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Canal du Nicaragua vs canal de Panama : le péril rouge

PNG Du 20ème siècle il ne reste plus que deux décennies à venir quand la succession de dictatures impitoyables et oligarchiques semble s'interrompre pour un régime plus démocratique et plus social.

Ce n'est pas l'avis des maitres du monde obnubilés par la guerre froide qui ont une perception binaire "le bien et le mal" "les rouges et ceux qui ne sont pas rouges" "le rouge est le mal absolu" et inversement.

 

 

Le péril rouge : la période révolutionnaire

Une coalition regroupant les cinq principaux courants anti somozistes prend les commandes du gouvernement :

- le sandiniste Daniel Ortega, d'obédience marxiste,

- l'écrivain Sergio Ramírez Mercado, ancien opposant aux Somoza et membre fondateur du groupe d'artistes et d'intellectuels nicaraguayens Les Douze,

- l'homme d'affaires Alfonso Robelo Callejas,

- Violeta Barrios de Chamorro, directrice de La Prensa,

- et Moisses Hassan.

L'extrême disparité de cette coalition entraine des conflits continuels et les quatre membres non sandinistes de la coalition dénoncent la mainmise progressive de Daniel Ortega sur les organes du pouvoir, malgré les accords passés entre les différents acteurs du renversement de la dictature somoziste.

Le déficit de l'Etat accentue les tensions. Anastasio Somoza aurait détourné de 100 à 500 millions de dollars avant d’être renversé en 1979. 

Pour mémoire, c'est la coutume qu'un dictateur parte avec les caisses de l'Etat. Ce sont leurs "golden parachutes" :

• Ferdinand Marcos (Philippines) a amassé une fortune de 10 milliards de dollars

• Jean-Claude Duvalier (Haïti) se serait enfui avec 900 millions de dollars

• Mobutu Sese Seko (RD Congo/ex-Zaïre) aurait détourné 4 milliards de dollars sur des comptes personnels et a facilité l’enrichissement de ses proches

• Sani Abacha (Nigéria) aurait détenu 2 milliards de dollars sur des comptes en Suisse en 1999

• Franjo Tudjman (Croatie) a détourné des montants inconnus, supprimé la liberté d’expression et inspiré des actions violentes contre ses adversaires politiques.

 

Certains pays ont tenté de récupérer les fonds placés à l'étranger par d'ex dictateurs. Le Nigéria, par exemple, a retrouvé les sommes détournées par la famille de Sani Abacha. En revanche, la longue campagne menée aux Philippines pour rapatrier la fortune de Ferdinand Marcos n'a guère donné de résultats. En outre l'argent dépensé est perdu pour toujours.

http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2002/06/pdf/kremer.pdf

 

En avril 1980, par protestation, Violeta Barrios de Chamorro démissionne du gouvernement et, à la tête de La Prensa, dénonce la dérive dictatoriale sandiniste et ses infiltrations dans les rouages du gouvernement.

Dès 1981  : Les Etats-Unis (sous la présidence Reagan) dénoncent la "dictature communiste" des sandinistes, mettent en place des mesures de rétorsion, organisent le blocus maritime du pays et soutiennent les forces d’opposition.

En 1982  : les contre-révolutionnaires, les "contras", basés au Honduras, reçoivent un première aide financière des Etats-Unis et commencent à faire des incursions au Nicaragua.

En 1983  : la situation économique s’aggrave (l’inflation atteint un taux de 40% en un an).

 

L’instauration d’une économie de guerre et la baisse des cours mondiaux du coton et du café accroissent les difficultés économiques. Se pose alors le problème difficile des Indiens Miskitos qui vivent de part et d’autre du Rio Coco, fleuve frontière avec le Honduras. http://www.ritimo.org/article5126.html

 

Après avoir déclaré devant l’Assemblée générale des Nations Unies que son gouvernement répudiait cette dette, le leader sandiniste Daniel Ortega s’est ravisé lorsque Cuba, qui soutenait son régime, a fait valoir qu’il risquait de s’aliéner les pays occidentaux.

À l'approche des premières élections libres au Nicaragua, en 1984, les forces armées américaines minent le port de Corinto, survolent le Nicaragua à basse altitude et envahissent ses eaux territoriales. Le Nicaragua décrète alors l'état d'urgence. Effet boomerang de l'intervention américaine, le 4 novembre, le FSLN sort finalement vainqueur avec 67% des voix.

Le 10 janvier 1985, Daniel Ortega entre en fonction. En mai, Ronald Reagan impose un embargo commercial au Nicaragua et continue d'appuyer massivement la Contra. Le 15 octobre, on proclame à nouveau l'état d'urgence. La Contra gagne du terrain et la guerre au Nicaragua s'intensifie.

Elus, Daniel Ortega et les chefs du FSLN peuvent alors mettre en application une série de réformes de type marxiste-léniniste, inspirées de leur programme de 1969, et se rapprochent du bloc de l'Est.

L'argent consacré à la défense constituait 60% du budget total du gouvernement nicaraguayen. Il fallait défendre le pays contre la guérilla contre-révolutionnaire, retardant ainsi la réalisation des politiques sociales. L'intervention étrangère a contribué à radicaliser le pouvoir en place et à aggraver la vie quotidienne de tous.

Le journal d'opposition de Violeta Barrios de Chamorro, La Prensa, attaquant les méthodes policières du gouvernement, est censuré en juin 1986 pour six mois. Les populations locales s'opposent aux projets du président notamment sur la collectivisation des terres ou la conscription obligatoire. La rébellion s'étend, mais sans chef unique, elle reste très disparate.

L'aide aux Contras continuera jusqu'en 1987, après l'éclatement du scandale de l'Irangate. Les affrontements feront 57 000 victimes, dont 29 000 morts (dix ans auparavant, la lutte contre Somoza avait déjà fait 40 000 victimes).

L’affaire Iran-Contra (ou Irangate, nommée ainsi en souvenir du scandale du Watergate) est un scandale politique survenu aux États-Unis dans les années 1980.

L'affaire est toujours voilée de secrets et il est difficile de découvrir les faits. Plusieurs membres de l'administration Reagan ont vendu illégalement des armes à l'Iran, qui était un ennemi avoué des États-Unis en utilisant les profits pour financer secrètement les Contras, et cela malgré l'opposition du Congrès des États-Unis. Dans le cadre de la Guerre froide, il s'agit pour l'administration Reagan de renverser un régime considéré comme communiste et situé dans ce que les États-Unis considèrent comme leur zone d'influence.

Dans l’ensemble, si la libération des otages était le but de la vente d’armes à l’Iran, le plan est un échec puisque seuls trois des trente otages ont été relâchés.

Après la révélation de la vente d'armes en novembre 1986, le président Reagan est apparu à la télévision américaine et a nié les faits. Toutefois, une semaine plus tard, le 13 novembre, il est retourné sur les ondes pour affirmer que les armes étaient effectivement transférées à l’Iran. Reagan a en revanche démenti que cette vente faisait partie d’un échange d'otages (plusieurs Américains sont à l'époque otages au Liban).

L'administration Reagan fournissait une aide secrète aux Contras depuis novembre 1981, mais l'amendement Boland de 1982 mit fin à l'aide militaire quand on découvrit que la CIA supervisait des actes de sabotage au Nicaragua sans en informer le Congrès. L'amendement, effectif à partir de décembre 1983 à septembre 1985, interdisait à la CIA, au Département de la Défense et aux autres agences gouvernementales de fournir une aide militaire secrète.

L'administration Reagan a contourné cette disposition en faisant appel au Conseil de sécurité nationale (NSC), qui n'était pas explicitement visé par cette loi, pour superviser l'envoi d'aide secrète. Le profit de la vente d’armes est allé aux Contras. Le plan était coordonné par Oliver North du Conseil de sécurité nationale.

La vente d’armes à l’Iran et le financement des Contras contourne non seulement la politique de l’Administration, mais aussi la législation passée par le Congrès connu comme l’amendement Boland. Les officiels de l’administration soutiennent qu'outre la restriction du Congrès de financer les Contras ou toute affaire, le président (l’Administration) pouvait continuer à trouver des moyens alternatifs de financement pour les entités et gouvernements étrangers. Les Contras étaient aussi activement impliqués dans le trafic de drogue.

