• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Asp Explorer

sur Des brèches dans le mur de la désinformation


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Asp Explorer (---.---.82.42) 25 juillet 2006 23:04

Cet article est fort intéressant à étudier, pas tant pour la thèse qu’il défend, que pour la manière dont il la défend. On y retrouve en effet avec un bonheur mitigé quelques unes des tares que l’on reproche à la presse « mainstream » :

- Article éditorial de parti-pris, sans investigation, sans mise en perspective, volontiers méprisant envers toute opinion critique (c’est l’effet TCE)
- Amalgame de toute opinion critique au régime nazi (c’est l’effet BHL)
- Titre et accroches commerciales, sans rapport avec le contenu de l’article (c’est l’effet Marianne, mais au moins, Marianne fait ça pour vendre du papier)
- Références multiples autant qu’invérifiables visant à semer la confusion dans l’esprit du lecteur, afin de le persuader de son infériorité intellectuelle (ce qu’on appelle le techno-babble)
- Répétition inlassable des mêmes arguments ressassés ad nauseam jusqu’à leur donner consistance dans l’esprit du lecteur (monsieur Masson poste un message par semaine, je vous engage à en comparer le contenu, c’est toujours le même, seuls changent l’ordre et le prétexte - et au risque de tomber dans le travers dénoncé au premier point, il me semble bien que la technique a été théorisée par M. Goebbles)

Mais le plus intéressant, et qui ne concerne pas que le monde des media, de constater à quel point le zèle missionnaire d’un groupuscule peut aisément contrebalancer le peu d’importance numérique de ses rangs clairsemés. Trois crieurs font plus de bruit que cent parleurs.

En tout cas, je n’ai pas pu m’empêcher d’extraire quelques données objectives de l’article de M. Masson, et en particulier, des données chiffrées : Congrès universel de Nuremberg, 1923, 4963 participants Congrès universel de Cologne, 1933, 950 participants Congrès universel de Florence, 2006, 2115 participants

D’où l’on en déduit deux choses. Premièrement, en 1933, les nazis (qui ont pris le pouvoir cette année là) avaient visiblement fort peu persécuté les espérantistes, puisque le congrès s’est tout de même tenu. Voilà une retenue que l’on ne connaissait pas à la gent vert-de-grise. A moins que le congrès ne se fut tenu AVANT la prise du pouvoir par Hitler, auquel cas il me semble douteux d’en imputer la faible fréquentation aux brimades fascistes. Il ne faut pas oublier qu’en 1933, le monde sombrait dans la crise économique, et que les rentiers oisifs qui constituaient le public de 1923 avaient largement disparu dans le krach de 29.

Le deuxième point à souligner est qu’entre 1923 et 2006, le nombre de participants au Congrès universel a fort diminué. Alors que dans le même temps, les durées et les tarifs des transports ont considérablement décru, les formalités douanières se sont assouplies, la publicité du congrès a pu être faite plus efficacement... et la population terrestre a été multipliée par trois. L’affluence que M. Masson présente comme un grand succès est en fait fort modeste, surtout si l’on considère que la manifestation en question avait lieu à Florence, une des plus belles villes du monde, à la belle saison. « C’est la faute à Hitler et à Staline », m’objectera-t-on. Or, ces deux personnages sont morts depuis plus de cinquante ans. En outre, de leur vivant, ils n’ont jamais exercé leur férule que sur une faible fraction de l’humanité, et ce sur une période brève dans le cas du dictateur nazi. Mais supposons que leur influence ait été prodigieuse au point d’éteindre la divine flamme de l’esperanto. Donc, disons qu’en mars 1953 (mort de Staline), l’esperanto en est au même point qu’en 1887 (création du langage). 36 ans après la publication du livre de Zamenhof se tenait le Congrès de Nuremberg, qui faisait 4963 participants. 53 ans après la mort de Staline se tenait le Congrès de Florence, qui faisait 2115 participants. Qu’est-ce qui a pu à ce point retarder la renaissance de la langue universelle - à supposer que sa diffusion ai réellement pâti à ce point sous la férule bolcho-fasciste, ce qui reste à démontrer ? Est-ce que le monde d’après-guerre était moins démocratique qu’avant ? Plus enferré dans le nationalisme identitaire ? Il est permis d’en douter.

Restent donc deux hypothèses que je soumets à votre sagacité : 1 - C’est la faute au complot des anglo-saxons qui empoisonnent notre belle jeunesse avec leur sous-culture de drogue et de malbouffe, comme en témoigne les propos d’ivrognes de je ne sais quel professeur du British Council recueillis à la sortie du pub, un soir de beuverie, en 1963. 2 - La nécessité de l’esperanto ne s’impose pas au monde moderne.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès