tapis rouges déroulés en permanence dans nos capitales au profit des responsables de ces firmes. Quant on a vu le patron de tel géant américain du Net traité par François Hollande et l'Assemblée nationale française comme un véritable chef d'Etat, on imagine mal que le gouvernement français puisse hausser le ton à l'égard d'un tel personnage. Il est déjà remarquable que le fisc français se hasarde à proposer des redressements fiscaux à ces gens, redressements bien inférieurs à ce qu'ils devraient être, au regard de la sévérité qui pésera désormais sur les contribuables français.

 

Quant au rôle individuel que chacun d'entre nous pourrait jouer, en tant qu'internaute, la première chose à faire serait de s'informer des start-up européennes ou nationales qui se hasardent sur le terrain des géants américains, dans des domaines spécialisés comme la sécurité ou l'éducation en ligne, ou dans les secteurs émergeants comme en ce qui concerne l'intelligence artificielle en réseau. Google en ce domaine est en train d'acquérir toutes les compétences américaines existantes. Cela ne devrait pas être pour nous une raison de nous incliner.


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2 réactions à cet article    


  • herbe herbe 10 février 2014 21:50

    Merci pour cette réflexion.


    quelques pistes de réflexion qui me semblent intéressantes :


    On retiendra attentivement la conclusion(*) de ce dernier article en faisant attention à toute techno béatitude, et savoir trier le bon grain comme nous recommande ce penseur dans l’interview ci après :



    (*) : « Dans cette perspective, il nous appartient de construire ensemble un projet politique et social qui utilise cet extraordinaire saut technologique pour augmenter la capacité de créativité et d’épanouissement individuel et produire une société non seulement plus prospère mais également plus juste et plus humaine. »

    • claude-michel claude-michel 11 février 2014 08:13

      Et Montebourg regarde ce départ sans rien dire...(faut dire que son gouvernement est là pour vendre notre pays aux plus offrants).

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