Les élections de 1990 portent au pouvoir le parti UNO et Violetta Chamorro comme présidente (54,2 % des voix) sur Daniel Ortega. Ce parti se donne comme objectif, suite aux pressions du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), de rembourser l’énorme dette du pays. Pour ce faire, et succédant à l'embargo américain, une politique économique libérale d'ajustements structurels est mise en œuvre, c'est à dire qu'on commence à couper dans les services sociaux  : les conditions de vie se détériorent et l’écart entre les riches et les pauvres s’accentue. http://www.collegesherbrooke.qc.ca/ intnica/_private/histoire.htm

Arnoldo Alemán (conservateur, ancien somoziste) remporte l’élection présidentielle de 1996 contre Daniel Ortega. Alemán poursuit une politique néolibérale.

En 1998, la stabilité économique du Nicaragua est fortement ébranlée, lorsque l'ouragan Mitch dévaste une bonne partie du pays. En fin de mandat, de forts soupçons de corruption pèsent sur Arnoldo Alemán. Il sera condamné à 20 ans de prison pour détournement de fonds en 2003.

Enrique Bolaños, ancien vice-président d' Arnoldo Alemán, accède à la présidence en 2002 grâce à une campagne « anticorruption  ».

En novembre 2006, après avoir publiquement déclaré avoir renoncé au marxisme-léninisme et s'être rapproché de l'Église catholique romaine, Daniel Ortega est élu président. Il prend ses fonctions le 10 janvier 2007 et choisit comme vice-président un ancien Contras.

Le Nicaragua entre dans l’ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques), alternative à la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques, ou ALCA en espagnol) promue par les Etats-Unis ; il y rejoint Cuba, la Bolivie et le Venezuela.

Le programme pour "sortir le pays de la pauvreté" est mis en oeuvre et reçoit l'aide financière du Vénézuéla et de Cuba dans le domaine de la santé.

Daniel Ortega est, le 6 novembre 2011, encore une fois élu président, avec cette fois plus de 62 % des voix. « El pueblo unido jamas sera vencido paroles » n'est plus le slogan qui fait frémir le bourgeois et déçoit le paysan. Il n'est plus question d'appliquer le collectivisme et la nationalisation des terres.

 

Que reste-t-il de l'ambitieux programme sandiniste du 20ième siècle axé sur :

- la révolution agraire

- l’alphabétisation des masses

- l’égalité des genres

- le respect des croyances religieuses

- une politique extérieur indépendante et solidaire ?

 

Le rouge s'est beaucoup défraîchi et le communiste d'hier a oublié son catéchisme stalinien avec le bonheur des peuples malgré eux. La litanie de dictatures semble s'est s'être éteinte et, le verra-t-on un jour en France ?, un chef d'Etat malonnête a été condamné par la justice de son propre pays.

Il reste un pays à reconstruire, des citoyens à éduquer, des droits sociaux à rétablir. Mais avec quels moyens pour ce pays qui est l'un des plus pauvres de la planète ?

Un espoir : la dette publique qui planait entre 1997 et 2003 de 92 % et 120 % du PIB est tombée entre 28 % et 34 % du PIB de 2008 à 2014. La plus petite économie d’Amérique centrale après le Belize (le PIB était de 11,2 Mds USD en 2013, soit le 119ème rang mondial), accuse d’importants retards socio-économiques mais reste portée par la conjoncture internationale et les projets de grands travaux. http://www.tresor.economie.gouv.fr/pays/nicaragua

La mortalité infantile pour les moins de cinq ans (pour 1 000 enfants) est passée de 53 en 1995 à 38,2 en 2004 et la mortalité maternelle (pour 100 000 naissances d’enfants vivants) de 250 en 1995 à 87 en 2005. http://siteresources.worldbank.org/EXTIDAFRENCH/Resources/Nicaragua_FR.pdf

A propos de grands travaux, c'est le moment de parler du canal du Nicaragua, vecteur de progrès ou de déchéance.

(à suivre)


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